Traduction: J.-Wladimir Bienstock
Couverture: Ilya Repin (1844–1930); Portrait de la Baronesse Varvara Ivanovna Ikskul von Hildenbandt; Huile sur toile, 196 × 71 cm.
EAN 4064066373498
e-artnow, 2021
Personnages:
Agathe Mikhailovna, économe de Levine.
Filimonovna, Matrone, bonne des enfants Oblonski
Golénistchev, compatriote rencontré par Vronski et Anna durant leur séjour en Italie.
Grinévitch, Michel Stanislavitch, collègue d’Oblonski
Iachvine, officier, débauché ami de Vronski.
Levine, Constantin Dmitriévitch, trente deux ans, incarne la vision de Tolstoï : grand propriétaire terrien, il refuse la vie à Moscou et le Monde. Il se tient à l'écart et entreprend un traité d'agronomie, projet mis à mal par son mariage avec Kitty. Il refuse également de participer aux zemstvo, organes de l'administration locale qui regroupent les grands propriétaires.
Levine, Nicolas, frère aîné de Constantin, communiste, il meurt de la Tuberculose.
Loukitch, Vassili, percepteur de Serge Karénine après le départ d’Anna.
Lvov, mari de Nathalie Stcherbatski, ancien diplomate, beau-frère de Levine.
Karénine, Anna : le personnage témoigne de l'évolution de Tolstoï par rapport à son propre ouvrage. Incarnation du péché pendant une large partie de l'ouvrage, elle déteste son mari pour son caractère magnanime ; c'est une incrédule notoire, qui accepte de vivre avec Vronski sans demander le divorce à son mari quand bien même celui-ci l'aurait accepté. Néanmoins, Tolstoï évolue dans sa description puisqu'il en fait aussi une incarnation de la liberté et de la modernité, notamment lorsque sa belle-sœur et amie Dolly la rejoint et songe avec admiration aux choix d'Anna.
Karénine, Alexis Alexandrovitch, mari trompé d'Anna Karénine, incarne la droiture chrétienne. Membre éminent du ministère, il souhaite, lorsqu'il apprend la trahison d'Anna, sauver les apparences dans le Monde. Mais à l'occasion de la naissance de la fille illégitime d'Anna et Vronski, il va accorder son pardon à Anna. Si ce personnage est sans conteste une figure d'intégrité, Tolstoï en fait néanmoins un personnage double fait de sécheresse et d'autosatisfaction.
Karénine, Serge, fils d’Anna et d'Alexis.
Karénine, Annie, fille d’Anna et de Vronski.
Kouzma, valet de Levine.
Koznychev, Serge ivanovitch, demi-frère de Levine, écrivain connu.
Marie Nicolaïevna, compagne de Nicolas Levine, ancienne prostituée.
Mathieu, valet de Stépane.
Mikhaïlov, peintre russe installé en Italie.
Nikitine, Philippe Ivanovitch, collègue d’Oblonski.
Nordston, comtesse, amie de Kitty, n’apprécie pas Levine.
Oblonski : Stiva, trente quatre ans, frère d'Anna Karénine incarne l'oisiveté. Il dépense plus qu'il ne gagne. Parvenu à un poste de haut-fonctionnaire grâce à son caractère hâbleur, il trompe régulièrement sa femme Dolly avec l'ancienne institutrice de ses enfants, une danseuse du Bolchoï. il est également le meilleur ami de Lévine qui deviendra son beau-frère.
Oblonski, Daria Alexandrovna, Dolly, née Stcherbatski, femme d'Oblonski, trente trois ans, mère de sept enfants dont cinq vivants.
Oblonski, Gricha, fils cadet de Stépan et Daria,
Oblonski, Tania, fille ainée de Stépan et Daria
Pétriski, lieutenant, noceur endetté, ami de Vronski
Riabine, négociant, achète une forêt à Stépan Oblonski.
Serpoukhovskoï, général, ami d’Alexis Vronski
Snietkov, maréchal de la noblesse de la province de Kachine battu à l’élection.
Stcherbatski, Kitty, belle-sœur d’Oblonski, se marie avec Levine.
