Les Néo-Ruraux Tome 1: Le Berger. Wolfgang Bendick. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Wolfgang Bendick
Издательство: Bookwire
Серия: Les Néo-Ruraux
Жанр произведения: Сделай Сам
Год издания: 0
isbn: 9783750218888
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Afin de détacher la bête il fallait serrer les bas de l’attache, ce qui permettait de débloquer la « clef » en bois par un quart de tour et de l’enlever. Ainsi on enlevait l’attache par-dessus la nuque et l’animal était libre. Génial ! Les anciens l’appelaient « estacadetch ». Rares étaient ceux qui savaient encore les fabriquer. La partie en forme U était découpée dans du bois de frêne vert. Ils leur donnaient leur forme au-dessus de la vapeur. Pour la « clef », la partie transversale, ils employaient du frêne sec. Les finitions de toutes les parties étaient faites à l’Opinel, le couteau de berger. Les deux extrémités de la clef étaient exactement ajustées aux ouvertures de la pièce en U. Une fois le bois du collier séché, la clef restait liée au collier et ne pouvait pas se perdre.

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      Avant de retourner le jardin nous voulions planter les pommes de terre au champ. Pendant un moment, nous essayâmes en vain d’émietter la couche de racines sur le champ labouré à l’aide des bêches. Bientôt nous abandonnâmes. Chaque sillon ressemblait à une bande de feutre épaisse, tellement solide à cause des racines ! Mais les patates devaient être plantées, l’hiver allait être long ! Alors l’un de nous souleva le tapis en feutre pendant que l’autre y glissait la patate en-dessous. Nous n’attendions pas grand-chose. Nous fûmes d’autant plus surpris lorsque, peu de temps après, les premiers germes sortirent du sol ! Nous suivîmes leurs rangs afin d’enlever l’herbe qui repoussait à la bêche, ou la recouvrîmes simplement avec du fumier. Les pommes de terre aiment l’engrais ! Peu importe qu’il vienne du bas ou du haut !

      *

      Maintenant nous pouvions enfin nous occuper de l’achat des animaux. Nous avions décidé d’acheter des vaches et des chèvres, des espèces que nous pensions connaître suffisamment. Bien sûr aussi de la volaille, pour nous et plus tard pour vendre. Nous parlâmes de nos projets à Jean-Paul, entre autres pour lui faire comprendre qu’ils devaient enlever leurs bêtes afin que l’herbe puisse repousser. Il nous raconta qu'il avait eu un troupeau de chèvres, mais il les avait vendues récemment. Des bonnes et belles bêtes de race Pyrénéenne. Peut-être le marchand les avait encore et nous les vendrait ? « N’aie pas peur, quand tu le verras. Il est énorme, il pèse dans les 200 kilos. A cause de son poids on l’appelle Bourguiba, comme le président tunisien. » Le soir nous nous rendîmes chez lui. Il était assis avec d’autres gens dans son salon, autour d’une grande table, qui prenait presque toute la pièce. Le tableau était scié dans un seul tronc d’arbre de bois exotique et faisait bien 12 cm d’épaisseur. Comment avait-on transporté une telle pièce de l’Afrique jusqu’ici ? Ils étaient tous en train de prendre l’apéritif, et à peine entrés, on nous donna un verre.

      D’après le signalement de Jean-Paul, je reconnus tout de suite le patron de la maison. Il régnait une ambiance de fête. Apparemment ils n’en étaient pas à leur premier verre ni même à la première bouteille. J’admirais la table. « Je parie que tu n’arriveras pas à la soulever ! », cria Bourguiba. « Je parie que si ! », répondis-je en me positionnant le dos contre l’avant de la table. Je pliai un peu les genoux, pris le plateau dans les mains et le soulevai avec de grands efforts. Les verres se mirent à danser. Bourguiba sembla impressionné et me remplit de nouveau le verre. Puis il demanda à sa copine de me montrer les animaux. Nous les regardâmes. Une longue robe noire, plutôt claire au niveau du thorax et des jambes, parait les animaux. De longues cornes courbées ornaient les têtes. De toute façon, qu’est-ce qu’on y connaissait en chèvres et leurs races ? Jean-Paul affirmait qu’elles étaient pleines. Il ne les avait jamais traites, mais leur avait laissé les petits. De retour dans la maison une vague d’hilarité nous emporta. Bourguiba était en train d’expliquer comment ils faisaient au lit. Plus exactement par terre, car aucun lit ne supporterait ça ! Etant trop lourd, sa copine devait lui monter dessus. C’était la raison pour laquelle il s’était séparé de sa femme, parce qu’elle ne réussissait plus à le monter ! Tous éclatèrent de rire. Chacun essayait sans doute de s’imaginer la scène. Pour s’habiller c’était pareil. En tout cas il n’arrivait plus à se baisser suffisamment pour rentrer le bas de son pantalon dans ses bottes. Il se leva, saisit un balai et avec le manche il inséra son pantalon dans sa botte. Leur rire s’étendit à travers le petit village. Ces descriptions détaillées semblaient plaire à sa copine.

