Histoire des salons de Paris. Tome 3. Abrantès Laure Junot duchesse d'. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Abrantès Laure Junot duchesse d'
Издательство: Public Domain
Серия:
Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/42663
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est dans le cœur.»

      Ce fut cette lettre qui la fit enfermer en 1793.

      Elle quitta le théâtre encore jeune et charmante32; elle avait épousé depuis dix ans le chevalier de Parny, neveu du poëte et poëte lui-même. La société et la causerie de mademoiselle Contat étaient charmantes. Je l'ai vue très-souvent à la Malmaison, où elle était toujours fort accueillie.

      Sa sœur n'était pas mauvaise, mais elle n'était jamais bonne; elle jouait passablement quelquefois les servantes de Molière.

      Mais une personne charmante, qui était tout à la fois bonne actrice, bonne amie, bonne fille, excellente femme, c'était mademoiselle Devienne. Ses camarades l'adoraient. Le public ne manquait jamais de venir remplir la salle le jour où son nom se voyait sur l'affiche… Bientôt ce fut un délire, et son nom valait comme pour une nouvelle pièce. Elle était jolie, et surtout jolie pour une soubrette… un nez fin, des yeux vifs, une bouche fraîche et bien garnie et familière au rire…; des mains, une taille, un pied… tout cela, le bon Dieu l'avait fait comme si elle eût été sotte, et Dieu sait qu'elle ne l'était pas… En peu de temps elle eut un nom, une position, et une élevée, dans la sphère qu'elle s'était choisie.

      Mais qui était-elle? Ah! voilà le roman, ou plutôt l'histoire.

      Mademoiselle Devienne était de Lyon. Son père était menuisier ou charpentier, je ne sais bien lequel des deux; mais ce que je sais, c'est qu'il était le plus renommé dans la ville pour son honneur et sa probité. On disait du père Thévenin que si la noblesse avait ses chartres, la bourgeoisie les avait aussi. Ainsi donc le père Thévenin était le doyen de son état, et il était honoré et respecté de tous.

      Il se disposait, avec sa femme, à parler à leur fille pour lui faire épouser un honnête garçon à rabot et à scie, selon l'usage antique et solennel de la famille. Mais les enfants pensent quelquefois différemment de leurs parents; c'était précisément le cas de la petite Thévenin. Elle se consulta, et vit en elle une si grande horreur pour le rabot et la scie, qu'elle voulut épargner du malheur au brave menuisier qu'on lui donnerait pour mari; et un matin, tandis qu'aucune fenêtre n'était encore ouverte, lorsque Notre-Dame de Fourvières était à peine éclairée par la première lueur matinale… la jeune fille fit un petit paquet, s'agenouilla devant la porte de la chambre de ses bons parents, et… s'enfuit.

      Elle courut beaucoup, mais aussi profita beaucoup. Enfin, elle en vint à entrer à la Comédie-Française, et à être ce que je vous ai dit.

      Elle gagnait tout ce qu'elle voulait, et son sort était heureux. Le souvenir de sa famille la troublait un peu seulement, et bien souvent elle voulait partir pour Lyon.

      Les années s'écoulèrent. Un jour, il arriva de grandes choses… C'était la Révolution, c'est-à-dire son commencement, la fédération. Mademoiselle Devienne était au Champ-de-Mars, comme les autres, élégamment habillée, dans une voiture attelée de deux chevaux magnifiques, et elle, toute resplendissante de sa charmante figure et de son élégante richesse.

      Un ami de mademoiselle Devienne, qui depuis fut le plus dévoué des miens, la rencontra au milieu du Champ-de-Mars qui courait comme une folle, seule, pour rejoindre sa voiture…

      – Qu'avez-vous? où courez-vous? s'écria-t-il en lui prenant le bras.

      – Ah! mon ami, mon cher Millin, si vous saviez ce qui m'arrive?..

      Et elle riait et pleurait tout ensemble…

      – Mon ami, j'ai retrouvé… mon père!.. oui, mon père…; il m'a reconnue…; il a reconnu sa pauvre fille dans la belle dame avec des diamants! Ah! c'est beau cela, Millin, n'est-ce pas?..

      Millin sourit. Il n'y avait qu'un cœur parfait comme celui de mademoiselle Devienne pour dire une telle parole…

      – Oui, il m'a reconnue, disait-elle tout en courant; il est ici avec la garde nationale de Lyon… et il veut bien loger chez moi!.. Il le veut bien!.. mon bon père!.. si vous le voyiez avec ses beaux cheveux blancs!..

      Cette pauvre Devienne était insensée de joie; elle rentra chez elle, mit la maison sens dessus dessous, et lorsque son père sortit de la revue, il trouva son appartement tout prêt, et sa place à table, vis-à-vis de sa fille, comme étant le maître chez elle… Elle le présenta à tous les princes, les ducs, les marquis, les barons, qui venaient dans sa maison. Il faut que vous connaissiez mon bonheur, disait l'aimable fille.

      Sa mère vint aussi de Lyon; c'était une dévote, mais une vraie sainte. La maréchale de Mouchy la fit aller au spectacle: vrai miracle pour cette bonne vieille qui de sa vie n'y avait été!.. Elle alla voir Athalie: on avait choisi cette pièce. La pauvre bonne femme crut lire dans sa Bible; et tout à coup, au grand amusement de toute la salle, elle tomba à genoux dans la loge de la maréchale; et, faisant le signe de la croix à haute voix, elle entonna une prière.

      Mademoiselle Devienne, adorée du public, de ses amis, dont elle faisait le charme, se retira trop tôt pour Tous de la scène. Elle épousa M. Gévaudan, dont elle a complété la félicité en consentant à prendre son nom.

      Mademoiselle Lange était la cinquième prisonnière des Anglaises avec ces dames; elle était ravissante de beauté, mais moins bonne actrice que celles que je viens de citer. Elle jouait les amoureuses avec un talent qui était doublé par sa charmante figure et un organe enchanteur… Cette physionomie touchante, cette parole harmonieusement accentuée, eurent un grand effet sur un tribunal entier, à peu près vers le temps de la première année du Consulat.

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      1

      Voir dans les Mémoires de madame Roland elle-même, comment elle raconte cette scène!.. Elle parle surtout admirablement de ses craintes pour son mari, qu'elle alla chercher à pied, à minuit, au ministère de la Marine, où tous les ministres étaient rassemblés.

      2

      Madame de Sainte-Amaranthe était une femme comme il faut, mais d'une réputation fort équivoque… ses relations intimes avec les hommes de sang d'alors le prouvent. Elle n'est pas excusée en disant qu'elle était contrainte. Il ne dépend pas de nous d'être heureux ou malheureux, mais toujours il est en notre puissance de n'être pas humilié et encore moins avili… Je parlerai d'elle plus longuement tout à l'heure.

      3

      C'est ainsi que sont mortes mesdemoiselles de Saint-Léger à Arras, toutes deux jeunes, nobles, belles, âgées, l'une de seize ans, l'autre de dix-sept, pour avoir joué du piano le jour de la prise de Valenciennes.

      4

      Toutes trois charmantes, surtout celle de Camille Desmoulins.

      5

      Il la rencontra dans un gros bourg de Flandre, où elle faisait la patrie dans une fête nationale. Elle avait une belle voix,


<p>32</p>

Elle mourut la même année que mademoiselle Raucourt; la cause de sa mort fut un cancer. Elle était alors à Vitry, dans une propriété que madame la duchesse douairière d'Orléans acheta ensuite.