Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome III. Bussy Roger de Rabutin. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Bussy Roger de Rabutin
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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sans nulle repartie 30 ;

      Et se contenta d'en rougir.

      Enfin l'Amour, pompeux et magnifique,

      Fit son entrée au cœur d'Iris 31.

      Les Plaisirs, les Jeux et les Ris

      Rendirent la fête publique.

      La Gloire et la Vertu marchoient à ses côtés,

      Et, sous leur charmante conduite,

      Ces guerrières, qu'Amour a toujours à sa suite,

      Etaloient à l'envi mille et mille beautés.

      Tout le monde admiroit son superbe équipage,

      Et dès que la Vertu

      Le vit paroître avec tant d'avantage,

      Elle se repentit d'avoir tant combattu.

      Comme j'ai cru que la lecture de cette pièce du duc de Saint-Aignan ne pourroit pas vous lasser, je l'ai placée dans cet endroit, qui lui seroit encore plus naturel si elle n'étoit point si longue. Quoi qu'il en soit, il faut avouer que, bien que ces vers ne soient qu'une description énigmatique des amours de notre héroïne, ils ont néanmoins de la beauté, et ils doivent paroître fort spirituels à ceux qui en pourront pénétrer le sens. Ils furent lus du Roi et de la cour avec bien de la satisfaction, et le contentement qu'on témoigna doit passer pour une marque assurée de leur valeur. Le duc y réussit merveilleusement, et lorsqu'il travaille sur une matière qui a du rapport avec son naturel fort galant, il ne fait rien qui ne soit agréable. Le style en des endroits est un peu flatteur, mais aussi ceux qui pourront voir clair dans l'obscurité de quelques mots connoîtront que la satire n'en est pas entièrement bannie. Mais revenons à notre histoire, et suivons, s'il se peut, notre belle, qui part avec son prince pour une partie de chasse qui lui donnera du divertissement.

      Elle étoit vêtue ce jour-là d'un justaucorps en broderie d'un prix considérable, et la coiffure étoit faite des plus belles plumes qu'on eût pu trouver. Il sembloit, tant elle avoit bon air avec cet habillement, qu'elle ne pouvoit pas en porter un qui lui fût plus avantageux. Le soir, comme on se retiroit, il se leva un petit vent qui obligea mademoiselle de Fontange de quitter sa capeline; elle fit attacher sa coiffure avec un ruban dont les nœuds tomboient sur le front, et cet ajustement de tête plut si fort au Roi qu'il la pria de ne se coiffer point autrement de tout ce soir; le lendemain toutes les dames de la cour parurent coiffées de la même manière. Voilà l'origine de ces grandes coiffures qu'on porte encore, et qui de la cour de France ont passé dans presque toutes les cours de l'Europe32. La crainte qu'avoit son amant qu'il n'arrivât quelque accident dans la course à cette nouvelle chasseresse l'obligea à rester toujours à ses côtés; il ne l'abandonna point, et, après lui avoir donné le plaisir de faire passer devant elle le cerf que l'on couroit, il s'écarta avec elle dans le lieu le plus couvert du bois, pour lui faire prendre quelque rafraîchissement. Comme l'on sait qu'il est de certains momens où la solitude a plus de charmes pour nous que toute la pompe de la cour, on laissa jouir paisiblement le Roi et sa maîtresse du repos qu'ils cherchoient à l'écart, et on jugea fort bien quand on crut qu'il préféroit ce délassement à la gloire qu'il auroit pu tirer de la chasse. Quoi qu'il en soit, la suite a fait connoître que nos amans ne se retirèrent ainsi tous deux que pour faire un tiers. Mademoiselle de Fontange, depuis ce jour, a été fort incommodée de maux de cœur et de douleurs de tête, qui, étant les véritables symptômes de la grossesse, nous pouvons croire, sans deviner, que la course fut vigoureuse et que ces momens de retraite ne se passèrent pas tous dans l'oisiveté. C'est ainsi que les Héros se faisoient autrefois; les Dieux n'avoient point de lieu plus propre pour l'exercice de leurs amours que la campagne, et nous avons sujet de croire que le fruit qui naîtra de ce passe-temps n'en sera pas plus sauvage pour avoir pris son commencement dans les bois.

