Je la retins.
– Je vous jure, m'écriai-je, que vous ne partirez pas, que vous attendrez M. de Valvèdre ici, et que vous mènerez à bien un projet qui n'a rien que de légitime et de raisonnable. Je vous jure que Moserwald, s'il ne part pas, n'osera plus lever les yeux sur vous, car Obernay et moi l'en empêcherons. Nous en avons le droit, puisque Obernay va devenir votre beau-frère, et que je suis son alter ego, vous l'avez dit. Notre devoir est donc de vous défendre et de ne pas même souffrir qu'on vous importune. Je vous jure enfin qu'Henri ne prendra pas obstinément le parti d'une autre personne qui vous déplaît et qui ne peut pas avoir raison contre vous. Henri aime ardemment sa fiancée, je ne crois pas à la patience qu'il affecte; de grâce, madame, croyez en nous, croyez en moi: je comprends l'honneur que vous venez de me faire eu me parlant comme à quelqu'un de votre famille, et, dès ce jour, je vous suis dévoué jusqu'à la mort.
La chaleur de mon zèle ne parut pas effrayer madame de Valvèdre: elle avait pleuré, elle était brisée; elle sembla se laisser aller instinctivement au besoin de se fier à un ami. Je ne comprenais pas, moi, qu'une femme si ravissante, si fière et si douce en même temps, fût isolée dans la vie à ce point d'avoir besoin de la protection d'un enfant qu'elle voyait pour la première fois. J'en étais surpris, indigné contre son mari et sa famille, mais follement heureux pour mon compte.
En la quittant, je me rendis chez Moserwald.
– Eh bien, lui dis-je, où en sommes-nous? Nous battrons-nous?
– Ah! vous arrivez en fier-à-bras, répondit-il, parce que vous croyez peut-être que je reculerais? Vous vous trompez, mon cher, je sais me battre et je me bats quand il le faut. J'ai eu trop d'aventures de femmes pour ne pas savoir qu'il faut être brave à l'occasion; mais il n'y a pas ici de motif suffisant, et je ne suis pas en colère. J'ai du chagrin, voilà tout. Consolez-moi, ce sera beaucoup plus humain et plus sage.
– Vous voulez que je vous console?
– Oui, vous le pouvez; dites-moi que vous n'êtes pas son amant, et je garderai l'espérance.
– Son amant! quand je l'ai vue hier pour la première fois! Mais pour quelle femme la prenez-vous donc, esprit corrompu et salissant que vous êtes?
– Vous me dites des injures; vous êtes amoureux d'elle! Oui, oui, c'est clair. Vous vous êtes moqué de moi; vous m'avez dit que vous la trouviez laide, vous m'avez offert de me servir… et j'ai donné dans le panneau. Àh! comme l'amour rend bête! Vous, cela vous a donné de l'esprit: c'est la preuve que vous aimez moins que moi!
– Vous avez la prétention d'aimer, vous qui ne connaissez que les voies de l'infamie, et qui croyez pouvoir acheter l'amour?
– Voilà vos exagérations, et je m'étonne qu'un garçon aussi intelligent que vous comprenne si mal la réalité. Comment! c'est outrager une femme que de la combler de présents et de richesses sans lui rien demander?
– Mais on connaît cette manière de ne rien demander, mon cher! Elle est à l'usage de tous les nababs impertinents, elle constate une confiance intérieure, une attente tranquille et perfide dont une femme d'honneur doit s'indigner. C'est une manière de placer un capital sur la certitude d'un plaisir personnel et sur l'inévitable lâcheté de la personne séduite: beau désintéressement en vérité, et, si j'étais femme, j'en serais singulièrement touchée!
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