Le bruit de leurs pas résonnait sur le sol en pierre. Ils passèrent devant des dizaines de portes fermées de cellules. Les portes étaient en acier et elles avaient une ouverture étroite sur le bas, comme une fente de boîte aux lettres, à travers laquelle les gardiens faisaient glisser les repas aux prisonniers. Elles avaient également deux petites fenêtres en acier trempé qui faisaient face au couloir.
Quelque part dans le couloir, un homme hurlait. On aurait dit un cri d’agonie, qui continuait encore et encore, sans avoir l’air de jamais s’arrêter. C’était le soir et ce serait bientôt l’extinction des feux, et le hurlement de cet homme donnait la chair de poule. Luke crut discerner des mots au milieu des cris.
Il regarda l’un des gardiens.
« Il va bien, » dit le gardien. « Vraiment. Il n’a mal nulle part. Il se contente juste de hurler. »
L’autre gardien intervint. « La solitude leur fait parfois perdre un peu la tête. »
« La solitude ? » dit Luke. « Vous voulez dire l’isolement ? »
Le gardien haussa les épaules. « Oui. » Ce n’était qu’une question de sémantique pour lui. Après son boulot, il rentrait chez lui. Il mangeait au Denny’s du coin et bavardait avec les habitués. Il avait une alliance à la main gauche. Il devait avoir une femme et probablement des enfants. Il avait une vie en-dehors de ces murs. Mais les prisonniers ? Pas vraiment.
Luke savait que quelques criminels célèbres avaient fait un séjour ici. Le Unabomber Ted Kaczynski y était actuellement incarcéré, tout comme Dzhokhar Tsarnaev, l’un des deux terroristes du marathon de Boston. Le mafioso John Gotti avait vécu ici pendant des années, ainsi que son violent homme de main, Sammy ‘The Bull’ Gravano.
C’était une infraction aux normes de sécurité de laisser entrer Luke au-delà du parloir, mais on était de toute façon en-dehors des heures de visite et il s’agissait d’un cas spécial. Un prisonnier avait des informations importantes à donner mais il insistait pour parler personnellement à Luke – et pas par téléphone à travers une vitre épaisse, mais face à face, dans sa cellule. C’était la Présidente des États-Unis elle-même qui avait demandé à Luke d’accepter cette entrevue.
Ils s’arrêtèrent devant une porte blanche qui ressemblait à toutes les autres. Luke sentit son cœur s’arrêter. Il était un peu nerveux. Il ne chercha pas à apercevoir l’homme à travers les minuscules fenêtres. Il ne voulait pas le voir comme ça, enfermé dans une cellule. Il voulait qu’il soit plus grand que nature, qu’il reste légendaire.
« C’est mon devoir de vous informer, » dit l’un des gardiens, « que les détenus de cette prison sont considérés parmi les plus violents et les plus dangereux actuellement incarcérés dans le système pénitentiaire des États-Unis. Si vous choisissez d’entrer dans cette cellule, vous déclinez… »
Luke leva la main. « Épargnez-vous le discours. Je connais les risques. »
Le gardien haussa à nouveau les épaules. « Comme vous voudrez. »
« Je voudrais également que cette conversation ne soit pas enregistrée, » dit Luke.
« Il y a des caméras de surveillance qui filment l’intérieur des cellules vingt-quatre heures sur vingt-quatre, » dit le gardien. « Mais il n’y a pas de son. »
Luke hocha la tête. Il n’en croyait pas un mot. « OK. Je crierai si j’ai besoin d’aide. »
Le gardien sourit. « On ne vous entendra pas. »
« Alors j’agiterai frénétiquement les mains. »
Les deux gardiens se mirent à rire. « Je serai au bout du couloir, » dit l’un d’entre eux. « Cognez à la porte quand vous aurez envie de sortir. »
Un bruit de serrure se fit entendre et la porte se mit lentement à s’ouvrir. Apparemment, il y avait bien quelqu’un qui les observait quelque part.
La porte s’ouvrit sur une cellule sombre et minuscule. La première chose que Luke remarqua, ce fut la toilette en métal. Il y avait un robinet au-dessus. C’était une combinaison étrange mais plutôt logique, finalement. Tout le reste était en pierre. Un étroit bureau en pierre s’étendait depuis le mur et un tabouret rond surgissait du sol juste devant lui.
Sur le bureau, il y avait plusieurs feuilles de papier, quelques livres et quatre ou cinq gros crayons. Tout comme le bureau, le lit était étroit et fait en pierre. Un fin matelas y était posé, avec une couverture verte qui semblait être en laine. Il y avait une étroite fenêtre dans le mur du fond, encadrée de vert, qui faisait peut-être soixante centimètres de haut et quinze centimètres de large. Il faisait noir à l’extérieur, à l’exception d’une lumière jaune provenant d’une lampe fixée au mur extérieur et qui projetait une lueur blafarde à l’intérieur de la cellule. Il n'y avait aucun moyen de couvrir la fenêtre.
Le prisonnier portait une combinaison orange et leur tournait le dos.
« Morris, » dit le gardien. « Voici votre visiteur. Faites-moi le plaisir de ne pas le tuer. »
Don Morris, ancien colonel de l’armée des États-Unis et commandant de la Force Delta, fondateur et ancien dirigeant de l’équipe d’intervention spéciale du FBI, se retourna lentement. Son visage était plus ridé qu’avant et ses cheveux poivre et sel étaient devenus entièrement gris. Mais il avait toujours ce regard profond et acéré. Ses bras, ses jambes et ses épaules avaient toujours l’air aussi solides.
Un sourire se dessina sur ses lèvres.
« Luke, » dit-il. « Merci d’être venu. Bienvenue chez moi. Huit mètres carrés, plus ou moins deux mètres sur quatre. »
« Salut, Don, » dit Luke. « J’adore ce que tu as fait de cet endroit. »
« C’est votre dernière chance de changer d’avis, » dit l’un des gardiens derrière lui.
Luke secoua la tête. « Je pense que ça va aller. »
Don regarda les gardiens. « Vous savez qui est cet homme, n’est-ce pas ? »
« Oui. »
« Alors j’imagine, » dit Don, « que vous devez savoir le peu de danger que je représente pour lui. »
La porte se referma. Ils restèrent silencieux un moment, en s’observant d’un côté à l’autre de la cellule. Luke ressentit une sorte de nostalgie. Don avait été son supérieur et son mentor au sein de la Force Delta. Quand Don avait fondé l’équipe d’intervention spéciale, il avait recruté Luke comme son premier agent. À bien des égards, et pendant plus de dix ans, Don avait été comme un père pour lui.
Mais plus maintenant. Don avait été l’un des conspirateurs dans le complot qui avait mené à l’assassinat du Président des États-Unis, en vue de prendre le pouvoir. Il avait été complice dans l’enlèvement de la femme et du fils de Luke. Il savait à l’avance qu’un attentat allait avoir lieu, un attentat qui avait tué plus de trois cents personnes à Mount Weather. Don risquait la peine de mort et aux yeux de Luke, il la méritait amplement.
Les deux hommes se serrèrent la main et pendant une fraction de seconde, Don posa la main sur l’épaule de Luke. C’était un geste bizarre venant d’un homme qui n’était plus habitué au contact humain. Luke savait que les prisonniers Supermax avaient rarement l’occasion d’avoir des interactions entre eux.
« Merci pour toutes les visites que tu m’as faites et toutes les lettres que tu m’as envoyées, » dit Don. « Ça a été un véritable réconfort de savoir que mon bien-être était une telle priorité à tes yeux. »
Luke secoua