La diva. Édouard Cadol. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Édouard Cadol
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066327057
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      –Ah Dieu, non! Je le sais bien!

      –Mon père est un insurgé de juin, un transporté de décembre.

      –Ça ne fait rien, dit Rodolphe, je vais voir à cela.

      –Ah! monsieur.

      –Bah! fit le fils de Son Excellence en l’interrompant, vous me remercierez après.

      Et sur l’heure, il envoya un mot à son père, pour lui dire qu’il avait besoin de le voir, toute affaire cessante, après minuit.

      En recevant le mot de son fils, à un bal d’ambassade, où Le Fauve avait dû se montrer, le dignitaire fronça le sourcil.

      Il en avait son saoûl de ce gaillard–là. Quoi qu’il eût pu faire, pour le séparer de l’espionne, il n’était arrivé à rien, et, si soigneux qu’il fût de lui tenir cachés les secrets du gouvernement, les rapports de la dame continuaient de contenir des renseignements dangereux.

      Le pis est que Rodolphe avait deviné l’intention, chez son père, d’expulser la comtesse. Il s’en était suivi une série de scènes atroces entre eux.

      Il avait fallu que l’Excellence y renonçât, se réduisît a jouer double jeu, c’est–à–dire à se laisser surprendre de fausses révélations. Une satanée tablature, en tout cas!

      Qu’y avait–il encore? Le dignitaire avait fort envie de se dérober; mais l’autre était si bien capable de lui servir un nouveau plat de sa façon, et de mettre les deux pieds dedans!

      Le plus sage était de savoir de quoi il retournait.

      A une heure du matin, Le Fauve rentrait à l’hôtel.

      –Monsieur Rodolphe attend Son Excellence, lui dit le valet de pied.

      En effet, le père trouva son fils dans son cabinet.

      –Écoute, dit celui–ci, je t’ai dérangé pour une affaire urgente, mais qui ne te coûtera rien.

      –Ça, c’est bon! fit l’homme d’État.

      –Il s’agit de mettre en liberté un bonhomme qui a peut–être bien un peu conspiré, mais qui doit plutôt vous embarrasser, car il est sur le point d’être déporté une seconde fois, sans que vous osiez le faire passer en jugement.

      –Comme tu y vas! reprit monseigneur.

      –Laisse–moi donc tranquille! Tu n’as qu’à le vouloir. En tout cas, comme il est à la veille d’être emballé, tu peux dès maintenant, sur l’heure, donner contre–ordre. On verra après.

      –Tu t’y intéresses donc bien?

      –Je ne le connais pas, mais il est le père d’une femme pour qui j’éprouve une passion que rien n’a pu dompter. Pour m’en distraire, j’ai tout essayé, rien n’a réussi. Je l’aime et je la veux; donne–moi la liberté de son père; il me la faut.

      Sans répliquer, l’ancien ministre se mit à une table, et, prenant une plume:

      –Tu l’appelles? demanda–t–il.

      –Agénor Baroit.

      –Où est–il?

      –A l’île de Ré.

      L’Excellence écrivit quelques lignes et demanda à son fils:

      –Tu as ton coupé?

      –Non.

      Prends le mien. Va porter cela à la préfecture. Ce n’est pas la liberté de ton protégé; il y faudra peut–être la croix et la bannière. C’est simplement le contre–ordre d’embarquement. Va vite!

      –Merci! dit Rodolphe en s’en allant.

      L’homme d’État avait compris, du premier coup, le parti qu’on pouvait tirer de l’incident.

      Ce devait être, avant tout, la rupture entre son fils et madame de Külm. Or, il était grand temps qu’on y avisât.

      Les jaloux de l’Excellence en avaient fait flèche pour attaquer son crédit, et l’avant–veille l’empereur, l’attirant à l’écart, lui avait manifesté du déplaisir à ce propos.

      Et voilà que Rodolphe lui apportait les moyens d’arriver au but, sans inconvénients; tendant, de lui–même, la tête au licou! Bonne aubaine!

      Toutefois, il fallait être sûr de son fait, étudier le terrain, et arriver à un marché en règle, avec arrhes de chaque côté.

      Dès l’aube, les réponses qu’il reçut aux messages envoyés par lui, durant la nuit,–une affaire d’État ne l’eût pas plus intéressé,–permirent à Le Fauve d’envisager exactement la situation.

      D’une part, l’embarquement d’Agénor était indéfiniment ajourné, et cela d’autant plus aisément qu’on n’y procédait qu’à contre–cœur; les médecins en ayant signalé le danger.

      C’est que le malheureux paraissait à bout de forces. Les rhumatismes le torturaient, et l’on craignait la complication de quelque autre maladie du côté de la moelle.

      Le médecin avait prononcé le mot: ataxie.

      Depuis quelque temps, en outre, la puissance cérébrale diminuait. Il était endormi, lourd; l’attention soutenue le fatiguait. On craignait quelque chose.

      Là devant, l’Excellence donna pour instruction formelle, de garder ces renseignements absolument secrets, et de prodiguer les plus grands soins au prisonnier.

      –Diable! se dit Le Fauve, s’il allait nous faire la mauvaise farce de mourir!…

      Quant aux nouveaux rapports qu’on adressa sur Adrienne, à l’homme d’État, ils ne firent que confirmer les anciens. Il les étudia consciencieusement, et conclut ainsi:

      –«Cette fille est incapable d’aimer jamais un pantin tel que Rodolphe. Il n’y a pas à l’entraîner, à la convaincre, il faut la réduire ou y renoncer. Pas de milieu. De la fermeté de caractère dont elle est, il est indispensable de prendre ses précautions: donnant, donnant!…»

      Cependant il restait navré et humilié de tout cela et, sa détermination prise, il referma le dossier en ajoutant:

      –C’est égal. Sale besogne!

      Mais le moyen de s’y soustraire?

      A tout prix, il fallait que Rodolphe rompît avec la comtesse de Külm, et puisqu’il n’y avait que ce moyen d’y arriver, tant pis!

      La seule question qui subsistât était celle–ci: Qui se chargerait de proposer délicatement le marché à la jeune fille?

      On ne pouvait se confier à quelque agent subalterne. L’opération exigeait de la discrétion, un tact exquis, une extrême prudence, car, avant tout, rien de cette affaire ne devait transpirer jamais!

      Il fallait donc que le négociateur fût, à tout le moins en apparence, considérable.

      Où chercher?

      Et voilà qu’un matin, durant l’audience habituelle, l’huissier fit passer à monseigneur une carte sur laquelle on lisait:

      «Ludowig Warth.»

      Le Fauve y jeta les yeux et poussa une exclamation de joie. Plus heureux que Diogène, il avait trouvé son homme.

      Pour en venir plus tôt à ce qui lui tenait au cœur, l’ancien ministre accorda tout ce que lui demandait le solliciteur présent; puis, celui–ci parti, il revint à cette carte et donna ordre d’introduire.

      Si quelqu’un eût pu lire dans la pensée de l’homme d’État, ce quelqu’un eût été fort surpris de son exclamation de joie en voyant entrer