René monta au salon pour lire tout à son aise les lettres conquises. Il s'applaudissait de son œuvre et triomphait vis-à-vis de lui-même. Au salon, il rencontra maître Protais le Hivain, surnommé Macrocéphale, qui l'accueillit avec des saluts plus respectueux encore qu'à l'ordinaire.
Quand il eut achevé de saluer, Macrocéphale entra en matière en disant que la plus chère passion de sa vie était de se faire hacher en mille pièces pour le service du maître de Penhoël.
En conséquence, il s'était chargé d'un message bien fâcheux, afin d'en adoucir les termes dans la mesure du possible.
Le message de maître le Hivain portait en substance que René de Penhoël avait vendu par acte en due forme et sous condition de réméré la terre de son nom à M. le marquis de Pontalès, pour entrer incontinent en jouissance.
– Conséquemment, poursuivait Macrocéphale, mondit sieur de Penhoël ne doit point s'étonner si mondit sieur Pontalès lui fait signifier par les présentes… ou plutôt, se reprit l'homme de loi, lui donne poliment à entendre… car je ne suis pas un huissier, Dieu merci!.. qu'il faut déguerpir et vider les lieux… ou pour mieux dire s'en aller tout bonnement… cela dans le plus bref délai, dont acte.
Penhoël écoutait, la tête haute, l'œil fixe. Il semblait ne point comprendre.
Dans la nuit de la Saint-Louis, Robert et Pontalès, après avoir mis tour à tour en usage auprès de lui les menaces et les promesses, avaient enfin frappé le grand coup.
On avait exhibé les papiers enlevés par Cyprienne et Diane à maître le Hivain et reconquis par Bibandier. C'étaient des faux matériels: René avait contrefait l'écriture de son frère et fabriqué de prétendus pouvoirs, à l'effet de vendre le patrimoine de Louis, qu'il croyait mort.
Le véritable instigateur de ces actes criminels était bien maître Protais le Hivain, poussé lui-même par Robert et Pontalès; mais la justice ne connaît que le coupable de fait.
C'était la main de René qui avait tracé les fausses signatures.
Il dut céder.
Il n'avait plus, désormais, un pouce de terre en sa possession.
– Comme M. le vicomte peut le penser, reprit Macrocéphale en grimaçant un doucereux sourire, je me suis mis en quatre pour le tirer de là… Mais où il n'y a plus rien, on ne peut rien faire… Mes efforts dévoués n'ont abouti qu'à obtenir un délai convenable.
– Quel délai?.. demanda Penhoël qui n'avait pas encore prononcé une parole.
– Grâce à moi, répliqua Macrocéphale, M. le vicomte aura une heure pour faire ses petits préparatifs de départ.
René fit un geste d'indignation.
– Permettez!.. reprit l'homme de loi, je ferai observer respectueusement à M. le vicomte que le manoir a été vendu avec tout ce qu'il contenait. En conséquence, comme M. le vicomte ne peut rien emporter du tout, une heure lui suffira pour arranger ses petites affaires.
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