Gutenberg. Figuier Louis. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Figuier Louis
Издательство: Public Domain
Серия:
Жанр произведения: Драматургия
Год издания: 0
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a longtemps examiné les feuillets gravés qui sont exposés à la devanture et dans la boutique du père Grimmel; et c'est à ce sujet, je crois, qu'il désire vous parler.

GUTENBERG

      Eh bien, va dire au seigneur Fust que je suis fort honoré de sa visite, et tout à ses ordres.

      Friélo sort par la boutique du marchand d'estampes.

      SCÈNE VIII

      GUTENBERG, FRIÉLO, puis FUST

GUTENBERG, à part

      Que peut avoir à demander le riche financier au pauvre orfèvre?

FRIÉLO, revenant de la boutique du marchand d'estampes

      Voici le seigneur Fust.

FUST, sortant du la boutique du marchand d'estampes, quelques feuillets à la main, à part7

      C'est une chose vraiment merveilleuse que d'avoir pu contrefaire ainsi des manuscrits! Que de florins à gagner avec une pareille découverte! Si je pouvais décider l'inventeur à me dire son secret! Il est jeune, il est pauvre… j'en aurai facilement raison, (Haut, à Gutenberg.) C'est vous, jeune homme, qui avez gravé ces feuillets?

GUTENBERG

      Oui, messire.

FRIÉLO, à part

      Le vilain museau! On dirait une fouine!

FUST

      Mais avez-vous pensé au danger que vous pouvez courir en essayant d'imiter les manuscrits?

GUTENBERG

      À quel danger, messire?

FUST

      Au plus grand de tous, à une accusation de sorcellerie.

GUTENBERG

      De sorcellerie? Par exemple!…

FUST

      Ceci est plus sérieux que vous ne le pensez, jeune homme. Il est certain qu'en ce moment, les copistes de Mayence fomentent contre vous un complot. Ils prétendent que vous avez fait là œuvre de sorcellerie. Et je viens, en ami, vous engager à ne pas continuer des travaux, qui ne pourraient que vous devenir funestes.

GUTENBERG

      Je vous remercie, messire Fust, de l'intérêt que vous me témoignez; mais espoir, fortune avenir, tout, pour moi, réside dans l'invention dont vous tenez les premiers essais. Rien ne pourra m'obliger à abandonner des travaux qui feront la gloire de ma vie.

FUST

      Réfléchissez, jeune homme! Une accusation de sorcellerie est chose bien grave!… Dans les temps où nous vivons, c'est quelquefois s'exposer à de grands périls que de lancer une idée nouvelle.

GUTENBERG

      Blâmeriez-vous une œuvre qui doit être un des plus grands bienfaits accordés à l'humanité?

FUST

      Nullement!… Aussi suis-je venu vous faire une proposition, qui comblera tous vos vœux.

GUTENBERG

      Ah!

FUST

      Je vous l'ai dit, les bourgeois de Mayence sont mal disposés contre vous. Ils s'inquiètent d'une invention qui leur paraît avoir un certain caractère magique. Seul, inconnu et sans fortune, vous ne pourrez lutter contre les préjugés populaires, et votre invention périra.

GUTENBERG

      Et moi je vous dis qu'elle vivra, messire Fust!

FUST

      Oui, si elle est patronnée par un homme dont le renom, la position et le crédit, la mettent à l'abri de tout soupçon… Dites un mot et je suis cet homme. Vous avez l'idée, j'ai l'expérience.... et l'argent. À nous deux, nous réaliserons une œuvre qui, sans mon appui, ne verrait jamais le jour!

FRIÉLO, à part

      Ma foi, l'esprit du vieux renard vaut mieux que son visage. (À Gutenberg.) Acceptez, mon cher maître, et votre fortune est faite. Le seigneur Fust est si riche!

FUST

      Eh bien! vous ne répondez rien? Vous ne me prenez pas au mot?

GUTENBERG

      Je regrette de si mal accueillir une ouverture, qui m'honore, messire argentier; mais je n'ai besoin du secours de personne. Si la jeunesse n'a ni renom, ni crédit, elle a, du moins, le courage et la foi, c'est-à-dire, les leviers qui soulèvent le monde. Excusez-moi donc si je refuse votre offre généreuse.

