« Pourquoi ? » demanda Tammy, en se glissant à côté de sa plus jeune fille. Elle prit la cigarette du cendrier et en inspira une profonde bouffée.
« La voiture de Delores Manning a été retrouvée abandonnée avec deux pneus crevés sur la Route 14, tard hier soir. Personne ne l’a vue ou n’a eu de ses nouvelles depuis lors. Ni son agent, ni ses amis, personne. Nous espérions peut-être que vous sauriez où elle se trouve. »
Avant qu’Ellington n’ait eut fini de parler, Mackenzie eut réponse à la question en voyant l’air bouleversé du visage de Rita Manning.
« Oh mon dieu, » dit Rita. « Vous êtes sûrs que c’était sa voiture ? »
« Nous sommes certains, » dit Ellington. « Il y avait une caisse à moitié remplie de son dernier livre dans le coffre. Elle revenait d’une séance de dédicaces à Cedar Rapids. »
« Oui, » dit Rita. « Elle était… probablement en route pour venir ici. C’était ce qui était prévu. Vers minuit, comme elle n’était pas encore arrivée, j’ai pensé qu’elle avait sûrement décidé de rester quelque part dans un motel. »
« Vous aviez prévu qu’elle reste ici avec vous ? » demanda Mackenzie. Elle regarda Tammy en posant la question mais Tammy avait l’air plus intéressée par sa cigarette.
« En quelque sorte, » dit Tammy. « Elle m’a appelée la semaine dernière pour me dire qu’elle serait à Cedar Rapids. Elle a dit qu’elle voulait venir me rendre visite. J’en ai parlé à Rita et elle est arrivée ici hier, juste après le déjeuner. Pour faire une surprise. »
« J’ai conduit depuis l’université du Texas, » dit Rita.
« À quand remonte la dernière fois où vous avez parlé avec Delores ? » demanda Ellington à Rita.
« Il y a environ trois semaines. En général, on arrive toujours à garder le contact. »
« Dans quel état d’esprit se trouvait-elle la dernière fois où vous lui avez parlé ? » demanda Mackenzie.
« Oh, elle était au septième ciel. Elle venait juste de signer pour la publication de trois autres livres avec sa maison d’édition. On avait prévu de sortir en ville et d’aller fêter ça la prochaine fois qu’elle viendrait au Texas. »
« Vous êtes étudiante, c’est bien ça ? » demanda Ellington.
« Oui, en dernière année. »
« Madame Manning, » dit Mackenzie, en s’assurant que la mère sache que c’était bien à elle qu’elle s’adressait et non à sa fille, « si je peux me permettre, vous n’avez pas l’air trop tracassée par tout ça. »
Elle haussa les épaules, rejeta une bouffée de fumée et écrasa le mégot dans le cendrier surchargé. « J’imagine que quelqu’un du FBI sait mieux que moi la manière dont je devrais me sentir à ce sujet ? »
« Ce n’est pas ce que je viens de dire, madame, » dit Mackenzie.
« Écoutez… on parle de Delores, là. Elle a la tête solidement attachée aux épaules. Je suis sûre qu’elle a appelé un service de dépannage ou un truc dans le genre quand ses pneus ont crevé. Elle est probablement déjà à mi-chemin vers New York, à l’heure où on parle. À gagner de l’argent, à voyager dans le pays. Si elle avait des problèmes, elle aurait appelé. »
« Elle n’aurait pas été mal à l’aise d’appeler pour vous demander de l’aide ? »
Tammy réfléchit à la question durant un instant. « Probablement pas. Elle aurait demandé de l’aide, puis elle aurait fait un scandale si j’osais poser une seule question. Elle est comme ça. »
Le ressentiment dans sa voix était presqu’aussi palpable que la fumée dans l’air du minuscule mobilhome.
« Alors, vous n’avez aucune idée de l’endroit où elle pourrait se trouver ? » demanda Ellington.
« Aucune. Où qu’elle se trouve, elle n’a pas pris la peine de m’appeler pour m’en informer. Mais ce n’est pas vraiment une surprise. Elle ne me raconte jamais grand-chose. »
« Je vois, » dit Ellington. Il jeta un coup d’œil autour de lui en fronçant les sourcils. Mackenzie savait qu’il pensait exactement la même chose qu’elle : Ça a été une heure et dix minutes de perdues de trajet.
Mackenzie regarda en direction de Rita, un peu furieuse par le manque d’aide de la part de Tammy. « La police de Bent Creek est sur l’affaire, ainsi que les agents de deux bureaux. D’après ce qu’on sait, elle a disparu depuis environ vingt-neuf heures. Nous vous contacterons dès que nous apprenons quelque chose. »
Rita hocha la tête et murmura un « Merci. »
Tant Mackenzie qu’Ellington firent une pause, laissant à Tammy une chance d’ajouter quelque chose. Quand elle ne fit rien de plus qu’allumer une autre cigarette et tendre la main vers la télécommande posée sur la table du salon, Mackenzie se dirigea vers la porte.
Quand elle fut à l’extérieur, elle inspira profondément une bouffée d’air frais et se dirigea vers la voiture d’un pas décidé. Elle était déjà occupée à ouvrir la portière du côté passager quand Ellington arriva finalement au bas des escaliers.
« Ça va ? » lui demanda-t-il au moment où il s’approchait de la voiture.
« Ça va, » dit-elle. « C’est juste que je ne supporte pas les gens qui ne se tracassent pas un instant pour la sécurité de leur famille. »
Elle était sur le point d’entrer dans la voiture quand la porte d’entrée du mobilhome de Tammy Manning s’ouvrit. Ils regardèrent Rita descendre les escaliers en trottinant. Elle s’approcha de la voiture et laissa échapper un profond soupir.
« Oh mon dieu, je suis désolée pour tout ça, » dit-elle. Mackenzie remarqua que Rita avait l’air aussi de respirer plus librement maintenant qu’elle était à l’extérieur. « L’entente entre maman et Delores n’a pas été des meilleures depuis que papa est mort. Et puis Delores est devenue cet auteur prospère et on dirait que ça a presque vexé maman. »
« Ce n’est pas nécessaire que vous nous expliquiez, » dit Ellington. « On est confronté à ce genre de situations de temps à autre. »
« Soyez honnête avec moi… ce truc avec Delores… vous croyez qu’on va la retrouver ? Vous pensez qu’elle pourrait être morte quelque part ? »
« Il est trop tôt pour le dire, » dit Mackenzie.
« Est-ce qu’il y avait… y avait-il des traces d’acte criminel ? »
Mackenzie pensa au verre peint. Elle était presque certaine qu’elle avait encore un peu de peinture noire sous ses ongles. Mais il était bien trop tôt dans le cours des événements pour dévoiler une telle information à des membres de la famille – pas avant que davantage d’informations ne puissent être obtenues.
« À nouveau, on n’en est pas encore certain, » dit-elle.
Rita hocha la tête. « Merci de nous avoir informés. Si vous trouvez quoi que ce soit, appelez-moi directement. Oubliez maman pour l’instant. Je ne sais pas quel est son problème. Elle est juste… je ne sais pas. Une femme vieillissante qui subit les coups de la vie et qui ne prend pas la peine de se reprendre en main. »
Elle leur donna son numéro, puis remonta lentement les marches de l’escalier. Elle leur adressa un rapide signe d’au revoir au moment où Ellington sortit de la place de parking et se mit à retraverser le parc à mobilhomes.
« Alors qu’est-ce que tu en penses ? » demanda Ellington. « C’était une visite inutile ? »
« Non. Je pense que nous en savons