« Maman… que fais-tu ici ?
– J’étais dans le quartier et je me suis dit que j’allais m’arrêter pour vous emmener dîner quelque part, mais on dirait que je viens un peu tard.
– Tu l’aurais su si tu avais téléphoné. »
Frances ignora la remarque de son fils, repéra Patricia assise à la table et lui fit un large sourire. « Mon nom est Patricia Ellington, au fait.
– Et je m’appelle Patricia White, dit Patricia. Je suis ravie de vous rencontrer. »
Il y eut un silence empli de tension que tout le monde put ressentir. On aurait dit que même Kevin était interloqué, il regardait tout autour dans la pièce pour voir si quelque chose n’allait pas. Ses yeux finirent par se poser sur Mackenzie et elle lui fit un grand sourire, ce qui sembla résoudre la question pour lui.
« Eh bien, si nous comptons tous rester ici, je ferais aussi bien d’apporter le dessert, dit Ellington. Ce n’est pas grand-chose, juste un gâteau à la crème glacée qui m’a interpellé quand je l’ai vu à l’épicerie hier.
– Ca me paraît très bien, dit Frances en prenant place sur la chaise à côté de Kevin. Celui-ci lui porta alors toute son attention, oubliant complètement sa nouvelle grand-mère.
« Frances le garde de temps en temps » expliqua Mackenzie à sa mère. Elle espérait que cette simple phrase était bien choisie parce qu’à l’oreille de Mackenzie, cela sonnait presque comme une accusation. Elle le garde de temps en temps parce qu’elle a choisi de faire partie de sa vie depuis le début. Voilà comment cela sonnait pour Mackenzie.
Ellington apporta le gâteau et entreprit de le couper. Lorsqu’il en donna une petite tranche à Kevin, celui-ci réagit aussitôt en y enfonçant ses mains avec un gloussement. Cela provoqua un rire chez ses deux grands-mères, ce qui, en retour, entraîna Kevin à s’attaquer une seconde fois au gâteau.
« Dites, attendez, dit Patricia. N’est-il pas un peu jeune pour un gâteau comme ça ?
– Non, dit Mackenzie. Kevin adore la crème glacée.
– Je ne me rappelle pas t’avoir jamais donné de la glace aussi jeune. »
Mackenzie eut cette pensée qu’elle n’osa dire à voix haute : Ca m’étonne que tu te rappelles de quoi que ce soit de mon enfance.
« Oh oui, dit Frances. Il aime en particulier la glace à la fraise. Mais pas au chocolat. Vous devriez voir l’air horrifié que prend cet enfant quand il goûte à n’importe quoi de chocolaté. »
Mackenzie observa le visage de sa mère et y vit l’ombre de la femme qu’elle avait autrefois été. On y lisait de la déception ainsi que de l’embarras. Elle commença aussitôt à se redresser, adoptant une posture défensive et Mackenzie sut immédiatement que les choses allaient s’envenimer s’ils continuaient sur cette voie.
« Mais ne t’inquiètes pas, Maman, dit Mackenzie. Il mange énormément d’aliments sains également.
– Je ne mettais pas ça en doute. J’étais simplement… curieuse. Ca fait un moment depuis que j’ai élevé un enfant…
– N’est-ce pas étrange ? dit Frances. On croit qu’on en a terminé avec la magie d’élever ses enfants quand ils quittent la maison et puis… bam ! On devient grand-parent.
– C’est le cas, je suppose » dit Patricia en regardant Kevin. Elle tendit une main dont il se saisit, barbouillant son index de glace à la vanille.
« Comme vous pouvez le voir, dit Frances, il est plutôt partageur également. »
Patricia rit devant cette remarque, un son qui lui valut un grand sourire de la part de Kevin. Mackenzie put voir des larmes dans les yeux de sa mère même si elle continuait de rire en même temps. Et au moment où son rire eut atteint son paroxysme, Kevin gloussait avec elle comme s’ils venaient de partager une plaisanterie rien qu’entre eux.
« Je suppose qu’il tient son sens de l’humour du côté de votre famille, dit Frances. Dieu sait que mes enfants n’ont jamais été très portés à la plaisanterie.
– Hé, dit Ellington. Il y a beaucoup de gens qui me trouvent drôle ! Pas vrai, Mac ?
– Je ne sais pas, dit-elle. J’ai déjà rencontré l’un d’eux ? »
Il roula des yeux vers elle tandis que leurs mères riaient à leurs dépens. Kevin se joignit de nouveau à elles, continuant d’enfoncer ses mains dans le gâteau à la crème glacée avant d’en fourrer une partie dans sa bouche.
On dirait la quatrième dimension, pensa Mackenzie en voyant tout cet échange se dérouler. Leurs mères s’entendaient bien en fait. Et ce n’était pas forcé. D’accord, cela n’avait duré que quelques instants mais quelque chose là-dedans avait paru naturel. Quelque chose qui – mon dieu – lui paraissait bien.
Elle était sûre d’être en train de les fixer mais ne pouvait s’en empêcher. Et il est impossible de dire combien de temps elle aurait continué à faire ça si le téléphone n’avait pas sonné pour l’interrompre. Elle bondit sur cette occasion de s’éloigner de la table, se précipitant vers son téléphone posé sur le comptoir de la cuisine sans même se demander qui cela pouvait bien être.
Tout cela changea lorsqu’elle vit le nom de son patron, McGrath, sur l’écran d’appel. Il était plus de cinq heures de l’après-midi et à chaque fois que McGrath appelait à une heure pareille, cela signifiait généralement qu’elle allait avoir quelques journées bien chargées. Elle prit son téléphone et regarda en direction du vestibule et jusqu’à la salle à manger, espérant croiser le regard d’Ellington. Mais il était en train de discuter avec sa mère et d’enlever de la glace sur le visage et les mains de Kevin.
« Agent White à l’appareil, répondit-elle.
– Bonjour White. » La voix de McGrath était lugubre comme toujours. Il était difficile de jauger son humeur rien qu’avec ces deux mots. « Je crois que j’ai une affaire qui pourrait vous convenir comme un gant. Mais il s’agit plutôt d’une urgence. J’ai besoin que vous soyez prête ce soir et que vous soyez dans l’avion très tôt demain matin, direction l’Utah.
– Cela me convient mais pourquoi les agents de là-bas ne s’en chargent-ils pas ?
– Les circonstances sont particulières, je vous expliquerai ça quand vous serez dans mon bureau. Dans combien de temps Ellington et vous pouvez être ici ? »
Elle fut un peu déçue d’elle-même d’être si soulagée d’avoir une telle porte de sortie – une excuse valable pour s’éloigner de toute cette étrange atmosphère entre sa mère et Frances.
« Très rapidement en fait, dit-elle. Nous avons en quelque sorte une baby-sitter à domicile pour le moment.
– Excellent. Dans une demi-heure, ça vous va ?
– C’est parfait » dit-elle. Elle mit fin à l’appel puis, fixant toujours des yeux la salle à manger en essayant de donner du sens à tout cela, appela : « Hé, Ellington ? Tu peux venir une seconde ? »
Ce fut peut-être le ton de sa voix ou bien la simple déduction que personne ne leur téléphonait jamais si ce n’est les gens avec qui ils travaillaient mais Ellington vint aussitôt, un sourire plein d’expectative sur le visage.
« Le boulot ? demanda-t-il.
– Oui.
– Super, dit Ellington. Parce que franchement, quoiqu’il soit en train de se dérouler ici, c’est fichtrement bizarre.
– Je sais, hein ? »
Alors, comme pour leur donner raison, leurs deux