Les chasseurs de chevelures. Reid Mayne. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Reid Mayne
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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avec douceur.

      – Pourquoi? Elle est rouge, elle est rouge de sang. Retirez-vous, monsieur, retirez-vous!

      Il arreta sur moi un regard rempli de douleur dans lequel on n'apercevait aucun symptome de colere; il retira sa main sous les plis de sa manga, et, poussant un profond soupir, se retourna et sortit lentement de la chambre. Saint-Vrain, qui etait revenu sur la fin de cette scene, courut vers la porte, et le suivit des yeux. Je pus, de la place ou j'etais couche, voir le Mexicain au moment ou il traversait le vestibule. Il s'etait enveloppe jusqu'aux yeux dans sa manga, et marchait dans l'attitude du plus profond abattement. Un instant apres il avait disparu, ayant passe sous le porche et de la dans la rue.

      – Il y quelque chose de vraiment mysterieux chez cet homme. Dites-moi,

      Saint-Vrain…

      – Chut! chut! regardez la-has! interrompit mon ami, tandis que sa main etait dirigee vers la porte ouverte.

      Je regardai, et, a la clarte de la lune, je vis trois formes humaines glissant le long du mur et se dirigeant vers l'entree de la cour. Leur taille, leur attitude toute particuliere et leurs pas silencieux me convainquirent que c'etaient des Indiens. Un moment apres, ils avaient disparu sous l'ombre epaisse du porche.

      – Quels sont ces individus? demandai-je.

      – Les ennemis du pauvre Seguin, plus dangereux pour lui que vous ne le desireriez si vous le connaissiez mieux. Je tremble pour lui si ces betes feroces le rencontrent dans la nuit. Mais non; il est bien sur ses gardes, et il sera secouru s'il est attaque; il le sera. Demeurez tranquille, Harry! je reviens dans moins d'une seconde.

      Disant cela, Saint-Vrain me quitta, et, un instant apres, je le vis traverser rapidement la grande porte. Je restai plonge dans des reflexions profondes sur l'etrangete des incidents qui se multipliaient autour de moi, et ces reflexions n'etaient pas toutes gaies. J'avais outrage un homme qui ne m'avait fait aucune injure et pour lequel il etait evident que mon ami professait un grand respect. Le bruit d'un sabot de cheval sur la pierre se fit entendre aupres de moi: c'etait Gode avec Moro, et, un instant apres, je l'entendis enfoncer un piquet entre les paves. Presque aussitot, Saint-Vrain rentra.

      – Eh bien, demandai-je, que s'est-il passe?

      – Pas grand chose. C'est un renard qui ne s'endort jamais. Il etait a cheval avant qu'ils fussent pres de lui, et a bientot ete hors de leur atteinte.

      – Mais ne peuvent-ils pas le poursuivre a cheval.

      – Ce n'est pas probable. Il a des compagnons pres d'ici, je vous le garantis. Armijo, c'est lui qui a mis ces coquins-la sur ses traces – Armijo ne dispose pas de forces capables d'oser le suivre une fois qu'il sera dans ses montagnes.

      – Mais, mon cher Saint-Vrain, dites-moi donc ce que vous savez a l'endroit de cet homme extraordinaire. Ma curiosite est excitee au plus haut degre.

      – Non, pas ce soir, Harry; pas ce soir. Je ne veux pas vous causer plus d'agitation; en outre, j'ai besoin de vous quitter en ce moment. A demain, donc. Bonsoir! bonsoir!

      Et, ce disant, mon petulant ami me laissa entre les mains de Gode, au repos de la nuit.

      VIII

      LAISSE EN ARRIERE

      Le depart de la caravane pour Chihuahua avait ete fixe au troisieme jour apres le fandango. Ce jour arrive, je me trouve hors d'etat de partir! Mon chirurgien, abominable sangsue mexicaine, m'affirme que c'est courir a une mort certaine que de me mettre en route. En l'absence de toute preuve contraire, je suis force de m'en rapporter a lui. Je n'ai pas d'autre alternative que la triste necessite d'attendre a Santa-Fe le retour des marchands.

      Cloue sur mon lit par la fievre, je dis adieu a mes compagnons. Nous nous separons a regret; mais surtout je suis vivement affecte en disant adieu a Saint-Vrain, dont la joyeuse et cordiale confraternite avait ete ma consolation pendant ces trois jours de souffrance. Il me donna une nouvelle preuve de son amitie en se chargeant de la conduite de mes wagons et de la vente de mes marchandises sur le marche de Chihuahua.

      – Ne vous inquietez pas, mon garcon, me dit-il en me quittant. Tachez de tuer le temps avec le champagne et le pas. Nous serons revenus en un saut d'ecureuil; et, croyez-moi.