      Il m’assura que c’étaient les meilleures bêtes du monde. Il ne vendait que les meilleurs animaux. Sinon il était prêt à les reprendre ! Mais nous connaissions l’espèce des marchands de bétail encore moins que les chèvres. En Allemagne, pendant une tempête de neige, l’un d’entre eux m’était rentré dedans avec sa Mercedes et son van. Nous étions d’accord de ne pas faire marcher l’assurance pour une pareille bagatelle ! « On va régler ça entre nous ! » J’étais d’accord avec lui. N’ayant pas d’argent sur lui il me donna sa carte et me demanda de passer lundi chez lui. Bien sûr, il resta injoignable et ses sous aussi !

      En tout cas ici les marchands d’animaux semblaient préférer une vie insouciante aux affaires. Avant d’arriver, Jean-Paul m’avait soufflé quel prix maximal payer. Et après une brève discussion nous nous mîmes d’accord. Entre-temps, Yvonne, la compagne du « maquignon », comme on appelle ici ces marchands, avait commencé à poser les assiettes sur la table. Et elle obligea tous ceux qui voulaient s’en aller à rester. Et nous aussi. Tard dans la nuit, je rentrai à la maison où tout le monde dormait déjà. Nous allâmes chercher les chèvres le lendemain.

      *

      Nous avions donc les chèvres. Nous les attachâmes avec de longues chaînes à des piquets dans les prés. Ainsi au moins elles ne pouvaient pas faire de bêtises et étaient obligées de bien nettoyer le terrain ! Parfois en les récupérant le soir pour les enfermer, elles avaient tellement enroulé leurs chaînes autour des arbres ou des ronciers, qu’elles étaient à court de souffle ! Est-ce qu’elles tournaient toujours dans le même sens, comme l’eau, quand on tire la bonde de la baignoire ? Ce serait un bon sujet de doctorat ! A la foire de Saint Girons, qui avait lieu chaque deuxième et quatrième lundi du mois, nous achetâmes quelques poules pondeuses pour nos futurs œufs, des pintades, parce qu’elles étaient si belles, et deux jeunes oies comme gardiennes. Car celles-ci avaient sauvé Rome à l’époque et allaient nous avertir des visites de Jean-Paul à l’avenir ! Il nous manquait encore une vache.

      Une fois de plus, ce fut notre pot-de-colle de livreur de lait qui nous conseilla. Deux villages plus bas que Bourguiba, un autre paysan exerçait le même commerce. Les marchands d’animaux semblaient ne pas manquer dans la région, comme l’attestaient les costumes et manteaux noirs à la foire ! On se sentait presque comme à Rome sur la place St. Pierre ! Jean-Paul nous avait expliqué que ce maquignon avait une jambe en bois. Cela l’empêchait de marcher, mais nullement de conduire une voiture ! Comme il nous l’avait dit, il avait la vache qu’il nous fallait. Petite, jeune et habituée à être menée à la corde comme un chien, ou à brouter en étant attachée à un piquet. Ça sonnait plutôt bien ! En plus elle venait de mettre au monde une petite vêle. Quand nous la regardâmes et qu’elle nous observa avec ses yeux entourés de longs cils, nous donnâmes raison au marchand. C’était notre vache ! Il ne restait qu’à se mettre d’accord sur le prix. Jean-Paul m’avait soufflé un nombre dans le dos du maquignon. Est-ce qu’il s’y connaissait vraiment aussi bien en vaches ou avait-il auparavant fixé un prix avec le marchand incluant un pourboire pour lui ? J’étais convaincu qu’il allait avoir sa part ! Après une demi-heure de marchandage au cours de laquelle le maquignon trouvait de plus en plus de qualités à la bête, qui auraient justifié un prix beaucoup plus élevé, nous nous mîmes d’accord. Nous fîmes d’abord monter la petite, puis la mère dans le fourgon du marchand, qui nous suivit jusqu’à la côte en bas de chez nous. Nous payâmes les animaux, on nous donna les papiers de la vache, puis nous les montâmes chez nous. Il fallut du temps, car la vache trouvait de l’herbe appétissante en bordure du chemin, ou alors elle attendait sa vêle qui contemplait des fleurs ou un premier papillon.

      *

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