Moll Flanders. Defoe Daniel. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Defoe Daniel
Издательство: Public Domain
Серия:
Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
isbn:
Скачать книгу
avait plaisanté et jacassé, comme elle savait que c'était sa manière, et que j'avais toujours pris ses paroles à la façon que je supposais qu'il les entendait, pour un étrange discours en l'air sans aucune signification, et lui assurai qu'il n'avait pas passé la moindre syllabe de ce qu'elle voulait dire entre nous, et que ceux qui l'avaient insinué m'avaient fait beaucoup de tort à moi et n'avaient rendu aucun service à M. Robert.

      La vieille dame fût pleinement satisfaite et me baisa, me consola et me parla gaiement, me recommanda d'avoir bien soin de ma santé et de ne me laisser manquer de rien, et ainsi prit congé; mais quand elle redescendit, elle trouva le frère avec ses sœurs aux prises; elles étaient irritées jusqu'à la fureur, parce qu'il leur reprochait d'être vilaines, de n'avoir jamais eu de galants, de n'avoir jamais été priées d'amour, et d'avoir l'effronterie presque de le faire les premières, et mille choses semblables; il leur opposait, en raillant, Mme Betty, comme elle était jolie, comme elle avait bon caractère, comme elle chantait mieux qu'elles deux et dansait mieux, et combien elle était mieux faite, en quoi faisant il n'omettait pas de chose déplaisante qui pût les vexer. La vieille dame descendit au beau milieu de la querelle et, pour l'arrêter, leur dit la conversation qu'elle avait eue avec moi et comment j'avais répondu qu'il n'y avait rien entre M. Robert et moi.

      – Elle a tort là-dessus, dit Robin, car s'il n'y avait pas tant de choses entre nous, nous serions plus près l'un de l'autre que nous ne le sommes; je lui ai dit que je l'aimais extraordinairement, dit-il, mais je n'ai jamais pu faire croire à la friponne que je parlais sérieusement.

      – Et je ne sais comment tu l'aurais pu, dit sa mère, il n'y a pas de personne de bon sens qui puisse te croire sérieux de parler ainsi à une pauvre fille dont tu connais si bien la position. Mais, de grâce, mon fils, ajoute-t-elle, puisque tu nous dis que tu n'as pu lui faire croire que tu parlais sérieusement, qu'en devons-nous croire, nous? Car tu cours tellement à l'aventure dans tes discours, que personne ne sait si tu es sérieux ou si tu plaisantes; mais puisque je découvre que la fille, de ton propre aveu, a répondu sincèrement, je voudrais que tu le fisses aussi, en me disant sérieusement pour que je sois fixée: Y a-t-il quelque chose là-dessous ou non? Es-tu sérieux ou non? Es-tu égaré, en vérité, ou non? C'est une question grave, et je voudrais bien que nous fussions satisfaites sur ce point.

      – Par ma foi, madame, dit Robin, il ne sert de rien dorer la chose ou d'en faire plus de mensonges: je suis sérieux autant qu'un homme qui s'en va se faire pendre. Si Mme Betty voulait dire qu'elle m'aime et qu'elle veut bien m'épouser, je la prendrais demain matin à jeun, et je dirais: «Je la tiens», au lieu de manger mon déjeuner.

      – Alors, dit la mère, j'ai un fils de perdu – et elle le dit d'un ton bien lugubre, comme une qui en fût très affligée.

      – J'espère que non, madame, dit Robin: il n'y a pas d'homme perdu si une honnête femme le retrouve.

      – Mais, mon enfant, dit la vieille dame, c'est une mendiante!

      – Mais alors, madame, elle a d'autant plus besoin de charité, dit Robin; je l'ôterai de dessus les bras de la paroisse, et elle et moi nous irons mendier ensemble.

      – C'est mal de plaisanter avec ces choses, dit la mère.

      – Je ne plaidante pas, madame, dit Robin: nous viendrons implorer votre pardon, madame, et votre bénédiction, madame, et celle de mon père.

      – Tout ceci est hors de propos, fils, dit la mère; si tu es sérieux, tu es perdu.

      – J'ai bien peur que non, dit-il, car j'ai vraiment peur qu'elle ne veuille pas me prendre; après toutes les criailleries de mes sœurs, je crois que je ne parviendrai jamais à l'y persuader.

