Nous ne savons pas: il avait des ailes, c'est ce que nous savons.
Il fallait absolument envoyer des péripoles à sa poursuite!
Mais nous avons envoyé trente mille éperviers comme archers à cheval; toute la gent aux ongles crochus s'est mise en campagne, crécerelle, buse, vautour, chouette, aigle; leur élan, leurs ailes, leurs battements agitent l'air, à la recherche du dieu. Il n'est pas bien loin, il doit être près d'ici.
Il faut donc prendre les frondes et les flèches: que tout serviteur soit ici! Vise, frappe! Donne-moi une fronde.
Une guerre éclate, guerre indicible, entre moi et les dieux. Que tout le monde garde l'air nuageux, fils de l'Érébos, pour qu'aucun dieu ne le traverse à mon insu; que chacun ait l'oeil au guet à l'entour. Comme s'il planait près d'ici un génie aérien, un bruit d'ailes se fait entendre.
Holà! toi, où, où, où voles-tu? Reste tranquille, ne bouge pas, demeure ici: suspends ta course. Qui es-tu? D'où viens-tu? Dis tout de suite d'où part ton essor.
Je viens de chez les dieux de l'Olympos.
Quel est ton nom? Navire ou Casquette?
Iris la rapide.
Paralienne ou Salaminienne?
Qu'est-ce cela?
Est-ce qu'il n'y a pas là, pour la saisir, une buse ailée?
Me saisir? Qu'est-ce donc que cette indignité?
Tu pousseras de grands soupirs.
C'est quelque chose d'inimaginable.
Par quelles portes as-tu franchi la muraille, misérable?
Mais je ne sais pas, de par Zeus! par quelles portes.
Tu l'entends, comme elle raille. T'es-tu présentée aux officiers des geais? Tu ne dis rien? Avais-tu un cachet scellé par les cigognes?
Qu'est-ce que cette absurdité?
Tu n'en avais pas?
Es-tu dans ton bon sens?
Aucun sauf-conduit ne t'a été donné par un chef des oiseaux?
De par Zeus! pas un seul ne m'en a donné, pauvre fou.
Et c'est comme cela que tu prends ton vol en silence au travers d'une ville étrangère et de l'espace?
Et par quelle autre route doivent voler les dieux?
De par Zeus! je ne sais pas, moi; mais par celle-là, non.
Tu me manques d'égards, maintenant.
Sais-tu que jamais aucune Iris n'aurait été plus justement mise à mort, si l'on te traitait comme tu mérites!
Mais je suis immortelle.
Tu n'en mourrais pas moins. Ce serait, à mon avis, user avec nous d'un procédé des plus étranges, si, quand le reste nous obéit, vous autres dieux vous faisiez les insolents, et ne compreniez pas qu'il vous faut céder, à votre tour, aux plus forts. Mais, dis-moi, où diriges-tu ta navigation aérienne?
Moi? Je vole vers les hommes, de la part de mon père, pour leur dire de sacrifier aux dieux de l'Olympos, d'immoler brebis et boeufs sur les autels, et de remplir les rues de fumée.
Que dis-tu? A quels dieux?
A quels dieux? A nous, les dieux du ciel.
Vous êtes des dieux?
Y a-t-il quelque autre dieu?
Les oiseaux sont aujourd'hui des dieux pour les hommes: c'est à eux qu'il faut sacrifier, et non à Zeus, de par Zeus!
Insensé, insensé, n'excite pas le courroux terrible des dieux, de peur que la Justice, armée de la cognée de Zeus, n'extermine toute race, et que la flamme ne brûle ton corps et les portiques de tes demeures des mêmes traits que Lykimnios.
Écoute toi-même: cesse ces criailleries: sois tranquille. Voyons, me prends-tu pour un Lydien ou un Phrygien, et penses-tu m'épouvanter avec tes grands mots? Sais-tu que, si Zeus m'ennuie encore, je me jette sur ses palais et sur la demeure d'Amphiôn, avec les aigles porte-feu, et je réduis tout en cendres; puis je détacherai dans le ciel, contre lui, des porphyrions revêtus de peaux de léopard, au nombre de plus de six cents. Un seul porphyrion lui donna, jadis, tant de mal! Quant à toi, sa messagère, si tu me causes quelque ennui, je commence par t'étendre les jambes en l'air, tout Iris que tu es, puis je t'ouvre les cuisses et tu seras étonnée comment un homme si vieux renouvelle, trois fois de suite, son assaut.
Puisses-tu crever, imbécile, avec un pareil langage!
Ne vas-tu pas te sauver? Décampe vite! Gare les coups!
Si mon père ne met pas fin à tes insultes…
Ah, mais! Est-ce que tu ne t'envoles pas ailleurs en foudroyer de plus novices?
Nous défendons aux dieux, issus de Zeus, de traverser désormais notre ville, et aux mortels de leur envoyer par ici la fumée.
Il est étrange que le héraut envoyé par nous aux mortels ne soit pas encore de retour.
O Pisthétæros, ô le fortuné, ô le très sage, ô le très illustre, ô le très sage, ô le très charmant, ô le trois fois heureux, ô… souffle-moi donc.
Que dis-tu?
D'une couronne d'or, pour ta sagesse, te couronnent et t'honorent tous les peuples.
Je l'accepte. Et pourquoi les peuples me font-ils cet honneur?
O fondateur d'une très illustre ville aérienne, tu ne sais pas quelle vénération elle te procure parmi les hommes, et combien tu as de gens passionnés pour ce pays. En effet, avant que tu eusses fondé cette ville, tous les hommes avaient alors la lakonomanie, on laissait croître les cheveux, on jeûnait, on était sale, on sokratisait, on portait des bâtons; aujourd'hui on a changé de mode, on a l'ornithomanie, on se plaît à faire tout à l'instar des oiseaux: et d'abord, dès la pointe du jour, tout le monde déniche, comme nous, pour aller à la pâture; puis on vole droit aux affiches, on y dévore les décrets. L'ornithomanie est si forte, qu'un grand nombre d'entre eux ont pris des noms d'oiseaux. Perdrix est le nom d'un marchand de vin boiteux; Ménippos s'appelle hirondelle; Opontios le borgne, corbeau; Philoklès, alouette; Théagénès, oie-renard; Lykourgos, ibis; Kæréphôn, chauve-souris; Syrakosios, pie; Midias, caille; et c'est bien son nom, car il ressemble à une caille frappée d'un rude coup sur la tête. Tous, dans leur passion pour les oiseaux, se mettent à gazouiller des chansons, où il est question d'hirondelle, de sarcelle, d'oie, de colombe, et puis des ailes ou, pour le moins, un peu de plumes: voilà ce qui se passe là-bas. Je ne te dis plus qu'une chose, c'est que plus de dix milliers d'hommes viennent de là-bas ici te demander des plumes et des serres recourbées;