Afin de ne pas multiplier les figures, nous présentons le plan du palais des papes à rez-de-chaussée pour la partie la plus élevée, et au premier étage pour la partie située au-dessus des bâtiments entourant la cour d'honneur. Par le fait, le niveau du rez-de-chaussée des bâtiments supérieurs correspond au niveau d'un étage entresolé, disposé en partie sur le plan donné dans la figure 14.
En A (fig. 15), est l'église Notre-Dame des Doms, rétablie dans sa forme première et avant l'adjonction des chapelles qui ont altéré le plan de ce bel édifice. Élevée pendant le XIIe siècle, l'église Notre-Dame des Doms, aujourd'hui encore cathédrale d'Avignon, fut conservée par les papes, et c'est dans son voisinage que les pontifes élevèrent les premières constructions de leur palais, entre autres les tours B et les corps de logis b. S'avançant peu à peu vers le sud et suivant la déclivité du rocher, les papes fermèrent d'abord la cour C, entourée d'un large portique avec étage au-dessus, puis la cour d'honneur D. Il est à remarquer qu'en élevant chaque tour et chaque corps de logis, on les fortifiait, pour mettre toujours les portions terminées du palais à l'abri d'une attaque. Ainsi, le bâtiment E, par exemple, était défendu par des mâchicoulis en e, parce qu'au moment de sa construction, il avait vue directe sur les dehors, la cour d'honneur D et la grande salle G ayant été construites en dernier lieu, ainsi que la tour H.
Sous Urbain V, les appartements du pape se trouvaient au premier étage, autour de la cour d'honneur. Une grande salle (la salle G) entièrement voûtée, servait de chapelle. Ses voûtes étaient couvertes de belles peintures dont il ne reste plus que des fragments. L'escalier d'honneur I donnait entrée dans cette chapelle et dans les appartements des corps de logis à l'occident et au levant. Un couloir de service longe les pièces de l'aile occidentale, est desservi par l'escalier K, communique à la porterie et avec défenses supérieures par les vis L, aboutit au-dessus de la poterne P, et met l'aile occidentale en communication avec le logis E. Un crénelage avec larges mâchicoulis bordait les chambres de l'aile occidentale, au niveau du premier étage, sur le dehors. En F, étaient placées, au premier étage, les grandes cuisines 30. La salle des festins était au-dessus de la salle b, et se trouvait séparée des galeries du cloître par une cour très étroite et très longue; on observera que des mâchicoulis défendent le pied des quatre bâtiments qui entourent ce cloître. Des cloisons, dont nous n'avons pas tenu compte dans ce plan, parce qu'elles ont été changées plusieurs fois de place, divisaient les logis qui entourent le cloître et laissaient des couloirs de service. Ce vaste palais était donc très habitable, toutes les pièces étant éclairées au moins d'un côté. On remarquera aussi que dans l'épaisseur des murs des tours notamment, sont pratiqués des couloirs de service et des escaliers qui mettaient en communication les divers étages entre eux, et pouvaient au besoin faciliter la défense.
Une élévation prise sur toute l'étendue de la face occidentale fait saisir l'ensemble de ce majestueux palais (fig. 16) qui domine la ville d'Avignon, le cours du Rhône et les campagnes environnantes. Il était autrefois richement décoré de peintures à l'intérieur 31. Mais deux incendies, l'abandon et le vandalisme, ont détruit la plus grande partie des décorations. Quelques plafonds assez richement peints datent du XVIe siècle. L'emmarchement du grand escalier, aujourd'hui délabré et sordide, était fait de marbre ou de pierre polie, ses voûtes étaient peintes. La chapelle était des plus splendides et contenait des monuments précieux: c'est dans ce vaisseau que furent déposés les trophées envoyés au pape en 1340, par le roi de Castille, à la suite de la victoire de Tarifa.
Les deux tourelles qui surmontent la porte d'entrée en forme d'échauguettes ne furent démolies qu'en 1749, parce que (dit un rapport du sieur Thibaut, ingénieur, en date du 29 mars de la même année) elles menaçaient ruine; un tableau déposé dans la bibliothèque d'Avignon et plusieurs gravures nous en ont conservé la forme. Quant aux couronnements des tours, notamment ceux de la tour de Trouillas, ils ne furent complétement détruits qu'au commencement de ce siècle, et sont également représentés dans les tableaux et gravures du XVIIe siècle. Le palais des papes possède sept tours qui sont: 1º la tour de Trouillas, 2º de la Gache 32, 3º de Saint-Jean, 4º de Saint-Laurent, 5º de la Cloche, 6º des Anges 33, 7º de l'Estrapade.
Les légats habitèrent le palais d'Avignon, après le départ de l'antipape Benoît XIII, et y firent quelques travaux, entre autres le cardinal d'Armagnac, en 1569; mais cette vaste habitation était fort délabrée et «fort mal logeable», comme le dit Ch. de Brosses, pendant le dernier siècle. Aujourd'hui, c'est à grand'peine que l'on peut reconnaître les dispositions intérieures à travers les planchers et les cloisons qui coupent les étages, pour loger de la troupe 34.
Ce dernier exemple indique, comme les précédents, que la question de symétrie n'était point soulevée lorsqu'il s'agissait de bâtir des palais pendant le moyen âge. On cherchait à placer les services suivant le terrain ou l'orientation la plus favorable, suivant les besoins, et l'on donnait à chaque corps de logis la forme, l'apparence qui convenaient à sa destination.
Tous les palais épiscopaux n'avaient pas en France cet aspect de forteresse. Le palais archiépiscopal de Rouen, le palais épiscopal d'Évreux, celui de Beauvais, rebâtis presque entièrement au XVe siècle, ressemblaient fort à des hôtels princiers s'ouvrant sur les dehors par de larges fenêtres, et ne possédant plus de tours de défense. Quant aux rois de France, à dater de la fin du XIVe siècle, lorsqu'ils résidaient dans les villes, ils habitaient des hôtels. À Paris, le roi possédait plusieurs hôtels, et dans la plupart des bonnes villes on avait le logis du roi, qui souvent n'était qu'une résidence très modeste. Les châteaux furent préférés, on y jouissait d'une plus grande liberté. Les troubles qui remplirent la capitale pendant une grande partie du XVe siècle engagèrent les souverains à ne plus se fier qu'à de bonnes murailles à distance de la ville.
Les châteaux du Louvre, de la Bastille, de Vincennes, ceux des bords de la Loire, devinrent la résidence habituelle des rois de France, depuis les guerres de l'indépendance jusqu'au règne de François Ier. Les grands vassaux suivirent en cela l'exemple du souverain, et préféraient leurs châteaux à leurs résidences urbaines, et le nom de palais resta aux bâtiments occupés par les parlements.
«Karles ne torna pas à Saint-Polle martir
N'an son palais plenier, qi fu de marbre bis.»
(La Chanson des Saxons,