La publication VII (1982): Gli spettacoli conviviali dall’antichità classica alle corti italiane del ′400 opère un double changement: d’une part en reculant encore les limités temporelles de l’archaïque vers l’antique (intéressant glissement du vocabulaire) et d’autre part en s’exposant ainsi sciemment à se tourner vers un théâtre de lettrés latinisants. Ici l’objet du déplacement est le théâtre comique, mais ce retour à la tradition lettrée oppose au théâtre du rite un théâtre culturel où le plaisir du texte et le prestige des sources peut susciter un intérêt profane différent.
Le colloque de 1983: IV Colloquio, énorme colloque de la Société Internationale pour l’Etude du théâtre médiéval, avec 47 communicants, très européen, fait la part très belle au théâtre religieux, qui est encore dominant, mais replacé au sein de potentialités plus variées. On ne peut économiser une réflexion sur les genres et la constitution de savoir-faire et de procédures proprement littéraires à l’œuvre pour structurer un répertoire répondant à l’intérêt du public comme aux nécessités d’une apologétique sous-jacente
— des thèmes ou scènes réitérées constituent apparemment de grands moments de la symbolique du salut et une mise en scène appréciée (les procès de Paradis, dans tous les pays: Charles Mazouer, Graham A. Runnalls, Anna Cornagliotti, Jean-Paul Debax, Alexandra F. Johnston, Sarah Carpenter).
— des aspects du dogme : salut individuel, mariologie (Anne Marie Binctin).
— les sujets déclinent tous les aspects du récit évangélique, la Passion, mais aussi les mages (Federico Doglio).
— les formes allégoriques sont mêlées au narratif (le combat des Vices et des Vertus, Nerida Newbigin; le semeur, Marco Piccat).
— le mélange des tons, incluant le comique comme alternance (Wim Husken, Sandro Sticca).
Mais c’est aussi là que se manifeste une nouvelle complexité des études: peut-être moins sociologiques que les précédentes, mais plus attentives à la matérialité du théâtre (trucages, lieux), études très importantes mais communes à tous les registres théâtraux, et sur lesquelles nous ne nous attarderons pas ici: la structuration des espaces scéniques, l’organisation du spectacle, la présence d’un présentateur (Larry E. West), la primauté du régisseurs des «secrets», une vraie scénographie (A. Vitale Brovarone, Luis Quirante Santacruz), et une évidente apparition des auteurs (c’est encore modéré).
Un retour en force de ces panoramas techniques et thématiques, mais déplacé dans la chronologie vers une modernité relative, s’effectue dans XVI (1992): Esperienze dello spettacolo religioso nell’Europa del Quattrocento (15 communications). L’Europe s’est élargie puisqu’on va jusqu’en Russie-Hongrie-Pologne (Nina Kiraly). Mais pour l’Italie, Florence occupe le premier plan (Claudio Leonardi, Paola Ventrone, Nerida Newbigin, Giulio Cattin), plus loin des sanctuaires et plus près des palais. Les princes s’ajoutent aux organisateurs traditionnels. Les lieux et formes (le théâtre en rond, Richard Axton), la musique (Giulio Cattin) se modifient peu. Mais les personnages se sont diversifiés, la tendance est à l’hagiographie plus qu’aux Evangiles: et surtout quand il s’agit de légendes et de symbolisme associés à la féminité: Eve et Marie-Madeleine, pécheresses et sauvées (Jarmila Veltrusky, Jean Subrenat). Comme le dit avec humour Graham A. Runnalls, les mystères deviennent des drames romantiques!
Toutes les institutions étant en place, le temps était donc venu d’observer les figures dans lesquelles le public est appelé à se reconnaître, ou du moins à situer son évolution spirituelle puisque la première à apparaître est XII (1988): Diavoli e mostri in scena dal Medio Evo al Rinascimento. Ces acteurs majeurs du drame religieux méritaient bien un volume pour eux seuls, tant ils jouent de rôles dans le théâtre religieux, chargés du fantastique, du terrible, mais aussi du comique; les diables progressent sur la scène, et même hors de scène (Massimo Oldoni). Le diable est une figure complexe depuis l’antiquité tardive (Alba Maria Orselli, Claude Kappler) qui devient un principe (le Mal) et des présences scéniques envahissantes (Christian Bec), peut-être moins vraiment terrifiant au xvie (Nicasio Salvador Miguel, Marie-Thérèse Jones-Davies) qu’au XVe s. La coexistence culturelle avec les grands textes de l’imaginaire (Dante par Nino Borsellino) permet d’apprécier la diversité de fonction de ces personnages, quasi familiers, dans le théâtre. Le lien avec l’histoire de l’art est très fort (Daniel Arasse: «Le portrait du diable»), car la pédagogie du salut conjugue tous les moyens d’expression et d’encadrement des fidèles, puisqu’il devient un protagoniste opposé à Dieu (ce n’est plus un Procès de Paradis interne aux desseins de Dieu, mais une lutte, où Marie-Thérèse Jones-Davies le montre «gagnant ou perdant» de l’histoire mouvementée du salut humain.
