La figure 3 fera saisir les assemblages des potelets formant jambages des fenêtres, et des décharges courbes. Nous montrons le linteau A d'une de ces fenêtres à l'intérieur. Les potelets intermédiaires B, formant meneaux, s'assemblent à mi-bois dans ces linteaux, et portent, à leur extrémité supérieure b, un tenon qui entre dans une mortaise c, ménagée sous la sablière. Une petite languette e s'embrève en outre dans le linteau, et empêche celui-ci de désaffleurer le poteau. Les linteaux A possèdent eux-mêmes des languettes f qui s'embrèvent sous les sablières en g. La coupe C donne le géométral de ces assemblages, l'intérieur du pan de bois étant en h. Le potelet G, formant jambage, s'assemble de même à mi-bois dans l'extrémité du linteau, et porte son tenon i tombant dans une mortaise j; mais la décharge E porte une coupe biaise l, qui bute le linteau, et un tenon m qui s'engage dans la mortaise n. Ce tenon forme aussi languette s'embrevant dans l'extrémité du linteau en p.
Les assemblages de cette charpente rappellent ceux employés dans la menuiserie, et ceux aussi adoptés pour les constructions navales. La main-d'oeuvre est considérable, comme dans toute structure primitive; mais on observera que les ferrements ne sont admis nulle part. D'ailleurs le cube de bois employé est énorme, eu égard à la petite dimension de ce pan de bois de face; les remplissages en maçonnerie ou en torchis, à peu près nuls. Au XIIIe siècle déjà, on élevait des pans de bois beaucoup plus légers, mieux combinés, dans lesquels la main-d'oeuvre était économisée, et qui présentaient une parfaite solidité. Souvent, à cette époque, les solives des planchers portent sur les pans de bois de face, et servent à les relier avec les pans de bois intérieurs de refend.
Nous traçons (fig. 4) un de ces pans de bois, qui appartient, autant qu'on en peut juger par les profils, à la fin du XIIIe siècle 41. Ici pas de murs pignons en maçonnerie, comme dans l'exemple précédent; la construction est entièrement de charpente, et les mitoyennetés sont des pans de bois composés de sablières, de poteaux, de décharges et de tournisses. Les deux étages de pans de bois de face sont posés en encorbellement l'un sur l'autre, ainsi que l'indique le profil A. Les poteaux d'angle et d'axe de la façade B ont 22 et 24 centimètres d'équarrissage; tous les autres, ainsi que les sablières et solives, n'ont que 17 à 19 centimètres. Les solives C des planchers posant sur les sablières hautes assemblées sur la tête des poteaux, sont soulagées par des goussets et liens D à l'intérieur et à l'extérieur, et peuvent ainsi recevoir à leur extrémité la sablière basse de l'étage au-dessus. Ces solives étant espacées de près d'un mètre, elles reçoivent de plus faibles solives, ou plutôt des lambourdes, sur lesquelles sont posés les bardeaux avec entrevous, aire et carrelage. Le roulement du pan de bois est maintenu par des décharges E assez fortes, et des croix de Saint-André sous les appuis des fenêtres.
Un détail (fig. 5) explique l'assemblage des sablières a sur les poteaux b, des goussets et liens c, soit dans ces poteaux; soit dans les solives e. On voit en g comment s'embrèvent les sablières basses h aux abouts des solives, et comment, entre chacune de ces solives, on a posé des entretoises mouluréesi. Le tracé perspectif f montre l'une des solives désassemblée avec ses mortaises; le tracé perspectif l figure le linteau m de la porte et son assemblage avec le poteau p, formant jambage. Quant au tracé géométral B, il explique l'assemblage marqué d'un b dans la figure 4.
Ce pan de bois est bien tracé; les bois sont parfaitement équarris, les moulures nettement coupées, les assemblages faits avec soin. Il était, bien entendu, apparent; les remplissages étaient hourdés en mortier et petit moellon enduits.
Nous avons signalé ailleurs 42 l'habileté des charpentiers du moyen âge, principalement pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles. Il ne faudrait pas croire que les constructions se bornaient alors à employer les pans de bois pour les maisons de bourgeois: le pan de bois était, au contraire, un genre de construction fréquemment adopté, même dans les édifices publics, les palais et châteaux. Dans beaucoup de résidences seigneuriales, des logis avaient à l'intérieur, ou en guise de murs de refend, des pans de bois. Nous avons souvent constaté la présence de ces ouvrages de charpenterie, détruits par des incendies, dans des châteaux d'une certaine importance. On employait aussi les pans de bois comme moyen provisoire de clore des édifices que l'on n'avait pas le temps d'achever, ou dont la construction demeurait suspendue. C'est ainsi qu'on voit, au sommet du mur septentrional de la cathédrale d'Amiens, un pignon en pan de bois qui date du XIVe siècle.
Dans certaines contrées où le bois était abondant et la pierre rare, on bâtissait même des églises tout entières en bois. On voit encore dans un des faubourgs de la ville de Troyes 43 une chapelle, placée sous le vocable de saint-Gilles, qui est bâtie en pans de bois et date de la seconde moitié du XIVe siècle. Cet édifice, auquel des adjonctions plus récentes ont enlevé une partie de son caractère, se composait d'une seule nef, encore entière aujourd'hui, terminée par une abside à quatre pans.
Nous donnons (fig. 6) en A le plan, et en B la coupe transversale de la chapelle de Saint-Gilles 44. Tout le système consiste en une suite de poteaux (un par travée et à chaque angle) reposant sur une sablière basse et portant des fermes; une sablière haute relie le sommet, et deux cours d'entretoises, avec des écharpes et potelets, maintiennent le dévers. Les entraits et poinçons de la charpente sont apparents; celle-ci est lambrissée. Une flèche, dont l'amorce est tracée en D, couronne le comble sur la troisième travée, plus étroite que les autres. La figure 7 donne en A le détail géométral de l'assemblage des poteaux dans les entraits avec les liens doubles qui les soulagent, et en B le tracé perspectif d'une des travées à l'intérieur, avec la fenêtre, la sablière haute et l'entretoise haute moulurées. On voit, comme dans cet humble édifice, la charpente est traitée avec soin, comment la décoration n'est, à tout prendre, que l'apparence de la structure. Sur ces bois, point d'enduit sur lattis simulant une construction de pierre; aussi ces charpentes laissées à l'air libre sur deux faces se sont conservées plus de quatre siècles. On observera que les liens C (fig. 7) sont bien moins destinés à soulager les entraits des fermes qu'à arrêter le dévers des pans de bois. Ils tiennent lieu d'équerres, de goussets qui empêchent tout le système de se coucher, soit d'un côté, soit de l'autre.
Les bois employés dans les pans de bois, à dater du XIIIe siècle, ne sont jamais d'un fort équarrissage; ils sont sains et choisis parmi des arbres qui n'étaient pas trop vieux. Ce sont presque toujours