      – Voilà bien d'une belle histoire, elle n'est pas déjà partie si loin; Mme Betty n'est point une sotte, dit la plus jeune sœur, penses-tu qu'elle a appris à dire NON mieux que le reste du monde?

      – Non, madame Bel-Esprit, dit Robin, en effet, Mme Betty n'est point une sotte, mais Mme Betty peut être engagée d'une autre manière, et alors quoi?

      – Pour cela, dit la sœur aînée, nous ne pouvons rien en dire, mais à qui donc serait-elle engagée? Elle ne sort jamais; il faut bien que ce soit entre vous.

      – Je n'ai rien à répondre là-dessus, dit Robin, j'ai été suffisamment examiné; voici mon frère, s'il faut bien que ce soit entre nous, entreprenez-le à son tour.

      Ceci piqua le frère aîné au vif, et il en conclut que Robin avait découvert quelque chose, toutefois il se garda de paraître troublé:

      – De grâce, dit-il, ne va donc pas faire passer tes histoires à mon compte; je ne trafique pas de ces sortes de marchandises; je n'ai rien à dire à aucune Mme Betty dans la paroisse.

      Et, là-dessus, il se leva et décampa.

      – Non, dit la sœur aînée, je me fais forte de répondre pour mon frère, il connaît mieux le monde.

      Ainsi se termina ce discours, qui laissait le frère aîné confondu; il conclut que son frère avait tout entièrement découvert, et se mit à douter si j'y avais ou non pris part; mais, malgré toute sa subtilité, il ne put parvenir à me joindre; enfin, il tomba dans un tel embarras, qu'il en pensa désespérer et résolut qu'il me verrait quoiqu'il en advînt. En effet, il s'y prit de façon qu'un jour, après dîner, guettant sa sœur aînée jusqu'à ce qu'il la vît monter l'escalier, il court après elle.

      – Écoute, ma sœur, dit-il, où donc est cette femme malade? Est-ce qu'on ne peut pas la voir?

      – Si, dit la sœur, je crois que oui; mais laisse-moi d'abord entrer un instant, et puis je te le dirai.

      Ainsi elle courut jusqu'à ma porte et m'avertit, puis elle lui cria:

      – Mon frère, dit-elle, tu peux rentrer s'il te plaît.

      Si bien qu'il entra, semblant perdu dans la même sorte de fantaisie:

      – Eh bien, dit-il à la porte, en entrant, où est donc cette personne malade qui est amoureuse? Comment vous trouvez-vous, madame Betty?

      J'aurais voulu me lever de ma chaise, mais j'étais si faible que je ne le pus pendant un bon moment; et il le vit bien, et sa sœur aussi, et elle dit:

      – Allons, n'essayez pas de vous lever, mon frère ne désire aucune espèce de cérémonie, surtout maintenant que vous êtes si faible.

      – Non, non, madame Betty, je vous en prie, restez assise tranquillement, dit-il, – et puis s'assied sur une chaise, droit en face de moi, où il parut être extraordinairement gai.

      Il nous tint une quantité de discours vagues, à sa sœur et à moi; parfois à propos d'une chose, parfois à propos d'une autre, à seule fin de l'amuser, et puis de temps en temps revenait à la vieille histoire.

      – Pauvre madame Betty, dit-il, c'est une triste chose que d'être amoureuse; voyez, cela vous a bien tristement affaiblie.

      Enfin je parlai un peu.

      – Je suis heureuse de vous voir si gai, monsieur, dis-je, mais je crois que le docteur aurait pu trouver mieux à faire que de s'amuser aux dépens de ses patients; si je n'avais eu d'autre maladie, je me serais trop bien souvenue du proverbe pour avoir souffert qu'il me rendît visite.

      – Quel proverbe? dit-il; quoi?

      Quand amour est en l'âme,

      Le docteur est un âne.

      Est-ce que c'est celui-là, madame Betty?

      Je souris et ne dis rien.

      – Oui-dà! dit-il, je crois que l'effet a bien prouvé que la cause est d'amour; car il semble que le docteur vous ait rendu bien peu de service; vous vous remettez très lentement, je soupçonne quelque chose là-dessous, madame; je soupçonne que vous soyez malade du mal des incurables.

      Je souris et dis: «Non, vraiment, monsieur, ce n'est point du tout ma maladie.»

      Nous eûmes abondance de tels discours, et parfois d'autres qui n'avaient pas plus de signification;