Métaphore du salut en même temps que réalité concrète, la figure du pèlerin, qui permet de reprendre une ligne de réflexion diachronique et transgénérique: XXIII (1999): Letteratura e drammaturgia dei pellegrinaggi en 17 communications du Moyen-âge au XVIIe. Le pèlerinage déplace des voyageurs à travers des cultures différentes, suscite des récits, informe sur les particularités géographiques, ethnologiques, sert de modèle à une métaphorisation spirituelle (dès la Bible: Paolo De Benedetti). Pour en appréhender la valeur dans les transpositions scéniques, il faut donc explorer tous ces mélanges de formes, narrations et dramaturgie, prédicateurs, voyageurs et mise en scène et pour une fois il y a moins de théâtre que d’avatars du récit, et moins de tragédies que de formes sans nom: le pèlerin est une figure malléable (Michel Zink); faire une typologie des productions (Alda Rossebastiano, Corrado Bologna, Arturo Carlo Quintavalle) établit la richesse formelle et fonctionnelle du thème. Les incitations des prédicateurs magnifient l’entreprise (Carlo Delcorno).
Voyage d’occident vers Saint-Jacques (Anna Maria Testaverde, Robert Plötz) ou voyage d’Orient (Ferruccio Bertini) depuis l’antiquité, décrivent une géographie concrète, en même temps qu’ils figurent l’eschatologie (Dominique de Courcelles). Ce volume explore l’interdiscours religieux au fort de ce grand mouvement des contacts, ou l’errance comme figure spirituelle et sociologique, plus qu’il ne privilégie les formes théâtrales qui le mettent en scène et n’en sont qu’un aspect.
Thème aussi, mais cette fois capital pour le théâtre: XXIV (2000): Martiri e Santi in scena avec 16 communications et 5 bibliographies: italienne, française, anglaise, espagnole et russe, du Moyen-âge au XVIIe s. se resserre sur les genres et sur les héros dramatiques qui, bien avant la Contre-réforme, proposent aux spectateurs des modèles de vie et de mort, lient la représentation à une liturgie de célébration, et souvent à une fête, elle-même liée à la présence particulière de reliques par exemple, qui font qu’un saint est le cœur d’une communauté religieuse locale. Il faut combattre l’idée qu’il s’agit d’une forme seulement médiévale, parce que si, de fait, elle est médiévale (Elisabeth Lalou, Andrzej Dabrówka), elle s’épanouit comme instrument de la Contre-réforme. Analyses intertextuelles: l’hagiographie comme base narrative (Sofia Boesch Gaiano) va de Jacques de Voragine aux recueils plus historiques, unissant saints antiques et saints modernes locaux (Nicolas de Tolentino), certains sont tout à fait communs à l’occident, comme Marie Madeleine (Christine Richardson). L’iconographie continue l’édification des spectateurs (Anna Cavallaro). Mais les saints tout le temps ont des caractéristiques plus merveilleuses que la représentation des martyrs élaborées pour la Contre-réforme (Laura Auteri). Plus que les autres thèmes, le sujet se prête au pathos du terrible (la cruauté et la violence), au miracle, résurrection, résistance outre les forces humaines, et miracles cosmiques si besoin: le voile de Sainte Agathe freine une éruption du Mongibello chez Buonarroti le jeune…, étudié par Antonia Grimaldi et Donatella Di Mauro. Autrement dit le thème sollicite le savoir-faire des acteurs et des metteurs en scène pour une expressivité maximale qui touche le spectateur dans sa sensibilité: l’idéal est probablement de lui faire vivre en communion