Mowgli (FR). Kipling Rudyard. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Kipling Rudyard
Издательство: Проспект
Серия:
Жанр произведения: Иностранные языки
Год издания: 0
isbn: 9785392043828
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      – Nous sommes du même sang, toi et moi.

      Les vagues de branches se refermèrent sur l’enfant ; mais Chil, d’un coup d’aile, se porta au-dessus de l’arbre suivant, assez à temps pour voir remonter de nouveau la petite face brune :

      –Relève ma trace, cria Mowgli. Préviens Baloo de la tribu de Seeonee, et Bagheera du Conseil du Rocher.

      – Au nom de qui, frère ?

      Chil n’avait jamais vu Mowgli auparavant, bien que naturellement il eût entendu parler de lui.

      – De Mowgli, la grenouille… le petit d’homme… ils m’appellent !… Relève ma tra… ace !

      Les derniers mots furent criés à tue-tête au moment où il se trouvait balancé dans Pair ; mais Chil fit un signe d’assentiment, et s’éleva en ligne perpendiculaire jusqu’à ce qu’il ne parût pas plus gros qu’un grain de sable ; alors, il resta suspendu, suivant du télescope de ses yeux le sillage dans les cimes, tandis que l’escorte de Mowgli y passait en tourbillon.

      – Ils ne vont jamais loin, – dit-il avec un petit rire – ils ne font jamais ce qu’ils ont projeté de faire. Toujours prêts, les Bandar-Log, à donner du bec dans les nouveautés. Cette fois, si j’ai bon œil, ils ont mis le bec dans quelque chose qui leur donnera du fil à retordre, car Baloo n’est pas un poussin, et Bagheera peut, je le sais, tuer mieux que des chèvres.

      Là-dessus, il se berça sur ses ailes, les pattes ramenées sous lui, et attendit.

      Pendant ce temps Baloo et Bagheera se rongeaient de rage et de chagrin. Bagheera grimpait comme jamais de sa vie elle n’avait grimpé, mais les branches minces se brisaient sous son poids, et elle glissait jusqu’en bas, de l’écorce plein les griffes.

      – Pourquoi n’as-tu pas averti le petit d’homme ? – rugissait-elle aux oreilles du pauvre Baloo, qui s’était mis en route, de son trot massif, dans l’espoir de rattraper les singes. – Quelle utilité de le tuer de coups, si tu ne l’avais pas averti ?

      – Vite !… Ah, vite !… Nous… pouvons encore les rattraper ! haletait Baloo.

      – À ce pas !… Il ne forcerait pas une vache blessée. Professeur de la Loi… frappeur d’enfants… un mille à rouler et tanguer de la sorte, et tu éclaterais. Assieds-toi tranquille et réfléchis ! Fais un plan ; ce n’est pas le moment de leur donner la chasse. Ils pourraient le laisser tomber, si nous les suivions de trop près.

      – Arrula ! Whoo !… Ils l’ont peut-être laisse tomber déjà, fatigués de le porter. Qui peut se fier aux Bandar-Log ?… Qu’on me mette des chauves-souris mortes sur la tête !… Qu’on me donne des os noirs à ronger !… Qu’on me roule dans les ruches des abeilles sauvages pour que j’y sois piqué à mort, et qu’on m’enterre avec l’hyène, car je suis le plus misérable des ours !… Arrulala ! Wakooa !… Ô Mowgli, Mowgli ! Pourquoi ne t’ai-je pas prémuni contre le Peuple Singe au lieu de te casser la tête ? Qui sait maintenant si mes coups n’ont pas fait fuir de sa mémoire la leçon du jour, et s’il ne se trouvera pas seul dans la jungle sans les maîtres mots ?

      Baloo se prit la tête entre les pattes, et se mit à rouler de droite et de gauche en gémissant.

      – En tout cas, il m’a récité tous les mots très correctement il y a peu de temps, dit Bagheera avec impatience. Baloo, tu n’as ni mémoire ni respect de toi-même. Que penserait la jungle si moi, la panthère noire, je me roulais en boule comme Sahi, le porc-épic, pour me mettre à hurler.

      – Je me moque bien de ce que pense la jungle ! Il est peut-être mort à l’heure qu’il est.

