Mais sommes-nous en mesure d’imaginer
Ce que voient les insectes
Et ce qu’est pour eux la beauté ?
Le sauna était de type finlandais :
Vapeur sèche et température qui pouvait atteindre
Jusqu’à cent quatre-vingts degrés.
Une vraie fournaise.
Avant d’y entrer
J’enlevai tous mes vêtements.
Une seule chose que je ne voulus pas ôter :
Ma croix de baptême en aluminium,
Suspendue à mon cou par un cordon.
Je m’assis sur le banc du sauna.
Le thermomètre indiquait cent quarante.
Quand je me levais pour courir me jeter dans l’étang,
La croix en métal se balança
Puis se colla du côté gauche de ma poitrine
Laissant une brûlure.
brosse chuchoter visage vérité
Lors de mon premier mariage
Ma femme
(Nous étions tous les deux très jeunes)
Me chuchota un jour à l’oreille
Que je pourrais mettre
Moins de dentifrice sur ma brosse à dents.
Mon visage rougit.
Je ressentis un vif sentiment d’humiliation.
C’était la pure vérité
Que j’avais une propension à la prodigalité.
Mais le dentifrice ! la brosse !
Et en plus, c’était moi qui ramenais l’argent à la maison.
Évidemment, nous n’avons pas divorcé
Pour des choses aussi futiles.
Pour notre séparation nous avions des raisons
Bien plus graves et profondes.
gloire arrêt silence lumière
Sur l’avenue de la Gloire
Qui traverse les quartiers résidentiels
À la périphérie de Saint-Pétersbourg
Il y avait un arrêt du bus N°116.
Derrière s’étendait un grand terrain vague
Ceint d’un mur de béton
À moitié écroulé
Sur lequel figurait un graffiti
En énormes lettres rouges :
«Gang d’Eltsine4 au tribunal!»
Par un clair matin d’été
Je restais là en attendant le bus.
Il n’y avait personne autour —
Seulement silence et lumière.
table papillon nuage poème
Depuis déjà quelque temps, j’écrivais
De la poésie rimée en langue russe.
Chaque jour, rentrant de l’école,
Je m’asseyais à mon bureau,
Sortais d’une pile de papier à lettres
Prévue à cet effet, une feuille
Et me mettais à composer un poème.
C’étaient les meilleurs moments
De ma jeune vie.
Rien ne pourrait être comparé
À l’état dans lequel j’étais plongé
Lors de cette création poétique.
Un soir au tout début de l’automne
Je ressentis une poussée d’inspiration
Particulièrement intense.
Une sorte d’envol musical
Se produisit en moi.
Je m’assis à la table, attrapai un crayon
Et presque sans ratures ni corrections
D’un trait j’écrivis un poème
A propos duquel
Je réalisai tout de suite :
C’est mon chef-d’œuvre, c’est
Le meilleur que j’ai écrit jusque-là.
À la maison, tout le monde dormait.
Je me faufilai dans la cuisine
Et dérobai une cigarette
Dans le tiroir de ma grand-mère.
Maintenant je suis un vrai poète
Comme Maïakovski5 ou Mandelstam6.
Je dois donc fumer comme eux le font
Sur les portraits accrochés
Au-dessus de mon bureau.
De retour dans ma chambre,
Je m’assis sur le rebord de la fenêtre,
Allumai la cigarette,
Exhalai un nuage de fumée.
J’étais un fumeur débutant
Et ma tête se mit à tourner.
Quoique, ce vertige était dû moins
À l’effet du tabac corsé
Qu’à mon incroyable réussite poétique :
Sous la lampe de bureau
Il y avait une feuille de papier ligné
Couverte d’écriture au crayon
– un miracle !
Un papillon nocturne tournoyait sous la lampe.
Je l’éteignis et je m’assis dans le noir
Sur le rebord de la fenêtre ouverte
Derrière laquelle bruissaient les arbres.
omelette bougie suinter écheveau
Nous étions aux États-Unis,
Dans une petite ville près de Boston,
En visite chez mon copain de fac
Qui vivait seul dans sa maison.
Il était marié et avait une fille.
Mais sa femme est partie juste après le dîner.
Elle avait l’air étrangement heureuse,
Alors que mon ami paraissait plutôt triste.
Il