La peinture appliquée à l'architecture ne peut procéder que de deux manières: ou elle est soumise aux lignes, aux formes, au dessin de la structure; ou elle n'en tient compte, et s'étend indépendante sur les parois, les voûtes, les piles et les profils.
Dans le premier cas, elle fait essentiellement partie de l'architecture; dans le second, elle devient une décoration mobilière, si l'on peut ainsi s'exprimer, qui a ses lois particulières et détruit souvent l'effet architectonique pour lui substituer un effet appartenant seulement à l'art du peintre. Que les peintres considèrent ce dernier genre de décoration picturale comme le seul bon, cela n'a rien qui doive surprendre; mais que l'art y gagne, c'est une question qui mérite discussion. La peinture ne s'est séparée de l'architecture qu'à une époque très-récente, c'est-à-dire au moment de la renaissance. Du jour que le tableau, la peinture isolée, faite dans l'atelier du peintre, s'est substituée à la peinture appliquée sur le mur qui doit la conserver, la décoration architectonique peinte a été perdue. L'architecte et le peintre ont travaillé chacun de leur côté, creusant chaque jour davantage l'abîme qui les séparait, et quand par hasard ils ont essayé de se réunir sur un terrain commun, il s'est trouvé qu'ils ne se comprenaient plus, et que voulant agir de concert, il n'existait plus de lien qui les pût réunir. Le peintre accusait l'architecte de ne lui avoir pas ménagé des places convenables, et l'architecte se croyait en droit de déclarer que le peintre ne tenait aucun compte de ses dispositions architectoniques. Cette séparation de deux arts autrefois frères est sensible, quand on jette les yeux sur les essais qui ont été faits de nos jours pour les accorder. Il est clair que dans ces essais l'architecte n'a pas conçu, n'a pas vu l'effet que devait produire la peinture appliquée sur les surfaces qu'il préparait, et que le peintre ne considérait ces surfaces que comme une toile tendue dans un atelier moins commode que le sien, ne s'inquiétant guère d'ailleurs de ce qu'il y aurait autour de son tableau. Ce n'est pas ainsi que l'on comprenait la peinture décorative pendant le moyen âge, ni même pendant la renaissance, et Michel-Ange, en peignant la voûte de la chapelle Sixtine, ne s'isolait pas, il avait bien la conscience du lieu, de la place où il travaillait, de l'effet d'ensemble qu'il voulait produire. De ce que l'on peint sur un mur au lieu de peindre sur une toile, il ne s'ensuit pas que l'oeuvre soit une peinture monumentale, et presque toutes les peintures murales produites de notre temps ne sont toujours, malgré la différence du procédé, que des tableaux; aussi voyons-nous que ces peintures cherchent un encadrement, qu'elles se groupent en scènes ayant chacune un point de vue, une perspective particulière, ou qu'elles se développent en processions entre deux lignes horizontales. Ce n'est pas ainsi non plus qu'ont procédé les anciens maîtres mosaïstes, ni les peintres occidentaux du moyen âge. Quant à la peinture d'ornement, le hasard, l'instinct, l'imitation, servent seuls aujourd'hui de guides, et neuf fois sur dix il serait bien difficile de dire pourquoi tel ornement prend cette forme plutôt que telle autre, pourquoi il est rouge et non pas bleu. On a ce qu'on appelle du goût, et cela suffit, croit-on, pour décorer d'enluminures l'intérieur d'un vaisseau; ou bien on recueille partout des fragments de peintures, et on les applique indifféremment, celui-ci qui était sur une colonne, à une surface plane, cet autre que l'on voyait sur un tympan, à un soubassement. Le public, effarouché par ces bariolages, ne trouve pas cela d'un bon effet, mais on lui démontre que les décorateurs du moyen âge ont été scrupuleusement consultés, et ce même public en conclut que les décorateurs du moyen âge étaient des barbares, ce que d'ailleurs on lui accorde bien volontiers.
Dans la décoration de l'architecture, il faut convenir, il est vrai, que la peinture est la partie la plus difficile peut-être et celle qui demande le plus de calculs et d'expérience. Alors que l'on peignait tous les intérieurs des édifices, les plus riches comme les plus pauvres, on avait nécessairement des données, des règles que l'on suivait par tradition; les artistes les plus ordinaires ne pouvaient ainsi s'égarer. Mais aujourd'hui ces traditions sont absolument perdues, chacun cherche une loi inconnue; il ne faut donc pas s'étonner si la plupart des essais tentés n'ont produit que des résultats peu satisfaisants.
Le XIIe siècle atteint l'apogée de l'art de la peinture architectonique pendant le moyen âge en France; les vitraux, les vignettes des manuscrits et les fragments de peintures murales de cette époque accusent un art savant, très-avancé, une singulière entente de l'harmonie des tons, la coïncidence de cette harmonie avec les formes de l'architecture. Il n'est pas douteux que cet art s'était développé dans les cloîtres et procédait de l'art grec byzantin. Alors les étoffes les plus belles, les meubles, les ustensiles colorés, un grand nombre de manuscrits même, rapportés d'Orient, étaient renfermés dans les trésors et les bibliothèques des couvents, et servaient de modèles aux moines adonnés aux travaux d'art. Plus tard, vers la fin du XIIe siècle, lorsque l'architecture sortit des monastères et fut pratiquée par l'école laïque, il se fit une révolution dans l'art de la peinture, qui, sans être aussi radicale que celle opérée dans l'architecture, modifia profondément cependant les principes posés par l'école monacale.
Sans parler longuement de quelques fragments de peinture à peine visibles, de linéaments informes qui apparaissent sur certains monuments avant le XIe siècle, nous constaterons seulement que dès l'époque gallo-romaine, c'est-à-dire vers le IVe siècle, tous les monuments paraissent avoir été peints en dedans et en dehors. Cette peinture était appliquée soit sur la pierre même, soit sur un enduit couvrant des murs de maçonnerie, et elle ne consistait, pour les parties élevées au-dessus du sol, qu'en une sorte de