Pendant bien trente secondes, Tess resta sans voix, puis reprenant rapidement ses esprits, elle laissa tomber sa petite valise et s'empara d'une lampe trônant sur une commode. Elle en arracha le cordon et jeta lâobjet sur Roger, qui réussit d'un cheveu à esquiver le missile. La femme sur le lit, terrifiée, continuait de crier. Dans un accès de rage, Tess saisit la femme par les cheveux et par le cou pour faire taire ses cris puis la jeta, nue, hors de la chambre et dans le couloir.
Roger se ressaisit et, tout en essayant de nouer sa serviette autour de la taille, il implora : « Tess, ce n'est pas ce que tu crois ! » à quoi Tess répliqua en attrapant une chaise et en la projetant sur lui, et cette fois, elle le toucha à la tête. Roger tomba tel un sac de patates, sa blessure à la tête dégoulinant de sang.
Tess n'en avait pas fini. Elle essaya de s'emparer du poste de télévision, mais le cordon l'en empêcha et le petit meuble média bascula vers l'avant.
Roger, en choc et en sang, et toujours au sol, cria : « Tess, arrête ! Tout ça ne veut rien dire, je tâaime !
â Porc ! Sale fils de pute, tu mens ! Tu crois que j'en ai fini avec toi ?! »
Roger courut de lâautre côté du lit, réalisant en effet que Tess n'était pas ouverte au dialogue. Elle saisit son sac et le lui asséna d'un coup à la tête. Roger tomba à nouveau et se prépara à une pluie de coups. Tess s'empara d'une autre lampe, la souleva pour la jeter, mais fut stoppée par un bras puissant.
Un homme fortement bâti était entré dans la chambre et maîtrisa la femme en furie. Elle résista mais il verrouilla ses bras autour d'elle par derrière. Elle tenta de se débarrasser de lui mais il continuait à l'immobiliser. « Les gens de la sécurité sont probablement en chemin et je pense que nous devrions quitter les lieux », dit l'homme.
Tess essaya à nouveau de se libérer puis elle explosa. « Mais vous êtes qui, vous ? Allez au diable ! Je dois tuer ce salopard. »
Roger se remettait peu à peu de l'attaque et tentait misérablement de s'expliquer. « Tess, ce n'était rien ! C'est juste arrivé comme ça ! Ãa n'avait pas d'importance pour moi ! C'est toi que j'aime ! »
Tess se détendit assez pour faire comprendre qu'elle s'était calmée. Quand lâhomme relâcha sa prise, elle se libéra et se jeta sur Roger à nouveau. « Espèce de lâche ! Mauviette ! Tu ne sais même pas mentir convenablement ! » Elle commença à le rouer de coups, ce qui poussa l'homme à se saisir d'elle et à l'entraîner hors de la chambre comme un sac de patates. Tess résista furieusement, en vain. L'homme la souleva et l'emporta rapidement vers une chambre ouverte au bout du couloir. Il ferma la porte, la posa sur son dos et se mit sur elle à califourchon avec une main sur sa bouche.
« Sâil vous plaît, calmez-vous, vous risquez dâavoir des ennuis. Détendez-vous, je suis sûr qu'on peut trouver un arrangement. » Tess sembla se calmer, mais lâhomme ne desserra pas sa prise. Il avait vu son tempérament dans l'action. Tess se débattit à nouveau, mais l'homme continua de la maintenir et de la bâillonner de sa main.
De frustration, Tess arrêta de se débattre. L'homme n'en relâcha pas pour autant sa prise et tenta doucement de la calmer. « Ãa va aller. Vous vous en sortirez. Calmez-vous et on va tenter de régler ça. Je ne pense que vous vouliez finir en prison. »
Tess se considérait comme un assez bon combattant mais cet homme semblait être d'acier. Il n'y avait aucun moyen de se dérober. Finalement, elle se détendit et l'homme la relâcha, bien qu'avec méfiance.
On pouvait entendre des gens se précipiter vers la chambre de Roger. Tess entendait de l'agitation dans le couloir et il sembla que Roger ne voulait pas créer plus d'ennuis. Il refusa dâengager des poursuites. Il dit quâil ne connaissait pas la personne qui les avait attaqués lui et sa compagne. Et qu'il s'agissait probablement d'une tentative de vol. Le personnel de sécurité de l'hôtel, de même que la police, avait lâair dubitatif mais ils ne pouvaient faire grand-chose si aucune plainte n'était déposée.
Tess se vit alors dans le miroir et constata qu'elle était un vrai désastre. Le peu de mascara qu'elle avait mis avait fondu et faisait des stries sur son visage. Elle s'excusa et alla dans la salle de bain pour se passer le visage à l'eau. Elle était furieuse contre elle-même d'avoir exposé ses émotions à un étranger.
Elle retourna dans la chambre et regarda cet homme, maintenant assis sur une chaise, qui feuilletait un magazine.
« Qu'est-ce qui vous donne le droit d'intervenir dans ma vie ? dit-elle avec colère.
â Bonjour, je m'appelle Jake. Lâhomme déposa le magazine sur la petite table. Allez-vous me dire qui vous êtes ?
â Pourquoi le devrais-je ? Je ne vous connais pas, je ne veux pas vous connaître, et à ce moment précis, je suis folle de rage !
â Je ne peux pas vous en vouloir d'être en colère. Si ce qui s'est passé est ce que je pense qu'il s'est passé, je ne sais pas comment j'aurais réagi moi-même. En revanche, vous pourriez être en prison, avec une accusation pour coups et blessures. Mais pour être franc, je ne crois pas qu'il en vaut la peine. Il y a de meilleures façons de régler des problèmes comme ça, et je pense que vous y verrez plus clair une fois que vous vous serez calmée et que vous pourrez y réfléchir.
â Je m'appelle Tess, dit-elle. Et ma réaction n'a pas été excessive. Roger, mon mari a fait une chose impardonnable. Jâavais vraiment envie de lui faire mal, mais je vois votre point de vue. Mais il y a une chose que je n'arrive pas à comprendre. Je suis ceinture noire - merci à l'Armée pour ça - et vous avez réussi à me maîtriser. D'où sortez-vous ? »
Roger haussa les épaules. « Je fais des bricoles dans l'Armée.
â Moi aussi, offrit Tess, mais personne n'a su me mater au combat jusque là !
â Ce n'était pas un combat, je vous ai immobilisée.
â Mais d'abord, pourquoi vous souciez-vous de moi ? Tess explosa. Vous n'avez donc rien d'autre à faire?
â Correct. Pour le moment, je n'ai rien d'autre à faire. Mais je me soucie de vous car je vous ai vue dans le hall de l'hôtel, et franchement, vous n'avez pas l'air de quelqu'un qui devrait finir en prison juste parce que vous avez des difficultés à contrôler votre colère.
â Eh bien, vous, vous ne lésinez pas au travail !
â Pas de conclusions hâtives. Si vous voulez vraiment une raison, je pense que vous gagneriez à maîtriser votre tempérament, autrement vous feriez tout de travers.
â J'ai entendu cette citation au collège, observa Tess. D'un philosophe espagnol ?
â Balthasar Gracián, qui a vécu au 17ème siècle. » ajouta Jake.
Tess s'assit enfin et croisa ses jambes avec élégance, puis d'un ton sarcastique elle ajouta : « Non seulement un soldat mais aussi un savant !
â Je suis un réaliste qui a appris au prix fort quâil est toujours préférable de