Le sergent Simplet. Paul d'Ivoi. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Paul d'Ivoi
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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donnée votre situation… particulière vis-à-vis de la justice de votre pays, vous devez éviter de naviguer à bord de bateaux français, bien qu’ils aient les services les plus rapides pour le Sénégal. C’est vers cette région, n’est-ce pas, que vous vous dirigez?

      – Oui, puisque c’est là que mon frère a cessé de m’écrire.

      – Vous prendrez donc passage sur un steamer anglais.

      – Affrété pour Sierra-Leone ou une colonie voisine.

      – Tenez-vous absolument à être couverts par les couleurs de la Grande-Bretagne?

      – Pourquoi cette question?

      – Pour savoir si vous auriez une aversion insurmontable pour un autre pavillon.

      – Un autre?

      – Celui de l’Union, par exemple.

      D’un même mouvement, les Français se dressèrent. Calme, Diana poursuivit:

      – Mon yacht est bon marcheur, et vous arriverez aussi vite.

      Puis avec expansion:

      – Acceptez, vous me ferez plaisir. C’est un service que je sollicite de vous. Ma cervelle est peuplée d’idées noires; aidez-moi à les chasser.

      Et malicieuse, regardant Claude en face:

      – Voilà le fruit de vos conseils d’hier soir, monsieur Bérard. Cherchez les honnêtes gens, m’avez-vous dit. Chercher… c’est dur, je suis si paresseuse! J’en ai trouvé sans me donner de peine, je préfère m’y tenir.

      Elle coupa court aux remerciements des voyageurs:

      – Maintenant vous êtes chez vous. S’il manque quelque chose dans vos cabines, il vous suffira d’en avertir William. Ici est le salon commun. Nous quitterons Liverpool après-demain.

      Les yeux d’Yvonne étaient humides. Elle fit un pas vers l’Américaine. Celle-ci lui sourit, les jeunes filles s’enlacèrent et échangèrent un affectueux baiser.

      – Nous serons amies, affirma miss Pretty.

      – Certainement, répliqua Mlle Ribor.

      Quand le personnel du bateau sut que le Fortune prenait des passagers, ce fut une surprise générale; mais on se garda d’en rien faire voir. Seulement tous les domestiques, depuis Sagger jusqu’au cuisinier Jobson, tout l’équipage, depuis le blond capitaine Maulde et le gros lieutenant Follway, jusqu’au mousse Jack, firent assaut de prévenances. Tous s’ingéniaient à charmer les étrangers assez heureux pour avoir changé l’humeur de la millionnaire Diana.

      Un mouvement inaccoutumé se produisit à bord. Des provisions, du charbon, des armes, des munitions s’empilèrent dans les soutes. On se préparait au départ.

      Le lendemain matin en entrant au parloir, Marcel et Claude poussèrent une exclamation de joie. Tout un assortiment d’armes était rangé sur la table: des winchester à répétition, des rifles à balles explosibles pour la chasse au gros gibier, des revolvers, etc.

      Auprès, un paquet de journaux du jour. À côté des feuilles anglaises, de l’américain New-York-Herald, des papiers français le Petit Journal, le Figaro.

      – Ah! murmura Yvonne en prenant le premier. Miss Diana est adorable, elle nous gâte.

      – Certes, appuya Marcel, et j’en éprouve quelque confusion.

      Claude ne dit rien, mais il eut, à l’adresse de l’absente, une mimique expressive.

      Tout en parlant, Mlle Ribor déployait le journal et le parcourait des yeux, heureuse, après deux journées d’Angleterre et de Saxons, de contempler ces colonnes où les mots de la langue maternelle se pressaient en lignes serrées. Soudain elle tomba en arrêt sur un sous-titre.

      – Tiens! s’écria-t-elle.

      Au même instant, Marcel qui tenait le Figaro le lui tendit:

      – Regarde, petite sœur.

      Elle lui désigna le Petit Journal. Dans les deux la même note s’étalait en première page. Elle était ainsi conçue:

      Diego-Suarez, 1er décembre 1892.

      L’explorateur Antonin Ribor vient d’arriver ici, après un voyage des plus mouvementés à travers le continent noir.

      Parti de Saint-Louis (Sénégal), il a visité les tribus touareg du désert; puis, revenant par le Tchad et le Soudan, il a gagné la région des lacs et la côte de Mozambique.

      Aucun des prédécesseurs du courageux voyageur n’a effectué parcours aussi long dans l’intérieur des terres africaines.

      Bien que très fatigué par les fièvres, M. Ribor compte, après quelques jours de repos, poursuivre sa route.

      On sait, en effet, qu’il visite les colonies françaises, en vue de s’assurer de visu des débouchés que le commerce de la métropole peut trouver dans chacune d’elles.

      Yvonne parcourut cette dépêche, puis subitement pâlie, elle la lut d’une voix altérée.

      – À Madagascar, termina-t-elle, c’est là qu’il faut aller. Mon frère, mon pauvre frère!

      La secousse était violente. La jeune fille pleurait, lorsque Diana survint.

      – Tant mieux, s’écria-t-elle après explication. Le Sénégal c’était trop près, Madagascar me va, je vous posséderai plus longtemps.

      Le 4, de grand matin, le Fortune, actionné par son hélice, quitta le bassin de Birkenhead et gagna la Mersey.

      Lentement, pour éviter les collisions avec les nombreux vapeurs qui incessamment évoluent d’une rive à l’autre, il descendit le cours du fleuve, rasa le Floatingpier, colossal quai flottant construit en 1857, brûlé en 1874 et réédifié depuis.

      Un instant les passagers purent embrasser sa surface, qui n’a pas moins d’un hectare et demi et qui perpétuellement est encombrée de caisses, de balles de coton, de café, de colis expédiés de tous les points du globe.

      Ils admirèrent les sept ponts qui relient au rivage ce quai sans rival, puis ils le laissèrent en arrière, saluèrent en passant la ligne interminable des docks, les chantiers de construction, puis le faubourg de Bootle.

      Enfin le Fortune doubla la pointe de New-Brigthon que couronne un phare et s’élança à toute vapeur dans la mer d’Irlande.

      Presque à la même heure, le paquebot Tropagine, de la Compagnie havraise péninsulaire, fendait les flots de la Méditerranée à la hauteur de la Sardaigne.

      Sur le pont un voyageur se promenait songeur.

      C’était Canetègne.

      – Pourvu, mâchonnait-il entre ses dents, que la note que j’ai remise au Petit Journal et au Figaro leur ait passé sous les yeux! Ah! c’est probable. La petite lit son journal chaque jour, et ceux-là se trouvent facilement en Angleterre. S’ils l’ont lue, ils viendront à Madagascar, et là…

      Le négociant fit claquer ses doigts d’une façon menaçante.

      – Je voudrais être arrivé!

      Pour des raisons différentes, les passagers du Fortune exprimaient la même pensée, et Diana, qui les écoutait d’un air attendri, murmura si bas qu’ils ne l’entendirent point:

      – Mon Dieu! mon Dieu! comme je m’ennuierai, après!

      VII. OBOK

      – William Sagger, mon intendant… Mais c’est un gentleman, M. Bérard.

      – Alors, si je comprends qu’il soit licencié,… un autre problème se pose.

      – Lequel?

      – Pourquoi gentleman et intendant?

      – Vous êtes curieux de le savoir?

      – Je