      Je vous rapporterai des doublons mexicains de quoi charger une mule. Dieu vous garde! Adieu!

      Je pus me mettre sur mon seant, et, a travers la fenetre ouverte, voir defiler les baches blanches des wagons, qui semblaient une chaine de collines en mouvement. J'entendis le claquement des fouets et les sonores huo-hya des voituriers. Je vis les marchands a cheval galoper a la suite, et je me retournai sur ma couche plein du sentiment de ma solitude et de mon abandon. Pendant plusieurs jours, je demeurai couche, inquiet et agite, malgre l'influence consolatrice du champagne et les soins affectueux, quoique rudes, de mon valet voyageur. Enfin je pus me lever, m'habiller et m'asseoir a ma ventana. De la, j'avais une belle vue de la place et des rues adjacentes, voies sablonneuses, bordees de maisons brunes baties en adobe 6.

      Des heures entieres s'ecoulent pour moi dans la contemplation des gens qui passent. La scene n'est pas depourvue de nouveaute et de variete. De laides figures basanees se montrent sous les plis de noirs robozos; des yeux menacants lancent leurs flammes sous les larges bords des sombreros. Des poblanas en courts jupons et en pantoufles passent sous ma fenetre. Des groupes d'Indiens soumis, des pueblos, arrivent des rancherias (petites fermes) voisines, frappant leurs anes pour les faire avancer. Ils apportent des paniers de fruits et de legumes. Ils s'installent au milieu de la place sablonneuse, derriere des tas de poires longues, ou des pyramides de tomates et de chile. Les femmes, achetant au detail, ne font que rire, chanter et babiller. La tortillera, a genoux pres de son metate, fait cuire sa pate de mais, l'etend en feuilles minces, la pose sur les pierres chaudes et crie: Tortillas! tortillas! calientes! (Tortillas toutes chaudes). La cocinera epluche les gousses poivrees de chile colorado, agite le liquide rouge avec sa cuiller de bois, et alleche les pratiques par ces mots: Chile bueno! excellente! – Carbon! carbon! crie le charbonnier! —Agua! agua limpia! chante le porteur d'eau. —Pan fino! Pan blanco! hurle le boulanger. Et une foule d'autres cris pousses par les vendeurs d'atole, de huevos et de leche, forment l'ensemble le plus discordant qu'on puisse imaginer.

      Telles sont les voix d'une place publique au Mexique. C'est d'abord assez amusant; mais cela devient monotone, puis desagreable; jusqu'a ce qu'enfin j'en sois obsede au point de ne pouvoir plus les entendre sans en avoir la fievre.

      Quelques jours apres, je puis enfin marcher, et je vais me promener avec mon fidele Gode. Nous parcourons la ville. Elle me fait l'effet d'un vaste amas de briques preparees pour recevoir le feu. Partout nous trouvons le meme adobe brun, les memes leperos de mauvaise mine, flanant aux coins des rues; les memes jeunes filles aux jambes nues et chaussees de pantoufles; les memes files d'anes rosses; les memes bruits et les memes detestables cris. Nous passons devant une espece de masure dans un quartier eloigne, et nous sommes salues par des voix sortant de l'interieur. Elles crient; Mueran los Yankees! Abajo los Americanos! Sans doute le pelado a qui je suis redevable de ma blessure est parmi les canailles qui garnissent les croisees. Mais je connais trop l'anarchie du pays pour m'aviser d'en appeler a la justice! Les memes cris nous suivirent dans une autre rue, puis sur la place. Gode et moi nous rentrames a la fonda convaincus qu'il n'etait pas sans danger de nous montrer en public. Nous resolumes en consequence de rester dans l'enceinte de l'hotel.

      A aucune epoque de ma vie je n'ai autant souffert de l'ennui que dans cette ville a demi barbare, et confine entre les murs d'une sale auberge. Et cet ennui etait d'autant plus pesant, que je venais de traverser une periode toute de gaiete, au milieu de joyeux garcons que je me representais a leurs bivouacs sur les bords du Del-Norte, buvant, riant en ecoutant quelque terrible histoire des montagnes. Gode partageait mes sentiments et se desesperait comme moi. L'humeur joviale du voyageur disparaissait. On n'entendait plus la chanson des bateliers canadiens, mais les "s…" les "f…" et les "godd…" ronflaient a chaque instant, provoques par tout ce qui tenait du Mexique ou des Mexicains. Je pris enfin la resolution de mettre un terme a nos souffrances.

      – Nous


<p>6</p>

Larges briques sechees au soleil.