Gutenberg. Figuier Louis. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Figuier Louis
Издательство: Public Domain
Серия:
Жанр произведения: Драматургия
Год издания: 0
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servira mes projets. Enfant, je partageais sa joie et ses chagrins; femme, je partagerai ses travaux et sa gloire.

      SCÈNE V

      HÉBÈLE, sortant de la boutique d'orfèvre; ANNETTE

ANNETTE, à Hébèle, qui a traversé la scène, d'un air pensif4

      Comme te voilà pensive et préoccupée, Hébèle!

HÉBÈLE

      C'est que j'ai à te faire une communication grave.

ANNETTE

      Une communication grave?… Et de la part de qui?

HÉBÈLE

      De la part de mon frère, de ton fiancé.

ANNETTE

      Ah!

HÉBÈLE

      Mon frère veut partir, il veut quitter Mayence.

ANNETTE

      Partir? et pourquoi?

HÉBÈLE

      Il a résolu de consacrer sa vie à la création d'un art utile à l'humanité, et il te prie de lui rendre sa liberté.

ANNETTE

      Que dis-tu?

HÉBÈLE

      L'amour tient peu de place dans le cœur d'un homme absorbé par le travail et l'étude. Que pourrait t'offrir mon frère, dans la vie de labeur et de mécomptes qui l'attend!… (Elle lui prend la main.) Je t'afflige, ma bonne Annette, mais je serais coupable de te laisser un espoir, que je n'ai plus.

ANNETTE

      Depuis que je me connais, Hébèle, je me regarde comme l'épouse de Jean. N'a-t-il pas mis à mon doigt l'anneau des fiançailles?… Tu le sais, de pareils serments sont sacrés. Pourquoi serait-il parjure? Je suis jeune et noble. Ai-je cessé d'être honnête? (Mouvement d'Hébèle.) Si je tire quelque vanité des biens que la providence m'a accordés, c'est parce qu'il m'est permis de les offrir à celui que j'aime. Oui, Hébèle, j'aime ton frère, et rien ne me fera renoncer à lui.

HÉBÈLE

      Il est des occasions où les femmes doivent sacrifier leur bonheur à la gloire de ceux qu'elles aiment. Cède à notre prière, Annette; et rends à mon frère une liberté, sans laquelle il ne pourra réaliser ses projets.

ANNETTE

      Et pourquoi mon influence serait-elle contraire à son avenir? Pourquoi ma présence, mon aide et mes encouragements, ne lui seraient-ils pas salutaires? Le devoir d'une femme n'est pas d'abandonner celui qu'elle aime aux difficultés de la vie, mais de lutter à côté de lui, avec lui, contre l'adversité. Si Gutenberg est appelé à la gloire, il l'est aussi à la souffrance, et je veux être l'appui, la consolation, la tendresse, que son cœur réclamera dans les moments de doute et de défaillance.

HÉBÈLE

      Le sacrifice, chère Annette, n'est-il pas aussi de l'amour?… Mais voici Gutenberg. Je voulais seulement te préparer à l'entendre. Je te quitte. (Fausse sortie.) Mon frère t'expliquera mieux que moi les motifs de son départ.

      Elle sort par le fond, droite.

      SCÈNE VI

      ANNETTE, puis GUTENBERG5

ANNETTE, reste un moment pensive, puis, avec résolution

      Non, personne ne m'enlèvera le cœur de Gutenberg. Mais le voici… du calme! (À Gutenberg, qui sort de la boutique d'orfèvre.) D'après ce qu'Hébèle vient de me dire, tu comptes quitter bientôt Mayence?

GUTENBERG

      Ah!… Hébèle t'a appris ma résolution, mes projets…

ANNETTE

      Et ta fiancée, Jean? Le temps où tu jurais de me prendre pour femme, est-il déjà si loin de ton souvenir? As-tu oublié la Pâques-Fleurie de 1437? C'était la foire de Mayence. Tu m'achetas une bague d'argent, en me disant: «Ennel, voilà l'anneau des fiançailles. Je le remplacerai bientôt par l'anneau d'or du mariage.» Trois ans se sont écoulés, et tu ne m'as plus donné le doux surnom d'Ennel!… Tu pars, et tu ne parles plus de m'épouser.

