Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires. Galopin Arnould. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Galopin Arnould
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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fis un signe à Manzana et frappai légèrement à la porte.

      – Entrez, dit une voix enrouée.

      J'entrai en coup de vent, le revolver à la main. Mais, à ma grande surprise, au lieu de me trouver en présence du vieux monsieur que je croyais bien rencontrer, j'étais en face d'un homme de quarante ans environ, très blond et le visage entièrement rasé.

      J'allais me retirer, en m'excusant comme je pourrais, quand Manzana s'écria tout à coup:

      – Allez-y!.. allez-y!.. c'est lui, je le reconnais!

      En effet, moi aussi, je venais de reconnaître mon voleur… Au lieu d'avoir les cheveux blancs, il était blond et la barbe vénérable qu'il arborait la veille avait disparu, mais ce qu'il n'avait pu changer, c'étaient ses yeux, deux yeux noirs étranges et brillants dont l'un était un peu plus petit que l'autre.

      D'ailleurs, si j'avais pu conserver encore quelques doutes, la jeune femme de la veille se fût chargée de les dissiper, car elle venait soudain de sortir du cabinet de toilette attenant à la chambre.

      J'avais refermé la porte et je tenais mon arme braquée sur notre voleur. Je remarquai aussitôt que cet individu ne brillait point par le courage. Il me regardait avec un effarement ridicule et tremblait comme un chien mouillé.

      Déjà mon associé s'était jeté sur la femme, l'avait bâillonnée avec une serviette et roulée dans une couverture dont il avait solidement noué les deux extrémités.

      – A celui-là, maintenant! commandai-je.

      Manzana, avec une habileté qui dénotait une longue pratique, bâillonna également l'homme et lui attacha bras et jambes avec les embrasses des rideaux.

      Nous étions maîtres de la situation. Notre premier soin fut de fouiller le drôle, mais nous eûmes beau explorer ses poches, nous ne trouvâmes sur lui qu'un portefeuille dont je m'emparai, un porte-cigares en acier bruni et un trousseau de clefs.

      Parbleu! le gredin avait dû cacher le diamant dans sa valise. Nous ouvrîmes celle-ci, mais nous eûmes beau tourner et retourner tout ce qui s'y trouvait, nous ne découvrîmes absolument rien.

      Et pourtant, j'étais bien sûr que le misérable, lorsqu'il était rentré à l'hôtel, avait le diamant dans sa poche.

      Où l'avait-il caché?

      Je le fouillai de nouveau, regardai même dans ses bottines, le palpai en tous sens, mais rien!

      Manzana, qui suivait cette opération avec un intérêt que l'on devine, me souffla tout à coup:

      – Il l'a sans doute «refilé» à la femme.

      Nous démaillotâmes cette dernière, mais au moment où je commençais à explorer les poches de sa jupe, quelqu'un frappa à la porte trois petits coups rapides.

      Nous demeurâmes immobiles, retenant notre respiration. On frappa encore une fois, et une grosse voix demanda: «Ludovic… êtes-vous là?»

      Quelques secondes s'écoulèrent, puis le visiteur n'obtenant pas de réponse – et pour cause – se décida à s'en aller.

      Nous l'entendîmes descendre l'escalier, et quand le bruit de ses pas se fut éteint tout à fait, je continuai ma «fouille».

      Peut-être n'y mis-je point toute la réserve qu'un gentleman doit observer à l'égard d'une femme, mais bien m'en prit, car je découvris enfin, cousu à la jarretelle de la dame le petit sac en peau de daim qui contenait le diamant.

      Après m'être assuré que c'était bien mon Régent qui était enfermé dans ce sac, je glissai celui-ci dans la poche de mon gilet, aidai Manzana à reficeler la «senora», et nous nous dirigeâmes vers la porte.

      Je reconnais qu'à ce moment mon cœur battait une furieuse chamade et j'aurais bien donné dix ans de ma vie pour être dehors.

