Mémoires de Constant, premier valet de chambre de l'empereur, sur la vie privée de Napoléon, sa famille et sa cour. Louis Constant Wairy. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Louis Constant Wairy
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: История
Год издания: 0
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mieux que lui.

FIN DU PREMIER VOLUME

      TOME SECOND

      CHAPITRE PREMIER

—–

      JOURNAL

      DU VOYAGE À MAYENCE.

      SECONDE PARTIE

      Le duc et la duchesse de Bavière;—leurs enfans.—Le prince Pie.—Le petit corps et les grands cordons.—La princesse Elisabeth (depuis, princesse de Neufchâtel et de Wagram).—L'empereur blessé de l'entendre causer à table.—Bonté et politesse du prince Eugène.—Départ d'Aix-la-Chapelle et arrivée à Cologne.—Les cloches, les églises et les couvens.—Erreurs communes au sujet de l'empereur, relevées par l'auteur.—Travail et sommeil de l'empereur.—Usage du café.—Les grands hommes vus de près.—L'empereur à la toilette de l'impératrice.—L'écrin bouleversé par l'empereur.—Désespoir de la première femme de chambre.—Les mystères de la toilette.—Les femmes de chambre métamorphosées en dames d'annonce.—L'empereur très-occupé de la toilette des dames de sa cour.—L'écritoire vidée par l'empereur sur une robe de l'impératrice,—Cinq toilettes par jour.—Antipathie de l'empereur pour les femmes d'esprit.—Les femmes considérées par lui comme faisant partie de son ameublement.—Un mot de Joséphine, au sujet de l'influence des femmes sur l'empereur.—L'empereur et la reine de Prusse.—Les souverains ont tort de se dire mutuellement des injures.—Départ de Cologne, et séjour à Bonn.—La maison et les jardins de monsieur de Belderbuch.—Méditation nocturne au bord du Rhin.—Les chants des pèlerins allemands.—M. de Chahan, préfet de Coblentz.—Simplicité d'un sage administrateur, et luxe de Napoléon.—L'auteur s'avoue coupable d'une escobarderie,—L'empereur incommodé pendant la nuit.—Erreur de l'auteur relevée par Constant,—Les généraux Cafarelli, Rapp et Lauriston.—Erreur de l'auteur au sujet de M. de Caulaincourt, relevée par l'éditeur.—Voyage sur le Rhin.—Sites pittoresques.—La tour de la souris.—Orage et tempête sur le Rhin.—Arrivée à Bingen.—Retard.—Double entrée à Mayence.—Mécontentement attribué à Napoléon.—Tête-à-tête orageux.—Le petit salut.—Larmes de l'impératrice.—Les héros et leurs valets de chambre.—Présentation des princes de Bade.—Querelle d'intérieur, à propos du prince Eugène.—Fermeté de l'impératrice.—Je n'ai pas pleuré pour être princesse.—L'empereur esclave de l'étiquette, malgré son affection pour le prince Eugène.—Taquinerie du grand chambellan.—Manœuvre adroite de Joséphine.—Le prince Eugène est présenté.—L'empereur ne se souvenant plus de sa colère.—M. de Caulaincourt et les princes de Bade.—Nouvelle erreur sur M. de Caulaincourt.—Ignorance des usages de la cour, attribuée par l'auteur à M. le grand écuyer.—Note de l'éditeur sur ce passage.—Cambacérès, grand métaphysicien.—Sortie de l'empereur contre Kant.—Prédilection de Cambacérès pour ce philosophe.—La profondeur traitée d'obscurité par les esprits inattentifs.—La princesse et le prince héréditaire de Hesse-Darmstadt et sa femme la princesse Willelmine de Bade.—Curiosité de Joséphine.—Portrait de la princesse Willelmine.—Petit triomphe de Joséphine.—Le yacht du prince de Nassau-Weilbourg.—Déjeuner dans une île du Rhin.—Ravages de la guerre.—L'empereur exauce le vœu d'une pauvre femme.—Sévérité excessive d'un jugement de l'auteur.—Promenade dans l'île.—Trait de bienfaisance de Joséphine.—L'empereur parlant beaucoup et ne causant jamais.—Définition du bonheur, donnée par l'empereur.—L'auteur applique à cette définition la méthode de l'archi-chancelier.—Résultat de cette analyse.—Les schalls prêtés et non rendus.—Excursion de l'auteur et de madame de Larochefoucault à Francfort.—Les marchandises anglaises.—Joséphine encourageant la fraude.—La mèche éventée.—L'empereur ne se fâche pas.—Le grand bal de Mayence.—Exigence de l'empereur.—Joséphine obligée d'aller au bal, quoique souffrante.—Les princesses de Nassau.—Humiliation de l'auteur, en voyant que l'empereur ignore les usages des cours.—Déjeuner chez le prince de Nassau.—Dureté de l'empereur à l'égard de madame de Lorges.—Le goût allemand et le goût français.—L'empereur de la Chine et l'empereur Napoléon.—Regard lancé à l'auteur par l'empereur.—Hardiesse de l'auteur.—Les petits hibous.—Départ de Mayence.—Monotonie des harangues.—La harangue du renard.

