Le sergent Simplet. Paul d'Ivoi. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Paul d'Ivoi
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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Voleuse et volé inscrivant le mot « Hyménée » sur les pages du code.

      – Eh oui. Une prière encore, mon cher juge. Je serai absent deux ou trois jours. Des clients à visiter hors Lyon. S’il se produisait quelque incident nouveau, soyez assez bon pour me prévenir. Un mot au magasin. On me le ferait tenir, et s’il le fallait, je reviendrais immédiatement.

      – Je vous le promets.

      – À la bonne heure donc. Il n’est point de serviteur de Thémis plus aimable. Ne vous dérangez pas, je connais les êtres.

      Le négociant, d’un pas léger, franchit le seuil du cabinet et traversa l’antichambre.

      Tout à coup il poussa un cri. En même temps il trébuchait et roulait à terre. Au bruit M. Rennard accourut.

      – Que vous arrive-t-il?

      Canetègne se releva en se frottant les reins.

      – Je ne sais pas; j’ai buté contre un obstacle là…

      Il s’arrêta stupéfait. À l’endroit qu’il désignait, un bras humain s’allongeait sur le parquet, sortant de dessous la banquette occupée naguère par le gendarme.

      – Qu’est-ce que c’est que ça? murmurèrent les deux hommes.

      Mû par un sentiment de prudence, le magistrat appela son greffier pour déplacer le siège, qui masquait la victime de Marcel, dormant paisiblement.

      – Un gendarme! clama le négociant.

      – Un gendarme! redit le juge avec surprise.

      – Celui qui accompagnait la prisonnière, déclara le greffier.

      Du coup M. Rennard sursauta:

      – Vous êtes certain de ce que vous avancez?

      – Absolument. Je le connais d’ailleurs, c’est le père Cobjois.

      – C’est bon! c’est bon! réveillez-le. Il nous expliquera…

      Oubliant sa grandeur, le magistrat aida son subordonné à soulever le dormeur et se prit à le secouer.

      Peine inutile, Cobjois n’ouvrit pas les yeux. Le juge y mit de l’acharnement. Il ne réussit qu’à arracher au pauvre diable un ronflement sonore. Cela devenait inquiétant. Les trois hommes échangèrent un regard.

      – Ce sommeil n’est pas naturel, formula enfin M. Rennard.

      – J’allais le dire, appuya Canetègne.

      Le greffier se contenta d’opiner du bonnet.

      – Et l’accusée qu’est-elle devenue?

      La question demeura sans réponse. Le scribe, pressentant une bourrasque, songea à en détourner les effets et d’une voix insidieuse:

      – Je cours chez le concierge, monsieur, si vous le permettez. Il a dû la voir passer.

      – Oui, allez.

      – Ah! çà, demanda Canetègne lorsqu’il fut seul avec le magistrat, est-ce que vous croiriez?…

      – À une évasion?

      – Oui.

      – C’est possible!

      M. Rennard prononça ces deux mots avec une sourde irritation; la colère de l’homme de loi battu sur son terrain. Pour le commissionnaire, il blêmit. Yvonne libre! C’était le renversement de ses plans. Et tous deux piétinaient autour du soldat ronflant de plus belle.

      L’arrivée du concierge ne laissa subsister aucun doute. La prisonnière n’avait pas franchi le seuil du Palais de Justice.

      Alors, sur les ordres brefs du juge, une véritable battue commença. Tous les employés présents furent réquisitionnés. On fouilla les bâtiments, les caves, et, en fin de compte, on découvrit le manteau et le bicorne du gendarme auprès de la porte de service entr’ouverte.

      La captive s’était évadée. Avec cette certitude, M. Rennard parut retrouver le calme. Imposant silence au commissionnaire qui, furieux, congestionné, faisait du bruit comme quatre.

      – Le frère de lait de Mlle Ribor était ici pendant l’interrogatoire de l’accusée?

      – Oui, répliquèrent le cerbère et le greffier.

      – C’est donc lui qui a protégé sa fuite. Un soldat à peine libéré; nous le reprendrons facilement.

      – Vous pensez? interrogea Canetègne haletant.

      – Je l’affirmerais. Seulement les conclusions de mon enquête seront modifiées par cette aventure. Rentrez chez vous, monsieur. Ces jeunes gens se sont moqués de nous. Une dépêche au commissaire central nous les ramènera bientôt confus et repentants.

      Sur ces paroles, le magistrat, appelant du geste ses subordonnés, disparut avec eux dans son cabinet. Il allait prendre ses dispositions pour ressaisir la proie qui échappait à la justice.

      Rentré chez lui, le commissionnaire colonial donna cours à sa rage. Lui, si économe et si rangé, brisa un service de « terre de fer ». Hélas! cet acte de vigueur ne lui procura pas le sommeil. Toute la nuit il se retourna sur son lit, s’assoupissant parfois, mais brusquement éveillé par un horrible cauchemar. Il voyait autour de lui danser une armée de sous-officiers et de jeunes filles, tenant tous une photographie du chèque Ribor.

      Une visite matinale à Mlle Doctrovée ne le rassura pas. Son associée parut épouvantée. Yvonne libre, tous les malheurs étaient à craindre.

      Soudain la servante de Doctrovée vint annoncer à sa maîtresse que M. Martin demandait à lui parler. Le visage de la maigre personne s’éclaira.

      – Lui!… priez-le d’attendre un instant.

      Et la bonne sortie, elle vint se planter devant le négociant.

      – Mon cher ami, commença t-elle, vous êtes comme moi. Pas confiance en la police, hein?

      Il secoua la tête avec énergie.

      – Bien, reprit Doctrovée. Alors, voyons Martin. Un ancien policier révoqué pour une peccadille et, mon ami.

      – Soit donc. Après tout, où nous en sommes, nous n’avons pas le choix.

      Le négociant se laissa conduire par sa complice dans le salon, où le policier attendait.

      C’était un homme d’une trentaine d’années, aux épaules larges, au corps bien d’aplomb sur des jambes solides.

      Le personnage avait la face blême percée de deux yeux clignotants, un front bas surmonté de cheveux rudes taillés en brosse. Il s’inclina devant l’Avignonnais.

      – Monsieur Canetègne, enchanté de vous voir. Je me suis présenté chez vous. En apprenant votre sortie matinale, j’ai pensé vous rencontrer ici.

      – Comment cela? balbutia l’Avignonnais interloqué.

      – Comment? Mlle Ribor a pris sa volée hier. Il m’a paru naturel que vous vinssiez faire part de cet événement à la meilleure de vos amies.

      Il coulait vers son interlocuteur un regard pénétrant. Ce dernier baissa les yeux.

      La tournure que prenait l’entretien le gênait visiblement. Doctrovée vint à son secours:

      – Dites toute votre idée, monsieur Martin. Il est possible qu’elle nous convienne.

      Le visiteur répondit par un signe de tête approbateur.

      – Un aveu d’abord. J’aime la bonne chère, les appartements élégants, les fêtes, et j’en suis sevré depuis des années. Aussi dès que j’ai su l’arrestation de Mlle Ribor, je me suis intéressé à elle; car je tenais la bonne affaire longuement attendue.

      Doctrovée eut un rire engageant:

      – Allez toujours.

      – Je savais son innocence. J’ai déploré sa pauvreté,