Les contemplations: Aujourd'hui, 1843-1856. Victor Hugo. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Victor Hugo
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066082796
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aimait Dieu, les fleurs, les astres, les prés verts,

      Et c'était un esprit avant d'être une femme.

      Son regard reflétait la clarté de son âme.

      Elle me consultait sur tout à tous moments.

      Oh! que de soirs d'hiver radieux et charmants,

      Passés à raisonner langue, histoire et grammaire,

      Mes quatre enfants groupés sur mes genoux, leur mère

      Tout près, quelques amis causant au coin du feu!

      J'appelais cette vie être content de peu!

      Et dire qu'elle est morte! hélas! que Dieu m'assiste!

      Je n'étais jamais gai quand je la sentais triste;

      J'étais morne au milieu du bal le plus joyeux

      Si j'avais, en partant, vu quelque ombre en ses yeux.

      Novembre 1846, jour des morts.

      

       Table des matières

      Quand nous habitions tous ensemble

      Sur nos collines d'autrefois,

      Où l'eau court, où le buisson tremble,

      Dans la maison qui touche aux bois,

      Elle avait dix ans, et moi trente;

      J'étais pour elle l'univers.

      Oh! comme l'herbe est odorante

      Sous les arbres profonds et verts!

      Elle faisait mon sort prospère,

      Mon travail léger, mon ciel bleu.

      Lorsqu'elle me disait: Mon père,

      Tout mon coeur s'écriait: Mon Dieu!

      A travers mes songes sans nombre,

      J'écoutais son parler joyeux,

      Et mon front s'éclairait dans l'ombre

      A la lumière de ses yeux.

      Elle avait l'air d'une princesse

      Quand je la tenais par la main;

      Elle cherchait des fleurs sans cesse

      Et des pauvres dans le chemin.

      Elle donnait comme on dérobe,

      En se cachant aux yeux de tous.

      Oh! la belle petite robe

      Qu'elle avait, vous rappelez-vous?

      Le soir, auprès de ma bougie,

      Elle jasait à petit bruit,

      Tandis qu'à la vitre rougie

      Heurtaient les papillons de nuit.

      Les anges se miraient en elle.

      Que son bonjour était charmant!

      Le ciel mettait dans sa prunelle

      Ce regard qui jamais ne ment.

      Oh! je l'avais, si jeune encore,

      Vue apparaître en mon destin!

      C'était l'enfant de mon aurore,

      Et mon étoile du matin!

      Quand la lune claire et sereine

      Brillait aux cieux, dans ces beaux mois,

      Comme nous allions dans la plaine!

      Comme nous courions dans les bois!

      Puis, vers la lumière isolée

      Étoilant le logis obscur,

      Nous revenions par la vallée

      En tournant le coin du vieux mur;

      Nous revenions, coeurs pleins de flamme,

      En parlant des splendeurs du ciel.

      Je composais cette jeune âme

      Comme l'abeille fait son miel.

      Doux ange aux candides pensées,

      Elle était gaie en arrivant...--

      Toutes ces choses sont passées

      Comme l'ombre et comme le vent!

      Villequier, 4 septembre 1844.

      

       Table des matières

      Elle était pâle, et pourtant rose,

      Petite avec de grands cheveux.

      Elle disait souvent: Je n'ose,

      Et ne disait jamais: Je veux.

      Le soir, elle prenait ma Bible

      Pour y faire épeler sa soeur,

      Et, comme une lampe paisible,

      Elle éclairait ce jeune coeur.

      Sur le saint livre que j'admire,

      Leurs yeux purs venaient se fixer;

      Livre où l'une apprenait à lire,

      Où l'autre apprenait à penser!

      Sur l'enfant, qui n'eût pas lu seule,

      Elle penchait son front charmant,

      Et l'on aurait dit une aïeule

      Tant elle parlait doucement!

      Elle lui disait: «Sois bien sage!»

      Sans jamais nommer le démon;

      Leurs mains erraient de page en page

      Sur Moïse et sur Salomon,

      Sur Cyrus qui vint de la Perse,

      Sur Moloch et Leviathan,

      Sur l'enfer que Jésus traverse,

      Sur l'éden où rampe Satan!

      Moi, j'écoutais...--O joie immense

      De voir la soeur près de la soeur!

      Mes yeux s'enivraient en silence

      De cette ineffable douceur.

      Et dans la chambre humble et déserte

      Où nous sentions, cachés tous trois,

      Entrer par la fenêtre ouverte

      Les souffles des nuits et des bois,

      Tandis que, dans le texte auguste,

      Leurs coeurs, lisant avec ferveur,

      Puisaient le beau, le vrai, le juste,

      Il me semblait, à moi, rêveur,

      Entendre chanter des louanges

      Autour de nous, comme au saint lieu,

      Et voir sous les doigts de ces anges

      Tressaillir le livre de Dieu!

      Octobre