L'époque où a lieu le minimum n'est pas moins régulière: 30 fois sur 34, c'est-à-dire 88 fois sur cent, il arrive en hiver; les quatre autres fois en automne. Les quatre pays qui s'écartent de la règle sont l'Irlande et la Hollande (comme dans le cas précédent) le canton de Berne et la Norwège. Nous savons quelle est la portée des deux premières anomalies; la troisième en a moins encore, car elle n'a été observée que sur un ensemble de 97 suicides. En résumé 26 fois sur 34, soit 76 fois sur cent, les saisons se rangent dans l'ordre suivant: été, printemps, automne, hiver. Ce rapport est vrai sans aucune exception du Danemark, de la Belgique, de la France, de la Prusse, de la Saxe, de la Bavière, du Wurtemberg, de l'Autriche, de la Suisse, de l'Italie et de l'Espagne.
Non seulement les saisons se classent de la même manière, mais la part proportionnelle de chacune diffère à peine d'un pays à l'autre. Pour rendre cette invariabilité plus sensible, nous avons, dans le tableau XI (V. ci-dessous), exprimé le contingent de chaque saison dans les principaux États européens en fonction du total annuel ramené à mille. On voit que les mêmes séries de nombres reviennent presque identiquement dans chaque colonne.
Tableau XI
Part proportionnelle de chaque saison dans le total annuel des suicides de chaque pays.
/* +————-+————+————+———-+———-+———-+————+———-+ | |DANEMARK|BELGIQUE| FRANCE| SAXE |BAVIÈRE|AUTRICHE|PRUSSE | | |1858-65 |1841-49 |1835-43|1847-58|1858-65|1858-59 |1869-72| +————-+————+————+———-+———-+———-+————+———-+ | Été | 312 | 301 | 306 | 307 | 308 | 315 | 290 | +————-+————+————+———-+———-+———-+————+———-+ |Printemps| 284 | 275 | 283 | 281 | 282 | 281 | 284 | +————-+————+————+———-+———-+———-+————+———-+ | Automne | 227 | 229 | 210 | 217 | 218 | 219 | 227 | +————-+————+————+———-+———-+———-+————+———-+ | Hiver | 177 | 195 | 201 | 195 | 192 | 185 | 199 | +————-+————+————+———-+———-+———-+————+———-+ | | 1.000 | 1.000 | 1.000 | 1.000 | 1.000 | 1.000 | 1.000 | +————-+————+————+———-+———-+———-+————+———-+ */
De ces faits incontestables Ferri et Morselli ont conclu que la température avait sur la tendance au suicide une influence directe; que la chaleur, par l'action mécanique qu'elle exerce sur les fonctions cérébrales, entraînait l'homme à se tuer. Ferri a même essayé d'expliquer de quelle manière elle produisait cet effet. D'une part, dit-il, la chaleur augmente l'excitabilité du système nerveux; de l'autre, comme, avec la saison chaude, l'organisme n'a pas besoin de consommer autant de matériaux pour entretenir sa propre température au degré voulu, il en résulte une accumulation de forces disponibles qui tendent naturellement à trouver leur emploi. Pour cette double raison, il y a, pendant l'été, un surcroît d'activité, une pléthore de vie qui demande à se dépenser et ne peut guère se manifester que sous forme d'actes violents. Le suicide est une de ces manifestations, l'homicide en est une autre, et voilà pourquoi les morts volontaires se multiplient pendant cette saison en même temps que les crimes de sang. D'ailleurs, l'aliénation mentale, sous toutes ses formes, passe pour se développer à cette époque; il est donc naturel, a-t-on dit, que le suicide, par suite des rapports qu'il soutient avec la folie, évolue de la même manière.
Cette théorie, séduisante par sa simplicité, paraît, au premier abord, concorder avec les faits. Il semble même qu'elle n'en soit que l'expression immédiate. En réalité, elle est loin d'en rendre compte.
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