Stcherbatski, Dolly, voir à Oblonski, Daria
Stcherbatski, Nathalie, belle-sœur d’Oblonski, mariée à Lvov.
Stcherbatski, « le vieux prince », père des sœurs Stcherbatski.
Stcherbatski, Nicolas, cousins des sœurs Stcherbatski.
Sviajki, voisin de Levine, va être élu maréchal de la noblesse du district de Selezniev.
Tchirikov, témoin de Levine à son mariage, compagnon de chasse.
Tverskoï, Betsy, cousine de Vronski, princesse, entremetteuse entre Vronski et Anna.
Varenka, Melle, fille adoptive de Me Stahl. Amie de Kitty
Vronski, Alexis Kirillovitch, comte, amant d'Anna.
Vronski, Alexandre, frère d’Alexis, colonel
Vronski, comtesse, mère d’Alexis
Anna Karénine I
PREMIÈRE PARTIE
«Je me suis réservé à la vengeance.» dit le Seigneur.
I
Tous les bonheurs se ressemblent, mais chaque infortune a sa physionomie particulière.
La maison Oblonsky était bouleversée. La princesse, ayant appris que son mari entretenait une liaison avec une institutrice française qui venait d’être congédiée, déclarait ne plus vouloir vivre sous le même toit que lui. Cette situation se prolongeait et se faisait cruellement sentir depuis trois jours aux deux époux, ainsi qu’à tous les membres de la famille, aux domestiques eux-mêmes. Chacun sentait qu’il existait plus de liens entre des personnes réunies par le hasard dans une auberge, qu’entre celles qui habitaient en ce moment la maison Oblonsky. La femme ne quittait pas ses appartements; le mari ne rentrait pas de la journée; les enfants couraient abandonnés de chambre en chambre; l’Anglaise s’était querellée avec la femme de charge et venait d’écrire à une amie de lui chercher une autre place; le cuisinier était sorti la veille sans permission à l’heure du dîner; la fille de cuisine et le cocher demandaient leur compte.
Trois jours après la scène qu’il avait eue avec sa femme, le prince Stépane Arcadiévitch Oblonsky, Stiva, comme on l’appelait dans le monde, se réveilla à son heure habituelle, huit heures du matin, non pas dans sa chambre à coucher, mais dans son cabinet de travail sur un divan de cuir. Il se retourna sur les ressorts de son divan, cherchant à prolonger son sommeil, entoura son oreiller de ses deux bras, y appuya sa joue; puis, se redressant tout à coup, il s’assit et ouvrit les yeux.
«Oui, oui, comment était-ce donc? Pensa-t-il en cherchant à se rappeler son rêve. Comment était-ce? Oui, Alabine donnait un dîner à Darmstadt; non, ce n’était pas Darmstadt, mais quelque chose d’américain. Oui, là-bas, Darmstadt était en Amérique. Alabine donnait un dîner sur des tables de verre, et les tables chantaient: «Il mio tesoro», c’était même mieux que «Il mio tesoro», et il y avait là de petites carafes qui étaient des femmes.»
Les yeux de Stépane Arcadiévitch brillèrent gaiement et il se dit en souriant: «Oui, c’était agréable, très agréable, mais cela ne se raconte pas en paroles et ne s’explique même plus clairement quand on est réveillé.» Et, remarquant un rayon de jour qui pénétrait dans la chambre par l’entre-bâillement d’un store, il posa les pieds à terre, cherchant comme d’habitude ses pantoufles de maroquin brodé d’or, cadeau de sa femme pour son jour de naissance; puis, toujours sous l’empire d’une habitude de neuf années, il tendit la main sans se lever, pour prendre sa robe de chambre à la place où elle pendait d’ordinaire. Ce fut alors seulement qu’il se rappela comment et pourquoi il était dans son cabinet; le sourire disparut de ses lèvres et il fronça le sourcil. «Ah, ah, ah!» soupira-t-il en se souvenant de ce qui s’était passé. Et son imagination lui représenta tous les détails de sa scène avec sa femme et la situation sans issue où il se trouvait par sa propre faute.
«Non, elle