      – À moins qu’ils ne l’aient laisse tomber des branches en manière de passe-temps, qu’ils l’aient tué par paresse, ou jusqu’à ce qu’ils le fassent, je n’ai pas peur pour le petit d’homme. Il est sage, il sait quelque chose, et, par-dessus tout, il a ces yeux que craint le peuple de la jungle. Mais, et c’est un grand malheur, il est au pouvoir des Bandar-Log ; et, parce qu’ils vivent dans les arbres, ils ne redoutent personne parmi nous.

      Bagheera lécha une de ses pattes de devant pensivement.

      – Vieux fou que je suis ! Lourdaud à poil brun, grand fouilleur de racines,– dit Baloo, en se déroulant brusquement ; —c’est vrai ce que dit Hathi, l’éléphant sauvage : À chacun sa crainte. Et eux, les Bandar-Log, craignent Kaa, le serpent de rocher. Il grimpe aussi bien qu’eux. Il vole les jeunes singes dans la nuit. Rien que le murmure de son nom les glace jusqu’au bout de leurs méchantes queues. Allons trouver Kaa.

      – Que fera-t -il pour nous ? Il n’est pas de notre tribu, puisqu’il est sans pieds, et…il a les yeux les plus funestes, dit Bagheera.

      – Il est aussi vieux que rusé. Par-dessus tout, il a toujours faim, dit Baloo plein d’espoir. Promets-lui beaucoup de chèvres.

      – Il dort un mois plein après chaque repas. Il se peut qu’il dorme maintenant, et, fût-il éveillé, qu’il préférerait peut-être tuer lui-même ses chèvres.

      Bagheera, qui ne savait pas grand’chose de Kaa, se méfiait naturellement.

      – En ce cas, à nous deux, vieux chasseur, nous pourrions lui faire entendre raison.

      Là-dessus Baloo frotta le pelage roussi de sa brune épaule contre la panthère, et ils partirent ensemble à la recherche de Kaa, le Python de Rocher.

      Ils le trouvèrent étendu sur une saillie de roc que chauffait le soleil de midi, en train d’admirer la magnificence de son habit neuf, car il venait de consacrer dix jours de retraite à changer de peau, et maintenant, il apparaissait dans toute sa splendeur : sa grosse tête camuse dardée au ras du sol, les trente pieds de long de son corps tordus en nœuds et en courbes fantastiques, et se léchant les lèvres à la pensée du dîner à venir.

      – Il n’a pas mangé, – dit Baloo, en grognant de soulagement à la vue du somptueux habit marbré de brun et de jaune.– Fais attention, Bagheera ! Il est toujours un peu myope après avoir changé de peau, et très prompt à l’attaque.

      Kaa n’était pas un serpent venimeux,– en fait, il méprisait plutôt les serpents venimeux, qu’il tenait pour lâches – mais sa force résidait dans son étreinte, et, une fois qu’il avait enroulé ses anneaux énormes autour de qui que ce fût, il n’y avait plus rien à faire.

      

      – Bonne chasse ! cria Baloo en s’asseyant sur ses hanches.

      Comme tous les serpents de son espèce, Kaa était presque sourd, et tout d’abord il n’entendit pas l’appel. Cependant il se leva, prêt à tout événement, la tête basse :

      – Bonne chasse pour nous tous, répondit-il enfin. Oh ! oh ! Baloo, que fais-tu ici ?… Bonne chasse, Bagheera… L’un de nous au moins a besoin de nourriture. A-t-on entendu parler de gibier sur pied ? Une biche peut-être, ou même un jeune chevreuil ? Je suis aussi vide qu’un puits à sec.

      – Nous sommes en train de chasser, dit Baloo négligemment.

      Il savait qu’on ne doit pas presser Kaa. Il est trop gros.

      – Permettez-moi de me joindre à vous, dit Kaa. Un coup de patte de plus ou de moins n’est rien pour toi, Bagheera, ni pour toi, Baloo ; alors que moi… moi, il me faut attendre et attendre des jours dans un sentier, et grimper la moitié d’une nuit pour le maigre hasard d’un jeune singe. Psshaw ! Les arbres ne sont plus ce qu’ils étaient dans ma jeunesse. Tous rameaux pourris et branches sèches.

      – Il se peut que ton grand poids y soit pour quelque chose, répliqua Baloo.

      – Oui, je suis d’une jolie longueur, – d’une jolie longueur,—dit Kaa avec une pointe d’orgueil. Mais malgré tout, c’est la faute de ce bois nouveau. J’ai été bien près de tomber lors de ma dernière prise…