La diva. Édouard Cadol. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Édouard Cadol
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066327057
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de joindre un mot d’écrit à l’envoi.

      Elle pressentait qu’on le lui eût refusé.

      Les objets remis au commissionnaire, et celui–ci parti, elle s’assit posément et sans parler, sans faiblir, elle suivit les agissements des agents.

      Ils ramassaient, au hasard, tous les papiers; fouillant jusque sous les meubles, éventrant un matelas, sondant les murs et le parquet.

      Quand ce fut fini, ils lui déclarèrent qu’elle ne pouvait rester là; on allait poser les scellés sur les deux portes de la petite antichambre.

      Elle se leva silencieuse, ferma celle du carré, quand ils eurent achevé, puis elle redescendit.

      Déjà, au–dessous, le désordre était réparé en partie, et la bonne dressait le couvert.

      Adrienne passa dans la chambre de sa mère.

      Elle aperçut celle–ci à genoux devant une chaise où elle avait placé un crucifix. Elle priait.

      Ce spectacle produisit dans l’âme de la jeune fille une impression inattendue, inexplicable pour elle–même, mais spontanée et irrésistible.

      Sa mère lui parut misérable.

      Quoi! voilà tout ce qu’elle trouvait à faire pour conjurer un si effroyable malheur? Prier, attendre un secours occulte, venu par miracle! Il lui semblait que s’en fier là– dessus équivalait à un abandon.

      Sa fermeté de caractère s’en indignait presque, en dépit du respect filial.

      Alors, se renfermant dans le silence, se reprenant, se concentrant en elle seule, elle se retira dans sa chambre, et tombant sur un siège, elle se dit:

      –Il faut que, moi, je le délivre. Comment?

      Deux choses s’imposaient:

      Savoir quelle était la gravité du crime politique reproché à son père; et le soustraire au martyre de la déportation.

      Mais encore une fois: comment?

      A tout examiner, la jeune fille se voyait réduite à elle– même, à elle seule.

      En effet, qu’attendre de cette épouse, qui croyait sincèrement s’employer, en importunant les cieux? Rien!

      Dès ce moment, Adrienne mit sa mère de côté.

      Restait une difficulté aussi.

      Sauver son père, n’était pas tout. Elle connaissait son caractère; il l’eût reniée, maudite, plutôt que d’accepter la liberté à des conditions que son orgueil d’adversaire eût blâmées. Il avait profité d’une loi d’amnistie; il eût refusé une grâce.

      A une autre, le problème eût semblé insoluble. Mais Adrienne tenait de son père, et sans rien approfondir, elle se résuma résolument d’un mot:

      –Il le faut!

      A quel prix? qu’importe!

      C’était une vie à sacrifier, la sienne? Soit! On mourra à la peine? Tant pis! C’est un éternel sacrifice de joies légitimes de toutes sortes? Qu’y faire? Allons!…

      Elle avait bien, une première fois, fait acte de renoncement intentionnel, quitte à se réfugier dans l’art. Allait–elle marchander quand il s’agissait d’arracher son père aux tortures, que ne pouvaient manquer de lui prodiguer ses ennemis triomphants? Allons donc!

      Depuis son retour, Agénor avait conté à sa fille ce qu’il avait enduré pendant la première transportation.

      Elle le revoyait couvert de haillons, rongé de vermine, martyrisé dans ses chairs, par la température excessive, la brutalité, le bâton de la chiourme, épuisé, grelottant la fièvre, souffrant la faim et la soif, meurtri, sale et insulté.

      Et elle eût hésité à se dévouer, à faire abnégation totale de ses aspirations personnelles? Non!

      Jeunesse, amour, maternité, bien–être, gloire, que tout fût à jamais ruiné; mais que ce malheureux père fût soustrait à ces infamies.

      Cela, elle le voulait, à tous risques, à tout prix.

      Le soir, elle se rendit au théâtre, non pour retrouver Louis, elle l’avait oublié; mais dans l’espoir d’apprendre quelque nouvelle relative à son père.

      Son attente fut trompée. Le théâtre était morne; le foyer vide.

      Seul, le jeune compositeur s’y trouvait, assis devant la cheminée, comptant les minutes aux battements de son cœur.

      En apercevant Adrienne, il se leva et vint à elle avec empressement.

      Il avait de la joie plein les yeux: une joie honnête et franche, qui traduisait ingénument un espoir profond.

      La jeune fille lui prit la main, l’entraîna dans une embrasure, et, l’interrompant, au moment où il allait faire sa profession de foi:

      –Je sais, fit–elle doucement, et avec un sourire attendri, je sais ce que vous vous proposiez de me dire: «Vous m’aimez, vous voulez m’offrir votre main, une part de l’avenir heureux qui vous attend; que vous méritez.» C’est cela n’est–ce pas?

      –Oui, fit Skébel: ce n’est que cela!

      –Croyez–le, monsieur, reprit la jeune fille, il n’y a rien au monde qui pût me toucher davantage. Ce matin, en vous quittant j’étais résolue à m’en remettre à vous de mon existence. Sûre de mon cœur, je me sentais digne de votre attachement, car mon affection répond à la vôtre. Cependant, il faut renoncer à ce projet.

      Louis pâlit subitement.

      –Pourquoi? demanda–t–il d’une voix étranglée.

      –Pourquoi? répéta Adrienne. Parce que ma vie est peut– être perdue à jamais; parce que j’ai le triste devoir de me refuser au bonheur facile, qui est le patrimoine des autres femmes; parce que.

      Ses yeux s’étaient voilés de larmes.

      –Tenez, fit–elle, en voyant venir, montez avec moi dans ma loge; ce que j’ai à vous apprendre ne peut être entendu de personne.

      Louis la suivit, l’âme brisée.

      Une fois là, seule en face de ce garçon qui l’aimait, qui ne pouvait rester indifférent à son chagrin, elle cessa de se contraindre, et les pleurs inondèrent son visage.

      Les cœurs timides et naïfs ont des élans d’audace inconsciente. Louis saisit les mains de la jeune fille, et pleurant lui–même, il l’attira sur sa poitrine, l’entourant d’un bras, lui essuyant les yeux de son mouchoir, la cajolant, comme il eût fait d’un enfant.

      Elle le laissait agir, ne se rendant peut–être pas compte de la familiarité, mais pleine de confiance et d’abandon, touchée de la bonté qu’il montrait.

      Puis, après un moment, elle le fit asseoir à ses côtés, et lui dit tout.

      Deux heures après, Skébel sortait du théâtre, ne voyant pas ceux qui le saluaient au passage.

      Adrienne lui avait déclaré ses intentions d’abnégation et de renoncement absolues.

      Avant de songer à elle, il fallait qu’elle eût accompli une tâche, qui peut–être, hélas! était simplement l’impossible. Louis l’avait écoutée sans l’interrompre.

      Quand elle eût terminé:

      –Je comprends, lui dit–il; mais il n’appartient pas à des causes de ce genre de modifier mes sentiments pour vous; tout ce que je puis, c’est ne pas vous importuner. Tels ils sont, tels ils subsisteront en moi tant que je vivrai. Sachez qu’ils sont là, comme une épargne, un dépôt, que vous auriez confiés. Je vous aime et n’aimerai