Son chien dormoit aussi, comme aussi sa musette;
La plupart des brebis dormoient pareillement.
L’hypocrite les laissa faire;
Et, pour pouvoir mener vers son fort les brebis,
Il voulut ajouter la parole aux habits,
Chose qu’il croyoit nécessaire.
Mais cela gâta son affaire:
Il ne put du pasteur contrefaire la voix.
Le ton dont il parla fit retentir les bois,
Et découvrit tout le mystère.
Chacun se réveille à ce son,
Les brebis, le chien, le garçon.
Le pauvre loup, dans cet esclandre,
Empêché par son hoqueton,
Ne put ni fuir ni se défendre.
Toujours par quelque endroit fourbes se laissent prendre.
Quiconque est loup agisse en loup;
C’est le plus certain de beaucoup.
IV
LES GRENOUILLES QUI DEMANDENT UN ROI.
Les grenouilles, se lassant
De l’état démocratique,
Par leurs clameurs firent tant
Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique.
Il leur tomba du ciel un roi tout pacifique:
Ce roi fit toutefois un tel bruit en tombant,
Que la gent marécageuse,
Gent fort sotte et fort peureuse,
S’alla cacher sous les eaux,
Dans les joncs, dans les roseaux,
Dans les trous du marécage,
Sans oser de longtemps regarder au visage
Celui qu’elles croyoient être un géant nouveau.
Or c’étoit un soliveau,
De qui la gravité fit peur à la première
Qui, de le voir s’aventurant,
Osa bien quitter sa tanière.
Elle approcha, mais en tremblant.
Une autre la suivit, une autre en fit autant:
Il en vint une fourmilière;
Et leur troupe à la fin se rendit familière
Jusqu’à sauter sur l’épaule du roi.
Le bon sire le souffre et se tient toujours coi.
Jupin en a bientôt la cervelle rompue:
Donnez-nous, dit ce peuple, un roi qui se remue!
Le monarque des dieux leur envoie une grue,
Qui les croque, qui les tue,
Qui les gobe à son plaisir;
Et grenouilles de se plaindre,
Et Jupin de leur dire: Eh quoi! votre désir
A ses lois croit-il nous astreindre?
Vous avez dû premièrement
Garder votre gouvernement;
Mais, ne l’ayant pas fait, il vous devoit suffire
Que votre premier roi fût débonnaire et doux:
De celui-ci contentez-vous,
De peur d’en rencontrer un pire.
V
LE RENARD ET LE BOUC.
Capitaine renard alloit de compagnie
Avec son ami bouc des plus haut encornés:
Celui-ci ne voyoit pas plus loin que son nez;
L’autre étoit passé maître en fait de tromperie.
La soif les obligea de descendre en un puits:
Là, chacun d’eux se désaltère.
Après qu’abondamment tous deux en eurent pris,
Le renard dit au bouc: Que ferons-nous, compère?
Ce n’est pas tout de boire, il faut sortir d’ici.
Lève tes pieds en haut, et tes cornes aussi;
Mets-les contre le mur: le long de ton échine
Je grimperai premièrement,
Puis, sur tes cornes m’élevant,
A l’aide de cette machine,
De ce lieu-ci je sortirai,
Après quoi je t’en tirerai.—
Par ma barbe, dit l’autre, il est bon; et je loue
Les gens bien sensés comme toi.
Je n’aurois jamais, quant à moi,
Trouvé ce secret, je l’avoue.
Le renard sort du puits, laisse son compagnon,
Et vous lui fait un beau sermon
Pour l’exhorter à patience.
Si le ciel t’eût, dit-il, donné par excellence
Autant de jugement que de barbe au menton,
Tu n’aurois pas, à la légère,
Descendu dans ce puits. Or, adieu; j’en suis hors.
Tâche de t’en tirer, et fais tous tes efforts;
Car, pour moi, j’ai certaine affaire
Qui ne me permet pas d’arrêter en chemin.
En toute chose il faut considérer la fin.
VI
L’AIGLE, LA LAIE ET LA CHATTE.
L’aigle avoit ses petits au haut d’un arbre creux,
La laie au pied, la chatte entre les deux;
Et sans s’incommoder, moyennant ce partage,
Mères et nourrissons faisoient leur tripotage.
La chatte détruisit par