Quatre mots. Anatole Velitchko. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Anatole Velitchko
Издательство: Издательские решения
Серия:
Жанр произведения: Поэзия
Год издания: 0
isbn: 9785005559906
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jeune corps.

      Mais sommes-nous en mesure d’imaginer

      Ce que voient les insectes

      Et ce qu’est pour eux la beauté ?

      Le sauna était de type finlandais :

      Vapeur sèche et température qui pouvait atteindre

      Jusqu’à cent quatre-vingts degrés.

      Une vraie fournaise.

      Avant d’y entrer

      J’enlevai tous mes vêtements.

      Une seule chose que je ne voulus pas ôter :

      Ma croix de baptême en aluminium,

      Suspendue à mon cou par un cordon.

      Je m’assis sur le banc du sauna.

      Le thermomètre indiquait cent quarante.

      Quand je me levais pour courir me jeter dans l’étang,

      La croix en métal se balança

      Puis se colla du côté gauche de ma poitrine

      Laissant une brûlure.

24 septembre 2019

      brosse chuchoter visage vérité

      Lors de mon premier mariage

      Ma femme

      (Nous étions tous les deux très jeunes)

      Me chuchota un jour à l’oreille

      Que je pourrais mettre

      Moins de dentifrice sur ma brosse à dents.

      Mon visage rougit.

      Je ressentis un vif sentiment d’humiliation.

      C’était la pure vérité

      Que j’avais une propension à la prodigalité.

      Mais le dentifrice ! la brosse !

      Et en plus, c’était moi qui ramenais l’argent à la maison.

      Évidemment, nous n’avons pas divorcé

      Pour des choses aussi futiles.

      Pour notre séparation nous avions des raisons

      Bien plus graves et profondes.

26 septembre 2019

      gloire arrêt silence lumière

      Sur l’avenue de la Gloire

      Qui traverse les quartiers résidentiels

      À la périphérie de Saint-Pétersbourg

      Il y avait un arrêt du bus N°116.

      Derrière s’étendait un grand terrain vague

      Ceint d’un mur de béton

      À moitié écroulé

      Sur lequel figurait un graffiti

      En énormes lettres rouges :

      «Gang d’Eltsine4 au tribunal!»

      Par un clair matin d’été

      Je restais là en attendant le bus.

      Il n’y avait personne autour —

      Seulement silence et lumière.

27 septembre 2019

      table papillon nuage poème

      Depuis déjà quelque temps, j’écrivais

      De la poésie rimée en langue russe.

      Chaque jour, rentrant de l’école,

      Je m’asseyais à mon bureau,

      Sortais d’une pile de papier à lettres

      Prévue à cet effet, une feuille

      Et me mettais à composer un poème.

      C’étaient les meilleurs moments

      De ma jeune vie.

      Rien ne pourrait être comparé

      À l’état dans lequel j’étais plongé

      Lors de cette création poétique.

      Un soir au tout début de l’automne

      Je ressentis une poussée d’inspiration

      Particulièrement intense.

      Une sorte d’envol musical

      Se produisit en moi.

      Je m’assis à la table, attrapai un crayon

      Et presque sans ratures ni corrections

      D’un trait j’écrivis un poème

      A propos duquel

      Je réalisai tout de suite :

      C’est mon chef-d’œuvre, c’est

      Le meilleur que j’ai écrit jusque-là.

      À la maison, tout le monde dormait.

      Je me faufilai dans la cuisine

      Et dérobai une cigarette

      Dans le tiroir de ma grand-mère.

      Maintenant je suis un vrai poète

      Comme Maïakovski5 ou Mandelstam6.

      Je dois donc fumer comme eux le font

      Sur les portraits accrochés

      Au-dessus de mon bureau.

      De retour dans ma chambre,

      Je m’assis sur le rebord de la fenêtre,

      Allumai la cigarette,

      Exhalai un nuage de fumée.

      J’étais un fumeur débutant

      Et ma tête se mit à tourner.

      Quoique, ce vertige était dû moins

      À l’effet du tabac corsé

      Qu’à mon incroyable réussite poétique :

      Sous la lampe de bureau

      Il y avait une feuille de papier ligné

      Couverte d’écriture au crayon

      – un miracle !

      Un papillon nocturne tournoyait sous la lampe.

      Je l’éteignis et je m’assis dans le noir

      Sur le rebord de la fenêtre ouverte

      Derrière laquelle bruissaient les arbres.

28 septembre 2019

      omelette bougie suinter écheveau

      Nous étions aux États-Unis,

      Dans une petite ville près de Boston,

      En visite chez mon copain de fac

      Qui vivait seul dans sa maison.

      Il était marié et avait une fille.

      Mais sa femme est partie juste après le dîner.

      Elle avait l’air étrangement heureuse,

      Alors que mon ami paraissait plutôt triste.

      Il


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Boris Eltsine (1931 – 2007) – homme politique russe, dirigeant de la Fédération de Russie de 1990 à 1999. Un des artisans de la dislocation de l’URSS à la fin 1991, perçue comme catastrophe nationale par de larges pans du peuple russe. Eltsine et ses gouvernements successifs faisaient souvent l’objet de haine populaire et de virulentes critiques de l’opposition parlementaire. Les députés du Parti communiste lui avaient notamment intenté un procès en vue de sa destitution, sans succès. Les « années Eltsine» sont restées dans la mémoire collective comme celles d’une paupérisation soudaine et brutale de toutes les classes sociales au profit d’un groupe émergeant d’oligarques et comme celles d’une humiliation sans précédent de la Russie.

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Vladimir Maïakovski (1893 – 1930) – poète russe résolument avant-gardiste et futuriste à ses débuts, il devient ardent partisan de la révolution socialiste de Lénine. Anti-bourgeois, il critique avec véhémence les vestiges de l’ancien régime dans la mentalité des citoyens, ainsi que la politique des puissances capitalistes. Pourtant, à la fin des années 1920, il vit une crise existentielle qui le conduit au suicide à l’âge de 36 ans. Staline toutefois parle de lui comme du « meilleur poète de l’époque », et ainsi Maïakovski devient pour les générations à venir le poète emblématique de la révolution. Son œuvre est abondamment étudiée à l’école.

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Ossip Mandelstam (1891 – 1938) – un des poètes russes les plus significatifs du 20e siècle, il fait ses débuts au groupe « acméiste » des poètes pétersbourgeois. Langage poétique recherché, vaste horizon culturel, émotions vives et complexes de ses poèmes font de lui une figure de premier plan. Pourtant, après la révolution d’Octobre 1917, il est de plus en plus marginalisé. Dans les années 1930, ses opinions politiques subissent de brusques métamorphoses. De sa haine viscérale envers Staline, il passe à l’adhésion sans réserve au culte de la personnalité de ce dernier. Ce qui ne l’a pas sauvé : arrêté en 1938, il meurt quelques mois après, malade et fou, dans un camp de transit à Vladivostok. La poésie de Mandelstam, n’étant pas formellement interdite en URSS, restait tout de même quasiment inconnue en dehors des cercles universitaires et littéraires.