Le chemin qui descend. Ardel Henri. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Ardel Henri
Издательство: Public Domain
Серия:
Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
isbn:
Скачать книгу
douter si elle était sincère ou raillait:

      – J'aime tout ce qui est violent! Au revoir, monsieur. A tout à l'heure!

      Elle s'arrêta une seconde; et cette fois, un vrai sourire effaça l'expression un peu hautaine toujours du visage:

      – Vous me trouvez, peut-être, affreusement indiscrète, – à mon tour!.. – d'avoir ainsi accepté l'invitation de madame votre mère. Mais cette invitation a pris ma sagesse par surprise et elle était si séduisante, que je n'ai pas eu le courage de résister à la tentation!

      – J'en suis ravi! s'exclama-t-il, avec une sincérité qu'elle discerna et dont elle ne s'étonna pas. Elle savait très bien – les faits l'avaient instruite!.. – qu'elle attirait les hommes, justement peut-être parce qu'ils se sentaient sans action sur elle.

      – … Ce sera charmant pour moi, d'avoir une compagne!

      – Une compagne silencieuse, souligna-t-elle. Je ne serai pas gênante.

      – Près d'un chauffeur silencieux. Je ne serai pas gênant. C'est entendu; soyez sans inquiétude. Je vous présente mes hommages, mademoiselle.

      – Tout comme si nous étions dans quelque salon, acheva-t-elle, moqueuse imperceptiblement. A bientôt, monsieur.

      Elle ne lui tendait pas sa main toujours blottie dans la poche de sa vareuse; et elle souriait à peine, sans soupçon de la saveur qu'avait son visage d'androgyne pour le goût blasé de M. de Ryeux.

      Ils étaient devant la grille. Près d'eux, le vent courbait les glaïeuls d'un massif et arrachait des feuilles qui volaient en tremblant à travers le ciel très bleu.

      Raymond de Ryeux ouvrit la haute porte de la grille, voyant le geste qu'elle ébauchait pour en prendre le bouton.

      Elle eut un signe de tête. Lui, un profond salut. Et elle descendit la route.

      IV

      Elle partait ravie du plaisir imprévu; car elle pressentait que cet homme, de mine audacieuse, devait, ainsi que le lui reprochait sa mère, se plaire aux courses folles qui distillent l'ivresse du danger. Et c'était vrai qu'elle aimait tout ce qui était violent. Sa maîtrise d'elle-même voilait une source vive de passion.

      Dans la prairie, elle retrouva Mlle de Villebon qui, paisible et consciencieuse, surveillait, comme chaque jour, les ébats de son troupeau. Les petites bondissaient, criaient, venaient la harceler de leurs disputes, de leurs questions, voire même de leurs effusions qu'elle accueillait avec une inépuisable patience. De même que la veille, elle reçut par un sourire de bienvenue, Claude qui arrivait en coup de vent, toute fraîche des vives caresses de la brise.

      – Bonjour, Claude. Vous n'avez pas oublié d'aller chez Mme de Ryeux?..

      – Chère mademoiselle Cécile, je ne l'ai pas oublié… et j'en ai été récompensée. Mme de Ryeux m'envoie, tantôt, à Jobourg en auto, avec son fils. C'est délicieux, cette promenade!

      – En auto?.. A Jobourg?.. Avec son fils?.. Comment, Raymond de Ryeux est ici?

      – Juste!.. Vous le connaissez?

      – Oui… Oh! oui… Certes oui… je le connais…

      Claude la regarda, curieuse, voyant qu'elle s'arrêtait.

      – Mademoiselle, de quel ton singulier vous me répondez!.. C'est un monsieur bon à rien? n'est-ce pas… J'entends un monsieur qui ne fait rien, autrement dit qui ne compte pas!

      Mlle de Villebon eut l'air un peu scandalisée.

      – Mais si, il fait quelque chose. Il a une très importante écurie de courses!

      – Ce n'est pas une occupation très intellectuelle… Mais enfin, on fait ce que l'on peut… A quoi réfléchissez-vous? mademoiselle Cécile… Vous avez une mine préoccupée…

      Mlle de Villebon parut hésiter et ne répondit pas. Elle regardait vers un groupe de trois petites qui semblaient comploter quelque malice à l'égard des autres.

