Ils ne construisirent qu’une salle hypostyle et qu’un pylône, mais l’hypostyle a 50 mètres de long sur 100 de large.
Au milieu, une avenue de douze colonnes à chapiteau campaniforme, les plus hautes qu’on ait jamais employées à l’intérieur d’un édifice ; dans les bas côtés, 122 colonnes à chapiteau lotiforme, rangées en quinconce sur neuf files. Le plafond de la travée centrale était à 23 mètres au-dessus du sol, et le pylône le dominait d’environ 15 mètres. Trois rois peinèrent pendant un siècle avant d’amener l’hypostyle à perfection. Ramsès Ier conçut l’idée, Séti Ier termina le gros œuvre, Ramsès II acheva presque entièrement la décoration. Les Pharaons des dynasties suivantes se disputèrent quelques places vides le long des colonnes, pour y graver leur nom et participer à la gloire des trois fondateurs, mais ils n’allèrent pas plus loin. Pourtant le monument, arrêté à ce point, demeurait incomplet : il lui manquait un dernier pylône et une cour à portiques. Près de trois siècles s’écoulèrent avant qu’on songeât à reprendre les travaux. Enfin, les Bubastites se décidèrent à commencer les portiques, mais faiblement, comme il convenait à leurs faibles ressources. Un moment, l’Éthiopien Taharqou imagina qu’il était de taille à rivaliser avec les Pharaons thébains et devisa une salle hypostyle plus large que l’ancienne, mais ses mesures étaient mal prises. Les colonnes de la travée centrale, les seules qu’il eut le temps d’ériger, étaient trop éloignées pour qu’on pût y établir la couverture : elles ne portèrent jamais rien et ne subsistèrent que pour marquer son impuissance. Enfin les Ptolémées, se conformant à la tradition des rois indigènes, se mirent à l’ouvrage ; mais les révoltes de Thèbes interrompirent leurs projets, le tremblement de terre de l’an 27 détruisit une partie du temple, et le pylône resta à jamais inachevé. L’histoire de Karnak est celle de tous les grands temples égyptiens. À l’étudier de près, on comprend la raison des irrégularités qu’ils présentent pour la plupart. Le plan est partout sensiblement le même, et la croissance se produit de la même manière, mais les architectes ne prévoyaient pas toujours l’importance que leur œuvre acquerrait, et le terrain qu’ils lui avaient choisi ne se prêtait pas jusqu’au bout au développement normal. À Louxor, le progrès marcha méthodiquement sous Amenhotpou III et sous Séti Ier ; mais, quand Ramsès II voulut ajouter à ce qu’avaient fait ses prédécesseurs, un coude secondaire de la rivière l’obligea à se rejeter vers l’est.
Son pylône n’est point parallèle à celui d’Amenhotpou III, et ses portiques forment un angle marqué avec l’axe général des constructions antérieures. À Philae, la déviation est plus forte encore.
Non seulement le pylône le plus grand n’est pas dans l’alignement du plus petit, mais les deux colonnades ne sont point parallèles entre elles et ne se raccordent pas naturellement au pylône. Ce n’est point là, comme on l’a dit souvent, négligence ou parti pris. Le plan premier était aussi juste que peut l’exiger le dessinateur le plus entiché de symétrie ; mais il fallait le plier aux exigences du site, et les architectes n’eurent plus souci dès lors que de tirer le meilleur parti des irrégularités auxquelles la configuration du sol les condamnait. Cette contrainte les a souvent inspirés : Philae nous montre jusqu’à quel point ils savaient faire de ce désordre obligé un élément de grâce et de pittoresque. L’idée du temple-caverne dut venir de bonne heure aux Égyptiens ; ils taillaient la maison des morts dans la montagne, pourquoi n’y auraient-ils pas taillé la maison des dieux ? Pourtant, les spéos les plus anciens que nous possédions ne remontent qu’aux premiers règnes de la XVIIIe dynastie. On les rencontre de préférence dans les endroits où la bande de terre cultivable était le moins large, près de Beni-Hassan, au Gebel Silsiléh, en Nubie. Toutes les variantes du temple isolé se retrouvent dans le souterrain, plus ou moins modifiées par la nature du milieu. Le Spéos Artémidos s’annonce par un portique à piliers, mais ne renferme qu’un naos carré avec une niche de fond pour la statue de la déesse Pakhit. Kalaat-Addah présente au fleuve une façade (À) plane, étroite, où l’on accède par un escalier assez raide ; vient ensuite une salle hypostyle flanquée de deux réduits (C), puis un sanctuaire à deux étages superposés (D).
