« Peut-être qu’elle a changé d’avis. »
« J’en doute. Mères et filles… quand elles s’éloignent l’une de l’autre… c’est dur. Delores n’aurait pas fait le geste d’appeler si c’était pour changer d’avis par la suite. »
« Tu analyses ça comme un psy, » dit Ellington. « C’est impressionnant. »
Mackenzie remarqua à peine le compliment. Elle pensait à sa propre mère – une femme avec laquelle elle n’avait plus parlé depuis très longtemps. C’était facile de mettre à rude épreuve une relation supposée être aussi essentielle dans la vie d’une femme. Elle en savait un rayon sur les mères qui abandonnaient leurs enfants, alors il était facile pour elle de s’identifier à Delores.
Elle se demanda si Delores Manning pensait à sa mère en ce moment désespéré. Bien sûr, ça c’était si Delores Manning était encore vivante.
CHAPITRE SIX
Mackenzie savait que le bureau local du FBI le plus proche de Bent Creek se trouvait à Omaha, au Nebraska. L’idée de retourner au Nebraska à titre officiel était intimidant mais en même temps, presqu’approprié. Elle fut néanmoins plus que soulagée quand Heideman les appela pour leur dire que la base d’opérations dans le cadre de cette affaire, serait le département local de police de Bent Creek.
Elle et Ellington y arrivèrent juste après dix-huit heures ce soir-là. Au moment où elle s’avança vers les portes d’entrée du commissariat avec Ellington, la sensation désagréable d’être une femme travaillant dans les forces de police du Midwest recommença à l’envahir. Elle le ressentait dans la manière presque misogyne qu’avaient certains hommes en uniforme de la regarder. Le fait qu’elle ne porte plus les mêmes vêtements et qu’elle n’ait plus le même badge, n’y avait apparemment rien changé. Les hommes allaient continuer à la voir comme un agent de classe inférieure.
La seule différence maintenant, c’était qu’elle n’avait plus à se préoccuper de vexer ou froisser des sensibilités. Elle était ici en tant qu’agent du FBI pour aider des forces de police inexpérimentées à trouver la personne qui kidnappait des femmes sur leurs routes de campagne. Elle n’allait pas être traitée de la même manière qu’elle l’avait été la dernière fois qu’elle avait travaillé dans le Midwest, en tant que détective pour la police du Nebraska.
Mais elle découvrit rapidement qu’une partie des appréhensions qu’elle avait eues au moment d’entrer dans le commissariat s’avéraient fausses. Peut-être que le changement de position et de statut, finalement, signifiait quelque chose. Quand ils furent accompagnés jusqu’à la salle principale de conférence, elle vit que la police locale avait commandé de la nourriture chinoise à leur attention. Elle était étalée sur un petit bar à l’arrière de la pièce, avec quelques boissons et des snacks.
Thorsson et Heideman étaient déjà occupés à profiter du diner gratuit, chargeant des portions de nouilles Lo mein et de poulet à l’orange sur leurs assiettes. Ellington haussa les épaules dans sa direction, l’air de lui demander ce qu’elle allait faire, et se dirigea également vers le bar. Elle fit de même pendant que quelques autres policiers entraient et sortaient de la pièce. Alors qu’elle était assise à la table de conférence avec une portion de poulet au sésame et de crabe rangoon, un des officiers qu’elle avait vus sur le côté de la Route 14 s’approcha d’elle et lui tendit la main. En voyant son badge, elle sut qu’il s’agissait là du shérif.
« Agent White, c’est bien ça ? » demanda-t-il.
« Oui. »
« Content de vous rencontrer. Je suis le shérif Bateman. J’ai entendu dire que vous êtes allée avec votre partenaire près de Sigourney pour parler à la mère de la victime la plus récente. Ça a donné des résultats ? »
« Rien. Juste une source potentielle d’informations à éliminer de la liste. Et une confirmation qu’on n’a pas affaire à une fille qui déciderait tout simplement de ne pas appeler sa mère dans le cas où ses projets changeaient. »
Visiblement déçu par la réponse, Bateman hocha la tête et se dirigea vers l’avant de la pièce où deux autres policiers étaient en pleine conversation.
Ellington prit place à côté de Mackenzie et ils dirigèrent leur attention vers l’avant de la salle. Un homme qui s’était présenté plus tôt comme étant l’adjoint Wickline, était occupé à accrocher des photos et des copies papier sur un tableau blanc à l’aide d’aimants, pendant qu’une policière – la seule femme présente dans la pièce – écrivait une série de remarques sur l’autre côté du tableau.
« On dirait qu’ils sont assez rigoureux dans leur boulot par ici, » dit Ellington.
Elle pensait la même chose. Elle avait supposé que ce serait une sorte de cirque à moitié bâclé, comme ça avait été le cas au sein de la police du Nebraska quand elle y travaillait. Mais jusqu’à présent, elle avait été impressionnée par la manière dont la police de Bent Creek avait organisé les choses.
Quelques minutes plus tard, le shérif Bateman s’approcha des policiers qui se tenaient près du tableau et accompagna deux officiers vers la porte. La femme policier resta dans la pièce et prit place autour de la table. Bateman ferma la porte et se dirigea vers l’avant de la salle. Il jeta un coup d’œil autour de lui, observant les quatre agents du FBI et les trois policiers qui étaient restés dans la pièce.
« Nous avons commandé à dîner car je n’ai aucune idée de combien de temps notre réunion va durer, » dit-il. « Nous ne sommes pas vraiment habitués à avoir la présence du FBI à Bent Creek, alors c’est assez nouveau pour moi. Agents, dites-moi s’il y a quoi que ce soit que nous puissions faire pour vous faciliter les choses. Pour l’instant, je vous laisse la parole. »
Il s’assit, et Ellington et Thorsson se regardèrent d’un air perplexe. Thorsson sourit et fit un geste en direction de l’avant de la salle, invitant les agents de Washington à prendre la parole.
Ellington donna un léger coup de coude à Mackenzie sous la table et dit : « L’agent White va résumer les informations dont nous disposons pour l’instant, ainsi que toutes les conclusions actuelles. »
Elle savait qu’il cherchait à la taquiner en la jetant ainsi dans la fosse aux lions, mais ça ne la dérangeait pas. En fait, quelque part au fond d’elle, elle avait envie de se retrouver à l’avant de la salle. Peut-être qu’il s’agissait là d’une sorte de fantasme enfantin de prendre sa revanche en revenant dans cette partie du pays et d’y diriger une salle de conférence d’une manière qu’on ne lui avait jamais accordée au Nebraska. Peu importe la raison, elle se dirigea vers l’avant de la salle et jeta un rapide coup d’œil au tableau qui reprenait les informations.
« Le travail effectué ici par vos policiers, » dit-elle, en désignant le tableau du doigt, « reprend l’essentiel de ce que nous savons. La première victime est une résidente de Bent Creek. Naomi Nyles, quarante-sept ans. Sa fille a rapporté sa disparition et personne ne l’a vue depuis deux semaines. Sa voiture a été retrouvée sur le côté de la route, apparemment en bon état. Je pense que les policiers de ce commissariat ont pu démarrer la voiture sans problèmes et la ramener jusqu’ici. »
« C’est bien ça, » dit l’adjoint Wickline. « De fait, la voiture se trouve toujours à la fourrière. »
« La deuxième personne disparue est Crystal Hall, vingt-six ans. Elle travaille pour Wrangler Beef à Des Moines, qui a confirmé qu’elle était venue ici pour visiter une exploitation bovine tout près de Bent Creek. Le propriétaire de l’exploitation confirme que Crystal est venue à la réunion