      Claude, impatiente, répéta:

      – Que pensez-vous donc, mademoiselle, qui vous rend ainsi songeuse subitement?

      – Je pense que…

      – Quoi donc? Dites!

      – Je pense que… que… M. de Ryeux n'est peut-être pas… tout à fait, le chaperon qu'il vous faudrait comme compagnon de promenade… Ce n'est pas bien convenable que vous alliez avec lui…

      Un sourire malicieux souleva les lèvres de Claude.

      – Chère mademoiselle, est-ce que vous imagineriez encore que je m'occupe jamais de ce qui est ou non convenable, pour parler comme vous. C'est un luxe de fille riche, ça! Mme de Ryeux, qui m'a invitée, n'avait pas l'air, d'ailleurs, de penser rien de pareil!

      – Mme de Ryeux est si bonne qu'elle ne soupçonne jamais le mal.

      Taquine, Claude lança:

      – Vous n'êtes pas «si bonne», à ce que je vois!

      Mlle de Villebon devint pourpre.

      – Claude… mais, Claude… je vous confie, dans votre intérêt… une réflexion qui m'est venue… J'ai entendu beaucoup parler, naturellement, de Raymond de Ryeux qui est un peu parent avec notre famille. C'est un homme très honorable, bien entendu. Mais… mais… je crois qu'il n'est pas un mari… bien fidèle!

      – Ah! vraiment? Il est comme les autres, alors. Ce n'est pas bien étonnant. C'est peut-être la faute de sa femme? De quelle espèce est-elle?

      – Une personne très élégante, blonde, un peu forte, mais jolie… qui va beaucoup dans le monde…

      – Et un peu sotte, n'est-il pas vrai? finit Claude.

      – Oh! Claude, quelle idée!.. Pourquoi supposez-vous cela?

      – Mademoiselle, c'est votre signalement qui m'a donné cette idée… impertinente…

      – Vous ne savez rien d'elle! Alors…

      – Oh! non, rien du tout!.. Je suppose seulement. Il doit être plus intelligent qu'elle!.. Du reste, ça m'est égal! Je ne comprends pas très bien pourquoi, en somme, vous ne le trouvez pas pour moi un mentor assez sérieux, car enfin il m'a eu l'air de posséder l'âge canonique. Sa mère m'a annoncé qu'il pourrait être père de plusieurs enfants.

      – Il n'en a pas!

      – Oui, mais il pourrait en avoir! Je vous cite Mme de Ryeux. Alors, c'est tout comme, et je puis me fier à lui, ainsi qu'à un père. Bonne mademoiselle, ne soyez plus scandalisée… Et allons déjeuner! car mon protecteur viendra m'enlever à une heure et demie.

      – Bien… bien… Claude. Je vais ramener, pour midi, les enfants. Voulez-vous avertir Pauline, afin que son déjeuner soit prêt?

      – Oui, mademoiselle.

      Et Claude, de son pas ailé, partit si bien houspiller la lente et humble servante, qu'à l'heure dite, – à peu près!.. – le premier plat apparaissait dans la grande salle basse où Mlle de Villebon et Claude présidaient le repas des vingt fillettes affamées; Mlle de Villebon s'évertuant à les discipliner, tandis que Claude, distraite, intervenait seulement quand une incorrection trop grave la faisait sortir de son indifférence.

      Le service de la grosse Pauline n'était pas rapide, et Claude commençait à croquer ses noix quand, sur la route, gronda le roulement de l'auto. Sans se troubler, elle continua d'enlever la peau d'une belle noix fraîche et en mordit la chair bien blanche. Alors seulement, elle grimpa dans sa chambre, tout en recommandant à Pauline d'annoncer qu'elle descendait.

      Elle ne fut, d'ailleurs, pas longue à se préparer; et au bout de quelques minutes, elle revenait emprisonnée dans sa veste de laine, un long voile serrant le petit bonnet émeraude d'où s'échappaient quelques boucles vagabondes sur le front.

      Elle eut un rapide adieu pour Mlle de Villebon qui retenait, au seuil de la salle, le troupeau