      Le jour qui suivit cette partie de divertissement ne fut pas également heureux pour toute la cour, puisque le Roi et sa maîtresse ne le passèrent que dans la tristesse: cette belle se ressentant des fatigues de la chasse, ou, si vous voulez, des momens de la retraite, souffrit des maux de cœur fort grands et des douleurs de tête fort aiguës. Bien que son amant connût que ces maux ne seroient pas de durée, il y parut néanmoins aussi sensible que s'ils avoient été fort dangereux; il ne la quitta point et agit toujours auprès d'elle en amant, mais le plus passionné du monde: il court, il va, il revient et semble mourir d'un mal qui ne le touche que dans ce qu'il aime. La tristesse de sa maîtresse le mit dans un abattement extraordinaire; mais ce qui lui tira presque les larmes des yeux, ce fut lorsqu'au plus fort de la douleur mademoiselle de Fontange, attachant ses regards sur lui, lui dit d'une manière tendre et languissante: «Ah! mon cher prince, faut-il que les douleurs suivent de si près les plaisirs les plus purs? Ah! il n'importe, poursuivit-elle, j'en chéris la cause et l'aimerai éternellement.» A ces paroles le Roi l'embrassa étroitement; il étoit sur son lit, et, la serrant le plus amoureusement du monde, il lui jura que jamais il n'auroit d'autre maîtresse qu'elle, et que de sa vie il n'avoit conçu tant d'amour pour une personne comme il en ressentoit pour elle.

      L'après-dînée, notre malade se porta mieux; elle reçut plusieurs visites, et jamais reste de journée n'a été si bien employé que le fut celui-là: on y parla de nouvelles galantes et des pièces d'esprit qui étoient les plus récentes; et comme c'étoit à qui contribueroit davantage au divertissement de la belle, Mme D. A.33, qui avoit été de la chasse, tira un écrit de sa poche et en fit la lecture assez vite pour qu'aucun ne pût en pénétrer le sens. C'étoit une énigme qu'elle dit qui lui étoit tombée par hasard entre les mains; qu'elle en ignoroit le mot, mais qu'elle croyoit qu'elle ne pouvoit être que noble et relevée, puisqu'il y étoit parlé du Roi; la voici:

ÉNIGME

      Tantôt je suis ouvert, tantôt je suis fermé,

      Selon qu'il plaît au roy le plus puissant qu'on voie.

      Je ressens la douleur et je donne la joie.

      Je suis ou peu s'en faut de tout le monde aimé.

      Mon frère fort souvent contre moi animé 34,

      Vient fouler sans respect mon corail et ma soie;

      Il me perce le sein, mais aussi je le noie,

      Et éteins tous les feux dont il s'étoit armé.

      Je suis petit de corps, mais je donne la vie;

      Plus je suis à couvert, plus je reçois de pluie;

      J'ai la langue en ma bouche, et je ne parle point.

      Mon nom est trop caché pour le pouvoir connoître;

      Un ombrage à vos yeux m'empêche de paroître:

      Ne vous rompez donc plus la tête sur ce point.

      Devant que l'énigme passât de main en main, le Roi en voulut faire la lecture. Bien qu'il ait de l'esprit infiniment, il ne l'eut pas pour lors assez pénétrant pour en découvrir le sens. Sa maîtresse fut plus spirituelle et entra d'abord dans la pensée de celui qui l'avoit composée; mais, bien loin de la déclarer, elle dit, pour dégoûter les autres d'une recherche plus exacte, que cela ne méritoit pas qu'on s'y appliquât davantage. Cela donna à penser à une de la compagnie, qui, faisant une seconde lecture de l'ouvrage, y connut ce qui y étoit mystérieux; elle eut pour lors plus d'esprit que de jugement, car elle ne put s'empêcher de dire tout haut qu'on ne devoit pas être surpris si le véritable sens de l'énigme étoit si difficile à trouver, puisqu'il n'y avoit que le Roi qui en eût la véritable clef. Cette parole ne produisit pas un effet tel que celle qui l'avoit imprudemment lâchée auroit souhaité; le Roi et toutes celles qui composoient le cercle devinèrent facilement qui étoit celle qui étoit sur jeu. On s'enquit de Mad. D. A. de qui elle avoit eu ces vers, on fit toutes les perquisitions possibles pour en apprendre


<p>30</p>

Passe-temps royal.

<p>31</p>

Le doux moment.

<p>32</p>

On les appela dans la suite des Fontanges.

<p>33</p>

Madame la duchesse d'Arpajon. (Note de l'édition de 1740.)

<p>34</p>

Les éditions modernes donnent seule cette variante, qui supprime l'hiatus:

… de transport animé.