On s'est, demandé, il est vrai, si cet excédent de femmes ne venait pas simplement de ce que la mortalité des fous est supérieure à celle des folles. En fait, il est certain que, en France, sur 100 aliénés qui meurent dans les asiles, il y a environ 55 hommes. Le nombre plus considérable de sujets féminins recensés à un moment donné ne prouverait donc pas que la femme a une plus forte tendance à la folie, mais seulement que, dans cette condition comme d'ailleurs dans toutes les autres, elle survit mieux que l'homme. Mais il n'en reste pas moins acquis que la population existante d'aliénés compte plus de femmes que d'hommes; si donc, comme il semble légitime, on conclut des fous aux nerveux, on doit admettre qu'il existe à chaque moment plus de neurasthéniques dans le sexe féminin que dans l'autre. Par conséquent, s'il y avait entre le taux des suicides et la neurasthénie un rapport de cause à effet, les femmes devraient se tuer plus que les hommes. Tout au moins devraient-elles se tuer autant. Car même en tenant compte de leur moindre mortalité et en corrigeant en conséquence les indications des recensements, tout ce qu'on en pourrait conclure, c'est qu'elles ont pour la folie une prédisposition sensiblement égale à celle de l'homme; leur plus faible dîme mortuaire et la supériorité numérique qu'elles accusent dans tous les dénombrements d'aliénés se compensent, en effet, à peu près exactement. Or, bien loin que leur aptitude à la mort volontaire soit ou supérieure on équivalente à celle de l'homme, il se trouve que le suicide est une manifestation essentiellement masculine. Pour une femme qui se tue, il y a, en moyenne, 4 hommes qui se donnent la mort (V. Tableau IV, ci-dessus). Chaque sexe a donc pour le suicide un penchant défini, qui est même constant pour chaque milieu social. Mais l'intensité de cette tendance ne varie aucunement comme le facteur psychopathique, qu'on évalue ce dernier d'après le nombre des cas nouveaux enregistrés chaque année ou d'après celui des sujets recensés au même moment.
2° Le tableau V permet de comparer l'intensité de la tendance à la folie dans les différents cultes.
Tableau V[31]
Tendance à la folie dans les différentes confessions religieuses.
/* +——————————————-+———————————————————+ | | NOMBRE DE FOUS SUR 1.000 HABITANTS | | | de chaque culte | | +———————+———————+————+ | | Protestants. | Catholiques. | Juifs. | +——————————————-+———————+———————+————+ | Silésie (1858). | 0,74 | 0,79 | 1,55 | +——————————————-+———————+———————+————+ | Mecklembourg (1862). | 1,36 | 2,0 | 5,33 | +——————————————-+———————+———————+————+ | Duché de Bade (1863). | 1,34 | 1,41 | 2,24 | +——————————————-+———————+———————+————+ | " (1873). | 0,95 | 1,19 | 1,44 | +——————————————-+———————+———————+————+ | Bavière (1871). | 0,92 | 0,96 | 2,86 | +——————————————-+———————+———————+————+ | Prusse (1871). | 0,80 | 0,87 | 1,42 | +——————————————-+———————+———————+————+ | Wurtemberg (1832). | 0,65 | 0,68 | 1,77 | +——————————————-+———————+———————+————+ | " (1853). | 1,06 | 1,06 | 1,49 | +——————————————-+———————+———————+————+ | " (1875). | 2,18 | 1,86 | 3,96 | +——————————————-+———————+———————+————+ | Grand-Duché de Hesse (1864).| 0,63 | 0,59 | 1,42 | +——————————————-+———————+———————+————+ | Oldenbourg (1871). | 2,12 | 1,76 | 3,37 | +——————————————-+———————+———————+————+ | Canton de Berne (1871). | 2,64 | 1,82 | | +——————————————————————————————————+ */
On voit que la folie est beaucoup plus fréquente chez les juifs que dans les autres confessions religieuses; il y a donc tout lieu de croire que les autres affections du système nerveux y sont également dans les mêmes proportions. Or, tout au contraire, le penchant au suicide y est très faible. Nous montrerons même plus loin que c'est la religion où il a le moins de force[32]. Par conséquent, dans ce cas, le suicide varie en raison inverse des états psychopathiques, bien loin d'en être le prolongement. Sans doute, il ne faudrait pas conclure de ce fait que les tares nerveuses et cérébrales pussent jamais servir de préservatifs contre le suicide; mais il faut qu'elles aient bien peu d'efficacité pour le déterminer, puisqu'il peut s'abaisser à ce point au moment même où elles atteignent leur plus grand développement.
Si l'on compare seulement les catholiques aux protestants, l'inversion n'est pas aussi générale; cependant elle est très fréquente. La tendance des catholiques à la folie n'est inférieure à celle des protestants que 4 fois sur 12 et encore l'écart entre eux est-il très faible. Nous verrons,