Le Capitaine Aréna — Tome 2. Dumas Alexandre. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Dumas Alexandre
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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glissa le long de sa carène, et le speronare, versant comme une voiture à laquelle deux roues manqueraient à la fois du même côté, nous envoya tous, danseurs, musiciens et assistants, rouler pêle-mêle sur le sable!

      Il y eut un instant d'effroi et de confusion impossible à décrire; chacun se releva et se mit à fuir de son côté, sans savoir où. Quant à moi, n'ayant plus aucune idée, grâce à la culbute que je venais de faire, de la topographie du terrain, je m'en allais droit dans la mer, quand une main me saisit et m'arrêta. Je me retournai, c'était le pilote.

      — Où allez-vous, excellence? me dit-il.

      — Ma foi! pilote, je n'en sais rien. Allez-vous quelque part? Je vais avec vous, ça m'est égal.

      — Nous n'avons nulle part à aller, excellence; et ce que nous pouvons foire de mieux, c'est d'attendre.

      — Eh bien! dit Jadin en arrivant à son tour tout en crachant le sable qu'il avait dans la bouche, en voilà une de cabriole!

      — Vous n'avez rien? lui demandai-je.

      — Moi, rien du tout; je suis tombé sur Milord que j'ai manqué étouffer, voilà tout. Ce pauvre Milord, continua Jadin en adressant la parole à son chien de son fausset le plus agréable, il a donc sauvé la vie à son maître. Milord se ramassa sur lui-même et agita vivement sa queue en témoignage du plaisir qu'il éprouvait d'avoir accompli sans s'en douter une si belle action.

      — Mais enfin, demandai-je, qu'y a-t-il? qu'est-il arrivé?

      — Il est arrivé, dit Jadin en haussant les épaules, que ces imbéciles-là ont mal assuré les pieux, et qu'un des supports ayant manqué, le speronare à fait comme quand Milord secoue ses puces.

      — C'est-à-dire, reprit le pilote, que c'est la terre qui a secoué les siennes.

      — Comment?

      — Écoutez ce qu'ils crient tous en se sauvant.

      Je me retournai vers le village, et je vis nos convives qui couraient comme des fous en criant: Terre moto, terre moto!

      — Qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que c'est un tremblement de terre? demandai-je.

      — Ni plus ni moins, dit le pilote.

      — Parole d'honneur? fit Jadin.

      — Parole d'honneur, reprit Nunzio.

      — Eh bien! pilote, touchez-là, dit Jadin, je suis enchanté.

      — De quoi? demanda gravement Nunzio.

      — D'avoir joui d'un tremblement de terre. Tiens! est-ce que vous croyez que ça se rencontre tous les dimanches, vous? Ce pauvre Milord, il aura donc vu des tempêtes, il aura donc vu des volcans, il aura donc vu des tremblements de terre; il aura donc tout vu!

      Je me mis à rire malgré moi.

      — Oui, oui, dit le pilote, riez; vous autres, Français, je sais bien que vous riez de tout. Ça n'empêche pas que dans ce moment-ci la moitié de la Calabre est peut-être sens dessus dessous. Ce n'est pas qu'il y ait grand mal; mais enfin, tout Calabrais qu'ils sont, ce sont des hommes.

      — Comment, pilote! demandai-je, vous croyez que pour cette petite secouée que nous avons ressentie...

      — Le mouvement allait du nord au midi, voyez-vous, excellence; et nous, justement, nous sommes à l'extrémité de la botte, et par conséquent nous n'avons pas ressenti grand'chose; mais du côté de Nicastro et de Cosenza, c'est là qu'il doit y avoir eu le plus d'œufs cassés; sans compter que nous ne sommes probablement pas au bout.

      — Ah! ah! dit Jadin, vous croyez que nous allons avoir encore de l'agrément? Alors bon, bon. En ce cas, fumons une pipe.

      Et il se mit à battre le briquet, en attendant une seconde secousse.

      Mais nous attendîmes inutilement: la seconde secousse ne vint pas, et au bout de dix minutes notre équipage, qui dans le premier moment s'était éparpillé de tous les côtés, était réuni autour de nous: personne n'était blessé, à l'exception de Giovanni qui s'était foulé le poignet, et de Pietro qui prétendait s'être donné une entorse.