Aix-la-Chapelle, le 28 août.

      Le duc et la duchesse Léopold de Bavière, le prince Pie leur fils, et la princesse Elisabeth leur fille34, sont arrivés ici pour faire leur cour; ils viennent de prendre possession de Dusseldorf, qui leur est échu en indemnité. La duchesse a dû être une fort belle femme; elle a une belle taille et l'air très-noble. Le prince Pie son fils est justement à cet âge si désavantageux qui tient le milieu entre l'enfance et la jeunesse. L'empereur a beaucoup ri de ses petites jambes, qui ont peine à porter son petit corps surchargé d'ordres et de grands cordons. Cela fait une drôle de petite caricature. La princesse Elisabeth n'est pas jolie, mais je crois que si elle était mieux habillée elle serait bien faite. Elle est très-polie, très-parlante, chose qui scandalise fort Napoléon. À dîner, elle était placée entre lui et Eugène Beauharnais: habituée à la petite cour de son père, à celle de l'électeur de Bavière, il est assez simple qu'elle ne soit point intimidée en parlant à Bonaparte. Il trouve fort extraordinaire qu'elle n'attende pas qu'on l'interroge, ainsi que le font toutes les personnes dont il est entouré. Aussi, j'ai remarqué à table qu'il s'en est très-peu occupé, comme s'il eût voulu la punir de n'avoir pas peur de lui; mais Eugène, dont les manières sont si bonnes, qui était placé de l'autre côté de la princesse, a été ce qu'il est toujours, parfaitement poli.

Cologne, le 31 août.

      Nous avons quitté Aix-la-Chapelle, et nous sommes arrivées avant-hier à Cologne, ville qui me paraît assez triste. En arrivant, on m'a fait remarquer qu'on y compte trois cent soixante-cinq cloches, ce qui indique quelle quantité énorme d'églises et de couvens on y trouvait avant que les Français en eussent pris possession. J'espère que nous n'y passerons que peu de jours. Une chose que j'ai remarquée déjà à Aix-la-Chapelle, mais plus particulièrement ici, c'est l'erreur où chacun est sur le compte de Napoléon. Le vulgaire est persuadé qu'il ne dort presque jamais, et qu'il travaille sans cesse; mais je vois que, s'il se lève de bonne heure pour faire manœuvrer des régimens, il a grand soin de se coucher beaucoup plus tôt le soir: hier, par exemple, il était monté à cheval à cinq heures du matin; le soir il s'est retiré avant neuf dans son appartement; et Joséphine nous a dit que c'était pour se coucher. On prétendait aussi qu'il faisait un usage immodéré de café, pour éloigner le sommeil; il en prend une tasse après son déjeuner et autant à dîner. Mais le public est ainsi: si un homme, placé dans des circonstances heureuses, opère de grandes choses, nous mettons tout sur le compte de son génie. Nous ne voulons rien devoir à la puissance du hasard; cet aveu répugne à l'amour-propre humain. Notre imagination crée un fantôme; elle l'entoure d'une brillante auréole35; mais sommes-nous admis à le voir de près, tout ce prestige, dont nous l'avions paré dans l'éloignement, s'évanouit; nous retrouvons l'homme avec toutes ses faiblesses, toutes ses petitesses, et nous nous indignons du culte que nous lui avons rendu.

Cologne, le 1e septembre.

      Ce matin, je causais avec Joséphine, pendant qu'on la coiffait. L'empereur est arrivé, il a culbuté tout l'écrin pour lui faire essayer plusieurs parures. Madame Saint-Hilaire, première femme de chambre, chargée du soin des bijoux, était bonne à voir dans cet instant où Bonaparte mettait en désordre les objets confiés à ses soins. Elle était autrefois femme de chambre de madame Adélaïde, et elle voudrait établir, dans le département de la toilette, l'étiquette à laquelle elle était habituée à l'ancienne cour; mais cela n'est pas facile. On avait nommé un assez grand nombre de femmes de chambre qui devaient faire leur service par quartier de trois mois. Joséphine, qui arrive à cet âge où l'on a besoin de tout l'art, de tous les mystères de la toilette, était fort ennuyée d'avoir toutes ces spectatrices; elle a prié qu'on lui laissât seulement ses anciennes femmes de chambre; et, à la réserve de madame Saint-Hilaire, on a fait des dames d'annonce de toutes les femmes de chambre qu'on venait de nommer. Ces dames n'ont pas d'autres


<p>34</p>

Depuis, princesse de Neufchâtel et de Wagram.

<p>35</p>

Je ne vois pas que l'empereur doive perdre sa brillante auréole, pour s'être couché quelquefois de bonne heure, et avoir fait un usage modéré de café.

(Note de Constant.)