Les Néo-Ruraux Tome 1: Le Berger. Wolfgang Bendick. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Wolfgang Bendick
Издательство: Bookwire
Серия: Les Néo-Ruraux
Жанр произведения: Сделай Сам
Год издания: 0
isbn: 9783750218888
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la maison.

      Le lendemain matin nous visitâmes le chantier et les terres. Il fut bientôt midi. Puis nous partîmes tous les quatre dans sa Simca rouge à travers le col, vers l’Espagne. La pluie s’était remise à tomber et au col on se retrouva en plein dans les nuages. Dommage, car de là, on avait une vue magnifique sur notre ferme ! Rudi descendit presque en tâtonnant la route étroite et sinueuse. Nous ne voyions que vaguement les arbres pleins de lichen et le sous-bois couvert de buis. Lentement la visibilité s’améliora. Bien sûr, les douaniers espagnols eurent quelques questions à nous poser. Au deuxième village espagnol Rudi s’arrêta. « Je vous invite tous à manger ! », dit-il en nous dirigeant vers un restaurant. Mais il était déjà trois heures passé, un peu tard, même pour l’Espagne ! On nous conseilla d’attendre le dîner. Mais c’était trop tard pour nous. Nous déambulâmes alors à travers les ruelles peu fréquentées. Des échoppes de souvenirs alternaient avec des boutiques de mode et des magasins pour alcool et cigarettes. Face à la bruine omniprésente, nous nous réfugiâmes dans un bar, commandâmes quatre verres de rouge en grignotant des cacahuètes. Soudain les verres et les bouteilles dans les étagères se mirent à danser. Tout le monde se précipita dehors. Nous restâmes, en pensant qu’un train était passé derrière le bâtiment. Quelqu’un revint, nous prit par les manches et nous traîna à l’extérieur. Il baragouina quelque chose comme « terremoto », « seismo ». Là on avait compris ! Tout le monde parlait avec excitation. Quand, après un moment, tout redevint calme, les premiers rentrèrent dans le bar. Nous les rejoignîmes et le barman paya une tournée pour la survie. Par un temps pareil même l’habituel « midi ensoleillé » paraissait gris. L’estomac vide, nous rentrâmes en France.

      *

      Lentement les gouttes se transformèrent en flocons. En approchant du col, la couche de neige sur la route s’épaissit de plus en plus. Les branches alourdies par la neige se courbaient au-dessus la chaussée. La voiture chassait dans les virages et l’avance devint pénible. Nous n’étions qu’à 100 mètres du col quand la voiture s’arrêta. Mais très brièvement, puis elle commença à reculer en glissant. Nous parvînmes tous les trois à sauter dehors et commençâmes à pousser, pendant que Rudi appuyait en vain sur les freins. « Qu’est-ce que tu as sur les jantes, ce sont des concombres, pas des pneus ! », s’étonna Rolf. « J’ai mis exprès les vieux pneus d’été, en les croyant suffisamment efficaces ici dans le Midi », se défendit Rudi. Alors c’était ça ! Et c’était à nous maintenant de pousser la bagnole jusqu’au col ! Et nous réussîmes !

      Arrivé en haut, Rudi sortit son appareil photo de la boîte à gants et déclama de façon théâtrale : « Des instants pareil méritent d’être capturés pour la postérité ! » Et paf, il reçut une boule de neige en pleine figure ! Nous le laissâmes descendre seul. C’était trop risqué, de rentrer dans sa luge ! Comme des dunes blanches les montagnes s’étalaient à nos pieds. Malheureusement les plus hautes se cachaient dans les nuages. Et sur l’une de ces dunes se trouvait notre ferme. Mais toutes ces dunes avaient la même apparence… « Je vous invite tous à manger ! », dit Rudi. « C’est la deuxième fois que tu nous invites, nous ne pouvons pas accepter ça ! », se moqua Reiner. Nous nous mîmes à la recherche d’un panneau « Restaurant ». Dans le premier bled que la route traversait en serpentant, rien ! Mais dans le deuxième nous trouvâmes un panneau « Auberge de l’Izard ». Il n’y avait que le bar d’ouvert. Apparemment c’était l’heure de l’apéro. Demander ne coûte rien ! La patronne nous observa en se demandant si ça ne vaudrait pas mieux de nous dire que le cuistot était de repos. Mais son sens des affaires fut plus fort et elle ouvrit la porte de la salle. Elle alluma les néons et nous guida dans une pièce oblongue sentant un peu le moisi, où deux rangées de tables couvertes de nappes cirées nous attendaient. Elle nous plaça à proximité de la cheminée ouverte, qui n’était pas allumée. Puis elle posa une bouteille de gaz équipée d’un dispositif de chauffage à nos côtés et demanda qu’est-ce que nous voulions boire. Bien sûr tout le monde réclama un Pastis, sauf moi, qui optai pour une bière. Rudi, parlant bien le Français, était déjà en pourparlers pour le repas.

