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J’abandonne la bouteille à moitié vide sur la table de chevet sans aucune précaution. Le vin ingéré me procure une légère sensation de vertige que j’ai l’intention de chasser avec une tasse de café. J’implore un bain froid, mais Mme Salomé m’annonce que la nourriture est prête. Rempli de rancœur, j’ingurgite la soupe. La chaleur apaise le vide de mon estomac et l’étrange inconfort de l’amertume causée par la boisson. Je m’assieds à la table. Je regarde le garçon en train de manger et je me rends dans mon alcôve avec un désir intense de dormir.
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J’entrouvre les yeux. La première image que j’aperçois est celle du monde. Mon ivresse m’empêche de scruter les délices dégoûtants de son jardin. J’imagine le corps nu du garçon envahi par une vraie luxure puis je me rendors. Quand je me réveille, je remarque la position inhabituelle du côté droit de la planche peinte. Je suppose que quelqu’un a examiné la peinture. Mme Salomé a l’interdiction d’entrer dans l’alcôve et elle l’a toujours respecté, donc mon seul soupçon retombe sur la curiosité du garçon. Je ne suis pas contrarié, mais je n’aime pas son intrusion pour autant. C’est alors que je ressens la substance pâteuse qui a taché ses dessous pendant le sommeil.
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Aujourd’hui moins de gens sont allés à l’église qu’hier. Cependant, mes sermons furent plus longs.
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Le dernier livre de la Bible annonce un enfer plein de feu et de soufre comme une sentence pour ceux qui trahissent les normes du Seigneur. Un tourment de puanteurs, d’émanations malodorantes, serait un tourment insupportable, en particulier pour une âme étrangère aux faiblesses du corps. Je défèque lentement et avec un peu de douleur. Mon sphincter expulse le gaz congédié sous la forme d’un crissement aigu. Il empeste, mais je l’inhale en imaginant un enfer orageux méphitique saturé d’effluves fétides. Assis ici, le miasme juxtaposé à l’imagination provoque des nausées. J’entrouvre la porte et je laisse circuler un peu d’air frais pour secouer les remugles excrémentiels. L’air vicié qui a contaminé mon corps s’échappe.
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Tomás renifle ma jambe, il a sûrement perçu l’odeur de savon sur mon corps après le bain. Il commence à émettre des grognements désagréables. Il tire le tissu de mon pyjama et le déchire en l’inondant de sa bave. Mauvais chien. Maintenant je le vois s’éloigner, satisfait de sa malice. Je retire ma robe de chambre. Je me retrouve nu devant le miroir. Je ne parviens pas à réprimer l’envie de caresses vers la zone de mes testicules. Un flux électrique me secoue. Mon pénis se gonfle dans un cramoisi sombre. En réaction, je me détourne du miroir avec horreur. Je prends un autre vêtement et je m’empresse d’oublier mes désirs.
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Le Sanhédrin des sens accueille la proposition de trahir l’âme.
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Je le débarrasse de sa chemise avec une sérénité qui m’est complètement étrangère. Pourtant ce sont réellement mes mains qui dénudent son torse. Je l’allonge. J’écarte immédiatement son postérieur dressé vers mon visage qui rougit instantanément. Je lui caresse le dos qui brûlera sûrement de la fraîcheur du menthol. Ses poumons le sentent déjà, j’en suis sûr, car mes mains se rafraîchissent au fil des massages. Je contemple pour la dernière fois son cul de jeune homme dominant parfait. Je le retourne. Son visage est braqué sur moi. J’enduis ses pectoraux de menthol et je profite de l’occasion pour sentir ses tétons timides qui surgissent sans impudence. Le fort arôme d’eucalyptus me pénètre.