FUST

      Voilà bien la jeunesse! orgueilleuse, enthousiaste, et ne doutant de rien! Vous ne penserez pas toujours de même. L'illusion, c'est par là que commencent tous les inventeurs; mais bientôt arrivent les difficultés, les mécomptes et le découragement. Un jour viendra où vous regretterez amèrement votre refus, et où vous me supplierez de vous accorder l'aide, la protection que vous repoussez aujourd'hui.

FRIÉLO, à Gutenberg

      Ah! cher maître! mieux vaut tout de suite que plus tard. Je vous en conjure, écoutez les conseils du seigneur Fust: ce sont ceux de la raison.

GUTENBERG

      Ma découverte m'est plus précieuse que la vie, messire. Je ne la divulguerai à personne.

      Jeu de scène de Friélo, qui supplie son maître d'accepter. Gutenberg, impatienté, lui fait signe de sortir.

FUST, à part

      Je veux ton secret, je l'aurai… je l'aurai à tout prix! (Haut, il remonte.) Au revoir, Jean Gutenberg, au revoir.

      Il le salue et sort par la droite, deuxième plan.—Friélo sort par la gauche, sur un nouveau signe de Gutenberg.

      SCÈNE IX

GUTENBERG, seul

      Les voilà bien ces hommes d'argent! Tout est pour eux une question de lucre, de calculs et de bénéfice! Ils découragent, ils désespèrent l'artiste, pour s'emparer de sa création, ou pour la payer moins cher! (Étendant le bras du côté où est sorti Fust.) Non, jamais, entends-tu, jamais, tu ne toucheras à mon œuvre! Plutôt la voir périr que de te la confier!

      SCÈNE X

      GUTENBERG, CONRAD HUMMER, ANDRÉ DRITZEN

      Conrad et Dritzen entrent par le fond gauche, et regardent Gutenberg8.

CONRAD HUMMER

      Qu'as-tu donc, Gutenberg? Te voilà tout agité.

      Il serre la main de Gutenberg.

GUTENBERG

      C'est que je viens d'avoir un entretien, et presque une altercation, avec l'argentier Fust.

ANDRÉ DRITZEN

      L'argentier Fust! Méfie-toi de cet homme. Il est capable de tout, pour arriver à ses fins.

GUTENBERG

      Il est sorti furieux, parce que j'ai refusé de le prendre pour associé.

CONRAD HUMMER

      Il ne veut, crois-le bien, le secret de ton invention que pour t'en déposséder plus tard.

GUTENBERG

      Ce secret est bien simple, mes amis: et ce n'est pas avec vous que j'en ferai mystère. Ce que j'obtiens n'est encore qu'une ébauche, mais elle va m'amener à d'autres résultats. Vous savez que depuis assez longtemps, nos artistes obtiennent des gravures, en sculptant en relief des dessins sur le bois. C'est ainsi que j'opère. Seulement, au lieu de sculpter en relief, sur le bois, les traits du dessin, je sculpte des lettres, des mots, des phrases; et ces caractères, sculptés en relief sur le bois, forment des pages de manuscrit, que je multiplie ensuite, à volonté, en les tirant sur le papier, grâce à l'encre des graveurs, et à la vieille presse qui sert aux imagiers.

CONRAD HUMMER

      C'est une très belle idée, mais tout dépend de la manière d'opérer… Consentirais-tu à nous montrer ton travail?

GUTENBERG

      Mais certainement! Suivez-moi, mes amis, dans mon atelier. (Il passe devant Conrad, ouvre la porte de la boutique et les fait entrer.) Je vais vous montrer mes chefs-d'œuvre.

      Il entre derrière eux, dans la boutique.

      SCÈNE XI

      ZUM, LE PETIT ZUM, ils ont, chacun, une longue plume derrière l'oreille.

      La


<p>7</p>

Friélo, Gutenberg, Fust.

<p>8</p>

Conrad, Gutenberg, Dritzen.