      « La bonne dame demande si on se contenterait de quelque chose de simple, car pour l’instant ils ne sont pas bien préparés à accueillir du monde ! », expliqua Rudi. « N’importe quoi, à condition que ce soit comestible ! » Pendant ce temps son mari s’affairait dans la grande cheminée et bientôt surgirent les premières flammes. Des trophées de chasse nous dévisageaient du haut des murs. Une énorme tête de cerf, plusieurs bois crochus, sans doute des chamois, et la tête bien garnie de défenses d’un sanglier mâle. « 140 kilos ! », expliqua l’hôtelier, voyant nos regards posés sur celui-ci. Commença une conversation pendant que lentement les flammes grignotaient le gros bois qui commençait à rayonner un peu de chaleur vers nous. Rudi semblait s’y connaître un peu en chasse et nous apprîmes que l’auberge portait le nom des chamois des Pyrénées, de plus petite taille que leurs cousins des Alpes, que l’on appelait ici isards.

      Les amis réclamèrent un autre Pastis. Entre-temps l’aubergiste avait posé une terrine énorme pleine de soupe dégageant des vapeurs alléchantes sur la table, saisit quatre assiettes profondes dans une étagère murale et les posa bien remplies devant nous. Que ça faisait du bien ! Après les premières cuillères une vague de chaleur agréable nous envahit jusque dans notre moelle dorsale. Bien sûr que nous ne refusâmes pas un deuxième remplissage ! Nous laissâmes quand même un petit reste, non par politesse, mais en pensant que les hôteliers aussi devaient manger… Suivit bientôt une terrine avec du pâté, un plateau avec d’énormes tranches de jambon et de saucisson, agrémenté de minuscules concombres très acides, appelé cornichons. Ils s’excusèrent de ne pas avoir de salade. Avec ça ils apportèrent un panier contenant du pain blanc découpé, une carafe de vin rouge et une cruche d’eau. Bien entendu, par un temps pareil nous ne touchâmes point à l’eau ! Soudain nous nous rendîmes compte que depuis le petit déjeuner, à part les quelques cacahuètes espagnoles, nous n’avions rien mangé et nous nous jetâmes sur le « casse-croûte ». Parfois, à travers la porte, l’aubergiste nous jetait un coup d’œil et semblait se réjouir de notre appétit. Ne sachant pas si après ce casse-croûte il y aurait autre chose, nous nous servîmes jusqu’à ce que les plateaux soient vidés. Nous nous sentions à nouveau comme des êtres humains !

      L’aubergiste rentra, portant quelques bûches dans les bras, qu’il posa sur la braise. Des étincelles tourbillonnaient et disparaissaient dans la hotte avec les flammes. Avant de sortir il ramassa les assiettes. « Ça semble être la fin ! », dit Rolf. « Moi pour ma part, j’en ai assez ! » Nous étions d’accord avec lui. Puis l’hôtelier revint et posa des assiettes apparemment préchauffées devant nous. « Il semble y avoir une suite ! », constata l’un d’entre nous. Et c’était bien ça ! Une bassine énorme pleine de pommes de terre bouillies fumantes fut hissée sur la table et une autre terrine pleine à ras bord d’une sauce sombre de laquelle émergeaient quelques morceaux de viande. Le parfum qui en émanait nous fit instantanément oublier que nous avions déjà mangé à notre faim. Et même moi qui étais végétarien, j’étais prêt à faire une autre exception. Et quand l’aubergiste nous annonça que ce ragoût venait d’un sanglier qu’il avait tué lui-même avant-hier dans la montagne, nous nous sentîmes comme les irréductibles Gaulois dans leur village au banquet final.

      La carafe se vidait ainsi que les terrines. La patronne nous regarda plusieurs fois. Était-elle vraiment si soucieuse de notre bien-être ou craignait-elle que nous finissions tous ses stocks ? Quand enfin nous étirâmes nos jambes et nous mîmes à l’aise, arriva une planche avec une demi-tomme d’un fromage un peu mou plein de petits trous. Quand on nous annonça solennellement que c’était un fromage du village appelé « Pic de la Calabasse » d’après la montagne la plus haute du coin, nous surmontâmes une fois de plus notre sensation de satiété et chacun en coupa un gros morceau. Sa consistance ressemblait un peu au « Räskas » de la Forêt de Bregenz, mais son goût était encore pire. Rudi demanda un peu d’ail pour garnir le morceau avec des tranches fines et saupoudrer le tout avec un peu de poivre et de sel. C’était un régal ! Rudi demanda une bonne bouteille de rouge. Après un moment l’aubergiste