GUTENBERG

      Tu sais bien, Annette, qu'une ambition généreuse fait maintenant battre mon cœur. Tu sais que je ne suis plus libre, que j'ai juré de me vouer, corps et âme, à mon art… Oublions nos rêves d'enfance.

ANNETTE

      Oublier, dis-tu? La fleur oublie-t-elle la rosée qui la désaltère, l'oiseau le nid qui lui sert de refuge, et l'homme le soleil qui l'éclaire? Nous ne pouvons davantage oublier notre amour; car il a rafraîchi nos cœurs, abrité nos jeunes ans, et porté la lumière en nos âmes. Tes serments t'ont lié à ma vie, et tu ne saurais les renier sans nous léguer, à toi la honte, à moi le désespoir.

GUTENBERG

      Nous devons nous incliner sous la fatalité qui nous sépare. Pour atteindre le but auquel j'aspire, il me faut résister à la voix de l'amour. Épargne donc à mon cœur le regret d'un parjure.

ANNETTE

      Je suis prête à m'immoler à ta gloire. Pars, puisque tu le veux. Je ne retiendrai pas le noble élan qui te pousse vers une destinée inconnue. Mais avant de t'engager dans une voie nouvelle, ne veux-tu pas me dire, une fois encore, ce que tu m'as répété si souvent?

GUTENBERG

      Que désires-tu, Annette? Parle. Si c'est en mon pouvoir, je te l'accorderai sur-le-champ.

ANNETTE

      Ce que je désire est bien simple, Jean. Donne-moi par écrit la promesse de m'épouser, que tu me fis il y a cinq ans… (Mouvement de Gutenberg.) Tu ne réponds rien!… Hésiterais-tu à ratifier avec la plume un serment fait avec le cœur?

GUTENBERG

      Ma vie s'annonce trop aventureuse pour que j'ose t'enchaîner à mon avenir. En vérité, je ne puis t'accorder ce que tu me demandes.

ANNETTE

      Une autre te reprocherait tes serments et ton abandon; une autre te poursuivrait de ses lamentations et de son ressentiment. Je ne te demande, moi, que quelques lignes de ta main!… (Jean regarde Annette, fait quelques pas, hésite et revient.) Auras-tu la cruauté de refuser cette consolation à celle dont ton départ va briser le cœur, à celle qui avait mis en toi son espoir et sa vie?…

GUTENBERG

      Tout engagement est sacré. Je ne puis faire une promesse que je ne saurais tenir.

ANNETTE

      C'est ton honneur qui est ici en jeu. L'homme n'est véritablement libre que par le devoir accompli. Mets-toi donc en règle avec le passé, pour que le ciel bénisse tes efforts à venir. Tu veux devenir un homme illustre: commence par être un honnête homme!…

GUTENBERG

      Allons! qu'il soit fait selon ton désir.

      Il entre dans la maison.

ANNETTE, haletante, ne le perd pas de vue

      Enfin!… Dieu soit loué! Je n'avais pas trop présumé de son cœur! Je n'aurai pas invoqué en vain les souvenirs de notre enfance!

GUTENBERG, revient, avec un parchemin, qu'il remet à Annette

      Voici la promesse de mariage que tu désires, Annette. Puissions-nous n'avoir à nous repentir jamais, toi de l'avoir exigée, moi de te l'avoir accordée!

ANNETTE, mettant le parchemin dans son escarcelle, après l'avoir lu

      Maintenant, je puis te dire adieu. Pars, je me considère comme ta femme. De loin mon cœur suivra le tien; il ressentira tes joies et tes souffrances… Adieu!

      Elle sort par la droite, deuxième plan.

      SCÈNE VII

      GUTENBERG, seul, puis FRIÉLO

GUTENBERG6

      C'est peut-être une imprudence que j'ai commise, mais je n'ai pu résister à ses larmes, à sa douleur. Enfin, chassons ces tristes pensées. (À Friélo.) Que veux-tu, Friélo?

FRIÉLO, sortant de la boutique du marchand d'estampes

      Maître, le seigneur Fust, l'argentier, est en ce moment dans la boutique du père Grimmel, le marchand d'estampes, et il demande à vous voir.

GUTENBERG

      Que


<p>4</p>

Annette, Hébèle.

<p>5</p>

Gutenberg, Hébèle.

<p>6</p>

Gutenberg, Friélo.