      Nous écoutâmes. Un petit craquement nous fit tressaillir et nous crûmes un moment que quelqu'un se tenait en arrêt, derrière la porte. Ce fut ensuite le martèlement rapide et léger d'une bottine de femme sur le tapis du couloir, puis le pas lourd d'un homme qui descendait l'escalier.

      En bas, on entendait un tintement de verres et d'assiettes et parfois la sonnerie tremblotante du téléphone qui couvrait tous les bruits.

      Je jetai un coup d'œil sur nos deux «victimes»: elles n'avaient pas bougé de place et je me demandai si leurs bâillons ne les avaient pas étouffées.

      Pris d'un remords, je m'approchai doucement de l'homme. Il respirait à peu près normalement. Quant à la femme, son souffle était imperceptible et je constatai qu'elle était évanouie. Je desserrai un peu la serviette qui lui comprimait le visage, puis revins près de la porte devant laquelle Manzana se tenait accroupi. Je lui touchai l'épaule, il se retourna et nous nous consultâmes du regard. Il eut un petit signe de tête affirmatif et tourna doucement la clef.

      Deux secondes après, nous étions dans le couloir. Il était absolument désert. Sans nous presser, de l'air de deux paisibles voyageurs à la conscience tranquille, nous nous engageâmes dans l'escalier.

      Au moment où nous atteignions les dernières marches, un vieux monsieur que nous reconnûmes parfaitement, arrivait, accompagné d'un garçon d'hôtel, et nous l'entendîmes qui disait: «Ce n'est pas naturel… Je vous dis qu'ils sont dans leur chambre, je les ai entendus remuer.»

      J'avais, rapidement, en apercevant le vieux monsieur, tourné la tête du côté de la muraille et Manzana avait porté la main à son visage.

      Cette précaution était, je crois, bien inutile, car le voyageur n'eut même pas l'air de nous remarquer.

      Nous traversâmes à pas comptés le vestibule encombré de bagages et de porteurs, mais une fois dehors, nous nous mîmes à courir comme des fous, dans la direction d'un pont, et cinq minutes après, nous étions de l'autre côté de la Seine.

      Alors, seulement, nous respirâmes et, ce fut plus fort que nous, nous nous mîmes à rire aux éclats. Une grosse dame qui passait se figura sans doute que nous nous moquions d'elle et nous traita d'insolents en nous décochant un regard indigné, mais nous ne crûmes pas nécessaire de nous excuser. Nous engageant rapidement dans une rue bordée de docks et de magasins, nous pûmes enfin échanger nos impressions.

      – Hein? me dit Manzana, je crois que cela a été bien joué.

      – Supérieurement, mon cher… et je tiens à vous adresser tous mes compliments pour la façon merveilleuse dont vous avez bâillonné et ficelé nos voleurs… Sans vous, je le reconnais, je n'aurais pu mener à bien cette petite expédition.

      – Bah! J'ai fait ce que j'ai pu… Il ne s'agissait pas de lambiner… nous jouions notre liberté.

      – Et notre fortune…

      – Oui… et notre fortune… mais je crois qu'il serait bon de nous tenir sur nos gardes, car la police va s'occuper de cette affaire et commencer une enquête…

      – Evidemment… A Paris ce petit drame passerait presque inaperçu, mais ici, il va prendre des proportions colossales. La ville va être sens dessus dessous…

      – Que comptez-vous faire?

      – Mais partir et le plus vite possible encore…

      – Et de l'argent?

      – Attendez… nous en avons peut-être…

      Et, tirant de ma poche le portefeuille que j'avais dérobé à ma «victime», je me mis à l'explorer rapidement.

      Hélas!.. il ne contenait en tout et pour tout qu'un billet de cinquante francs!

      – C'est maigre! fit Manzana… Quels purotins que ces gens-là… Et pourtant, ça en faisait des manières! on aurait dit qu'ils étaient les fils d'un nabab! après tout, c'était sans doute l'autre qui avait la galette, vous savez, celui qui est venu frapper à la porte…

      – Peut-être… En ce cas, il est fâcheux que nous ne soyons pas tombés aussi sur lui… Mais dites donc, mon cher, je ne sais si