      — Eh bien! dit le capitaine, voyons, pilote, que faut-il faire maintenant?

      — Oh! mon Dieu! capitaine, pas grand'chose, répondit le vieux prophète: remettre le speronare sur sa pauvre quille, attendu que je crois que c'est fini pour le moment.

      — Allons, enfants, dit le capitaine, à l'ouvrage! Puis, se retournant de notre côté: — Si leurs excellences avaient la bonté ... ajouta-t-il.

      — De quoi faire, capitaine, dites?

      — De nous donner un coup de main; nous ne serons pas trop de tous tant que nous sommes pour en venir à notre honneur; attendu que ces fainéants de Calabrais, c'est bon à boire, à manger et à danser; mais pour le travail il ne faut pas compter dessus. Voyez s'il en reste un seul!

      Effectivement, le rivage était complètement désert: hommes, femmes et enfants, tout avait disparu; ce qui, du reste, me paraissait assez naturel pour qu'on ne s'en formalisât point.

      Quoique réduits à nos propres forces, nous n'en parvînmes pas moins, grâce à un mécanisme fort ingénieux inventé par le pilote, à remettre le bâtiment dans une ligne parfaitement verticale. Le pieu qui avait glissé fut rétabli en son lieu et place, l'échelle appliquée de nouveau à bâbord, et au bout d'une heure à peu près tout était aussi propre et aussi en ordre à bord du speronare que si rien d'extraordinaire ne s'était passé.

      La nuit s'écoula sans accident aucun.

      CHAPITRE XI.

      TÉRENCE LE TAILLEUR

      Le lendemain, à six heures du matin, nous vîmes arriver le guide et les deux mulets que nous avions fait demander la veille. Aucun dommage important n'était arrivé dans le village; trois ou quatre cheminées étaient tombées, voilà tout.

      Nous convînmes alors de nos faits avec le capitaine: il nous fallait trois jours pour aller par terre au Pizzo. En supposant que le vent changeât, il lui fallait, à lui, douze ou quinze heures: il fut convenu que s'il arrivait le premier au rendez-vous il nous attendrait jusqu'à ce que nous parussions; si nous arrivions au contraire avant lui, nous devions l'attendre deux jours; puis si, ces deux jours écoulés, il n'avait point paru, nous lui laissions une lettre dans la principale auberge de la ville, et nous lui indiquions un nouveau rendez-vous.

      Ce point essentiel convenu, sur l'invitation du capitaine d'emporter avec nous le moins d'argent possible, nous prîmes chacun six ou huit louis seulement, laissant le reste de notre trésor sous la garde de l'équipage; et, munis cette fois de nos passe-ports parfaitement en règle, nous enfourchâmes nos montures et prîmes congé de nos matelots, qui nous promirent de nous recommander tous les soirs à Dieu dans leurs prières. Quant à nous, nous leur enjoignîmes de partir au premier souffle de vent; ils s'y engagèrent sur leur parole, nous baisèrent une dernière fois les mains, et nous nous séparâmes.

      Nous suivions pour aller à Scylla la route déjà parcourue, et sur laquelle par conséquent nous n'avions aucune observation à faire; mais comme notre guide était forcé de marcher à pied, attendu qu'après nous avoir promis d'amener trois mulets il n'en avait amené que deux, espérant que nous n'en payerions ni plus ni moins les trois piastres convenues par chaque jour, nous ne pouvions aller qu'un train très-ordinaire; encore en arrivant à Scylla nous déclara-t-il que, ses mulets n'ayant point mangé avant leur départ, il était de toute urgence qu'il les fît déjeuner avant d'aller plus loin. Cela amena un éclaircissement tout naturel: j'avais entendu que la nourriture, comme toujours, serait au compte du muletier, et lui au contraire prétendait avoir entendu que la nourriture de ses mulets serait au compte de ses voyageurs. La chose n'était point portée sur le papier; mais, comme heureusement il y avait sur le papier que le guide