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Ce matin, tous deux dorment sous la rumination de la pluie qui frappe la rue. Le père Misael n’a pas rêvé du couteau, et le jeune Manuel n’a pas eu la vision de la bête. Peut-être sont-ils partis pour ne jamais revenir. Nous sommes à l’orée d’un nouveau jour. Au centre-ville, la pluie traîne toutes les odeurs de la rue du billard. L’averse nettoie le vieil arbre de l’arrière-cour. Pendant les pluies, certains ingénus assurent que Dieu pleure pour tous les péchés de l’humanité. Les larmes divines qui tombent sur le monde ne symbolisent sûrement pas l’image la plus précise. Le crépitement de l’urine qui nous imprègne façonne, lui, une image plus nette, tout comme cette substance semblable que Tomás a répandue et qui émerge maintenant de l’écorce du vieil amandier. Après tout, d’une manière ou d’une autre, le liquide qui nous baigne vient du corps immatériel de Dieu.
JEUDI
Ardeur et froidure
Fiat voluntas tua, sicut in caelo, et in terra.
Une décharge brûlante me secoue. Elle prend sa source dans l’occiput. Elle part en exode et se distille le long de ma colonne vertébrale. Mes tendons se réveillent et m’obligent à étirer mon corps sur toute sa longueur dans une douleur agréable qui se consume de manière orgasmique dans mes sous-vêtements. Je sens comment mon pénis redescend lentement, renversé par le plaisir convulsif de la pollution alors qu’un vide insupportable se prépare dans mon âme. Le froid s’insinue par la fenêtre ouverte et le rideau ondule dans des hululements langoureux et successifs. Je regarde le velours frémir contre le mur, impacter le verre de la vitre et le cadre en sapin. Je sens la brise glisser et se faufiler sous mes aisselles, elle effleure ma peau dans un souffle qui provoque des frissons dans tout mon corps. Je soupire. Je m’éloigne de cet intérieur entaché de sperme. Je me lève et je prie pour la faiblesse de ma chair.
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La chaleur du café m’encourage à l’abandonner. Je préfère ingérer le jus de pêche à petites gorgées. Le garçon me raconte une histoire quelque peu profane, mais je n’ose pas le réprimander. Je me contente de le regarder et d’ébaucher un sourire froid. Aujourd’hui encore, il ne m’a pas accompagné à la messe. Il m’a cruellement manqué, surtout lorsque l’évêque Pío a prononcé la bénédiction. Je l’examine. Je m’extasie devant ses factions, son regard insouciant, ses cheveux ébouriffés au petit matin. Je me lève précipitamment de la table. J’essaie de détourner mon attention qui se dirige encore et encore vers lui.
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Je suis tombé avec des frissons. Aujourd’hui, je ne quitterai pas la maison et je ne m’occuperai pas non plus des paroissiens qui se préparent pour le Vendredi Saint. J’ai décommandé certains engagements mineurs, conformément aux recommandations du médecin. Le garçon prépare une infusion que j’ingère avec les médicaments. Je me retourne pour observer le mouvement de ses fesses qui se branlent dans un va-et-vient provocateur. Je m’abandonne au sommeil.
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Au réveil, je vois le visage du garçon. Il m’a tenu compagnie tout ce temps où la fièvre a duré. Il m’informe qu’il a préparé le déjeuner et réconforte mon corps avec une soupe chaude. Il insiste pour me la porter à la bouche, cuillère après cuillère. Vient ensuite un moment difficile. Je lui reproche d’avoir examiné la peinture sans mon consentement. Il répond qu’il voulait découvrir ce que contenait le tableau. Il ne s’agit pas d’interdire ses connaissances. Je considère simplement qu’il devrait au préalable consulter une voix autorisée pour lui confirmer s’il est ou non qualifié pour ces connaissances particulières. Il réplique qu’il se sent apte. Et il m’implore de le guider à travers le tableau. Après une lutte de supplications et de refus, je cède à la demande et je lui permets de l’ouvrir. Il affiche un visage de stupéfaction. C’est beau, dit-il, mais en même temps odieux. C’est notre âme, lui dis-je. Ou les mots seraient-ils restés dans mes pensées ?