Mesdames Nos Aïeules: dix siècles d'élégances. Albert Robida. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Albert Robida
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Документальная литература
Год издания: 0
isbn: 4064066074562
Скачать книгу
modes gauloises et franques, les modes mérovingiennes, dont quelques statues raides et hiératiques peuvent nous donner l'idée, se transformèrent peu à peu.

      Au milieu de sa cour, parmi les femmes de ses ducs et de ses comtes, qui montraient le goût le plus effréné pour la parure, les étoffes somptueuses et les bijoux, le grand Empereur à la barbe fleurie, Charlemagne, affectait pour lui-même au contraire, une grande simplicité de vêtements, comme d'autres grands empereurs ou rois, Frédéric II et Napoléon. Choqué par le déploiement de faste des femmes de sa famille, Charlemagne dut édicter les premières lois somptuaires, lesquelles ne furent suivies naturellement que par les simples bourgeoises, par les bonnes dames qui n'avaient que faire de défenses et de prohibitions pour se priver de somptuosités qu'elles ne pouvaient songer à s'acheter, faute d'argent.

      La société de ce temps-là, nous la voyons figée en grandes figures hiératiques, sculptées sous les porches romans de nos plus vieilles églises. Rangées de rois et de reines, raides et sévères, encadrés sous les vieilles arcatures, princes et princesses couchés sur les dalles funéraires, vieux spectres de pierre, taillés d'un rude et barbare ciseau, qui nous dira ce que vous étiez vraiment, ce qu'était, dans le mouvement et la vie, ce monde que vous dirigiez?

      Vous vous taisez, vous gardez votre secret, fronts mystérieux de fantômes sculptés, debout aux façades que vous avez fondées, ou couchés dans les musées qui vous ont recueillis.

      Nos villes où les gracieuses Françaises, filles de ces aïeules de pierre, se promènent dans le tourbillon pressé des foules, devant les brillants magasins de notre siècle vivant d'une vie si intense, nos vieilles cités existaient déjà toutes, mais combien de fois ont-elles fait peau neuve! Des vestiges de ces temps tout a disparu, les dernières pierres sont ensevelies sous les fondations des plus anciens monuments.

      Nous en savons presque aussi peu, des façons de vivre d'alors, que de la civilisation des villages de l'ère des dolmens, et c'est dans les premiers et plus anciens poèmes ou romans chevaleresques qu'il nous faut chercher çà et là à travers coups de lance ou de hache, quelques détails intimes sur la vie sociale d'alors.

      Le Surcot à garde-corps.

      Voici le moyen âge. L'influence byzantine de la Rome transplantée sur le Bosphore, règne d'abord dans le vêtement des femmes comme dans celui des hommes et domine vers l'époque des premières croisades.

      C'est alors le temps des longues robes à plis très fins, des doubles ceintures, une à la vraie taille et une sur les hanches, des voiles transparents.

      Coiffure de cérémonie. XIVe siècle.

      C'est bien une époque de transition, on voit la mode tâtonner, retourner en arrière et reprendre, avec quelques modifications, des formes oubliées; le costume romain, modifié d'abord par Byzance, arrangé, rendu semi-oriental, revient presque au jour.

      Puis soudain, à l'aurore du XIIIe siècle, quand les temps nouveaux commencent à sortir du crépuscule de la vieille barbarie, les modes nouvelles se dessinent, nettement, franchement.

      C'est la vraie naissance de la mode française, du costume purement français, français comme l'architecture dégagée aussi des imitations, des emprunts et des souvenirs de Rome et de Byzance, français comme l'art ogival jaillissant de notre sol.

      La statuaire, les vitraux et les tapisseries du moyen âge vont nous fournir les meilleurs documents. Ces figures sculptées en grand costume sur leurs tombeaux, sont de véritables évocations de nobles châtelaines, des portraits extrêmement remarquables avec tous les détails des ajustements, des robes et de la coiffure nettement indiqués, et quelquefois portant encore des traces de peinture qui nous donnent les couleurs du costume.

      Les vitraux sont encore plus intéressants, on trouve là des représentations de toutes les classes de la société, depuis la grande dame noble jusqu'à la femme du peuple: dans les vitraux commémoratifs, dans les vitraux des chapelles seigneuriales ou des chapelles de corporations des villes, dans les grandes compositions qui nous présentent si souvent, au bas des fenestrages, les portraits des donataires,—les dames nobles à opulents costumes, agenouillées en face de bons chevaliers en armures, les riches bourgeoises en face de leurs maris échevins ou notables.

      Les tapisseries sont quelquefois plus sujettes à caution comme vérité, l'artiste introduisant parfois des fantaisies décoratives dans ses compositions; néanmoins, que de figures donnant des indications précises et venant corroborer les autres renseignements et s'ajouter aux innombrables et merveilleuses illustrations des manuscrits.

      Sur la robe de dessous, sur la jupe ou la cotte, la femme du XIe siècle portait le bliaud ou bliaut, espèce de robe parée, de fine étoffe, serrée par une ceinture. Confectionné tout d'abord d'étoffe simplement gaufrée, le bliaut s'enrichit bientôt de dessins et d'ornements d'un joli style.

      On se perd dans les transformations du bliaut et de la cotte. La robe de dessous devient la cotte hardie et le surcot remplace le bliaud. Cette robe de dessous, très ajustée, est lacée par derrière ou par devant, et dessine bien les formes et contours du corps.

      Dans le costume paré, un garde-corps, ou devant de corsage de fourrure s'ajoute au surcot et lui donne un supplément de somptuosité. Mais la forme générale se modifie par mille dispositions particulières, cottes et surcots varient de toutes les façons, suivant les fantaisies du jour, le goût particulier, suivant la mode des provinces ou des petites cours princières ou ducales, isolées par circonstances ou situation.

      ROBE ET HOUPPELANDE HISTORIÉES XVe SIÈCLE.

      Elles sont superbes, les élégantes du moyen âge, avec leurs longues robes collantes, dont les dessins se répètent régulièrement, rosaces semées sur toute l'étoffe, carreaux alternés de couleurs différentes, faisant comme un damier de tout le corps, fleurs et ramages en larges dispositions, souvent tissées d'or ou d'argent. Ces étoffes font des plis superbes et drapent naturellement d'une façon sculpturale, des échantillons nous en restent dans les musées, nous pouvons juger de l'effet qu'elles devaient faire, coupées en belles robes traînantes.

      Noble Châtelaine.

      Les armoiries, nées avec les premières organisations sociales, avec les premiers chefs de clan ou chefs de guerre, mais régularisées plus tard, paraissent sur les robes des dames, timbrées comme les pavois des maris, d'écussons symétriquement disposés. Cet usage se développe, cette mode prend, comme nous dirions maintenant, et bientôt les armoiries s'étalent plus largement sur les robes dites cottes historiées.

      Voyons aux fêtes de la cour ou des châteaux, dans ces vastes salles ouvertes aujourd'hui aux vents des quatre points cardinaux, et hantées par les seuls corbeaux, derniers habitants des nobles ruines; voyons aux tables des festins d'apparat, entre les hautes cheminées et les tribunes des musiciens, ou bien encore sur les estrades ou eschaffaux, autour des lices où les chevaliers tournoient, ces nobles dames, aux robes du haut en bas armoriées et timbrées aux armes de leurs maris ou de leurs familles, arborant, ainsi que de superbes panonceaux vivants, toutes les belles inventions du blason, toutes les bêtes de la ménagerie héraldique, les lions et les léopards, les chimères et les griffons,