La chapelle d’Harmhabi, au Gebel Silsiléh, se compose d’une galerie parallèle au Nil, étayée de quatre piliers massifs réservés dans la roche vive, et sur laquelle la chambre débouche à angle droit.
À Ibsamboul, les deux temples sont entièrement dans la falaise. La face du plus grand simule un pylône en talus, couronné d’une corniche, et gardé, selon l’usage, par quatre colosses assis, accompagnés de statues plus petites ; seulement les colosses ont ici près de 20 mètres.
Au delà de la porte s’étend une salle de 40 mètres de long sur 18 de large, qui tient lieu du péristyle ordinaire. Huit Osiris, le dos à autant de piliers, semblent porter la montagne sur leur tête. Au delà, un hypostyle, une galerie transversale qui isole le sanctuaire, enfin le sanctuaire lui-même entre deux pièces plus petites. Huit cryptes, établies à un niveau plus bas que celui de l’excavation principale, se répartissent inégalement à droite et à gauche du péristyle. Le souterrain entier mesure 55 mètres du seuil au fond du sanctuaire. Le petit spéos d’Hathor, situé à quelque cent pas vers le nord, n’offre pas des dimensions aussi considérables ; mais la façade est ornée de colosses debout, dont quatre représentent Ramsès, et deux sa femme Nofritari. Le péristyle manque ainsi que les cryptes, et les chapelles sont placées aux deux extrémités du couloir transversal, au lieu d’être parallèles au sanctuaire ; en revanche, l’hypostyle a six piliers avec tête d’Hathor.
Où l’espace le permettait, on n’a fait entrer qu’une partie du temple dans le rocher ; les avancées ont été construites en plein air, de blocs rapportés, et le spéos devient une moitié de caverne, un hémi-spéos. Le péristyle seul à Derr, le pylône et la cour à Beit-el-Oualli, le pylône, la cour rectangulaire, l’hypostyle à Gerf Hosseïn et à Ouady-es-Seboua, sont au dehors de la montagne. Le plus célèbre et le plus original des hémi-spéos est à Déir-el-Bahari, dans la nécropole thébaine, et fut bâti par la reine Hatshopsitou.
Le sanctuaire et les deux chapelles qui l’accompagnent, selon la coutume, étaient creusés à 30 mètres environ au-dessus du niveau de la vallée. Pour y atteindre, on traça des rampes et on étagea des terrasses, dont l’insuffisance des fouilles entreprises jusqu’à présent ne permet pas de saisir l’agencement.
Les Égyptiens avaient encore quelque chose d’intermédiaire, le temple adossé à la montagne, mais qui n’y pénètre point. Le temple du Sphinx à Gizéh, celui de Séti Ier à Abydos sont deux bons exemples du genre. J’ai déjà parlé du premier ; l’aire du second a été découpée dans une bande de sable étroite et basse qui sépare la plaine du désert.
Il était enterré jusqu’au toit, la crête des murs sortait à peine du sol, et l’escalier qui montait aux terrasses conduisait également au sommet de la colline. L’avant-corps, qui se détachait en plein relief, n’annonçait rien d’extraordinaire : deux pylônes, deux cours, un portique droit à piliers carrés, les bizarreries ne commençaient qu’au delà.