Histoire abrégée de la liberté individuelle chez les principaux peuples anciens et modernes. Louis Nigon De Berty. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Louis Nigon De Berty
Издательство: Bookwire
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Жанр произведения: Документальная литература
Год издания: 0
isbn: 4064066325930
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rien par eux-mêmes; leur pécule appartenait à leurs maîtres , et les enfans partageaient la destinée de leurs mères.

      Les coloni liberi s’éloignaient moins des citoyens; exempts de tout impôt personnel, ils ne payaient qu’une redevance annuelle en denrées ou quelquefois en argent. Avaient-ils à se plaindre de leurs maîtres? la voie criminelle leur était ouverte; ils pouvaient acquérir des immeubles, mais défense leur était faite de les vendre, d’accepter aucune fonction et de servir comme soldats.

      La condition des coloni liberi ressemblait à peu près à celle des serfs attachés à la glèbe sous le régime féodal; le servage ne fut en effet que la transition de l’esclavage à la domesticité.

      L’organisation municipale reçut aussi, sous les empereurs, un nouveau développement. Dans chaque ville romaine, la Curie ( espèce de conseil municipal dont les membres, appelés décurions, furent d’abord choisis par le gouverneur de la province et ensuite élus par le peuple) était chargée des affaires particulières de la cité, et nommait aux fonctions publiques. Deux magistrats annuels, nommés duumvirs, la présidaient; ils portaient la robe prétexte et avaient presque la même autorité que les consuls à Rome . Les officiers de l’empire ne s’occupaient que d’assurer le maintien de l’ordre public et la perception des impôts; du reste, l’administration et la police intérieure des cités demeuraient tout entières entre les mains des décurions. Malheureusement ces fonctionnaires, investis de cette autorité locale qui exerce une influence de tous les instans sur le bien-être des particuliers, en abusèrent pour les opprimer .

      On vit s’élever, sous les empereurs chrétiens, une autre magistrature municipale, celle des défenseurs des cités ( defensores civitatum). Protéger les intérêts de la classe inférieure du peuple, partout si dédaigneusement négligée, fut leur plus belle attribution: «Montrez-vous les pères des plébéiens,

       » leur disaient Valentinien et Théodose, soutenez

      » le pauvre habitant des campagnes et

       » des villes contre les injustices des chefs; ne

       » souffrez pas qu’on les surcharge ni qu’on les

       » dépouille; vous devez les défendre comme

       » vos enfans .» Plus tard, cette magistrature paternelle tomba dans le mépris ; elle subsistait cependant encore après l’invasion des Barbares.

      Ainsi, durant cette troisième période, la position des Romains, affligeante sous plusieurs rapports, ne fut pas cependant sans compensation. Si, d’un côté, ils gémirent écrasés sous le despotisme, si leurs fortunes et leurs vies ne furent que trop souvent abandonnées aux caprices d’un tyran, ou aux brutales passions d’une soldatesque effrénée; de l’autre, l’humanité pénétra dans les lois civiles et criminelles, les esclaves sentirent le poids de leurs chaînes s’alléger; à la voix du christianisme, les ames s’épurèrent et s’agrandirent, les affections de famille furent mieux-comprises, les droits de la faiblesse et de l’innocence plus respectés; on commença enfin à s’apercevoir que la liberté du foyer domestique contribue plus au bonheur de l’homme que la liberté de la place publique.

       Table des matières

      DU DROIT D’ASILE CHEZ LES ANCIENS ET LES MODERNES.

      DÈS les premiers siècles du paganisme, un homme, esclave ou libre, au moment d’être arrêté pour une cause quelconque, pouvait se réfugier dans des édifices privilégiés, et se mettre ainsi à l’abri des poursuites judiciaires et des fureurs du peuple. L’arracher de ces espèces de forteresses, inaccessibles à la justice humaine, eût été un exécrable sacrilège; on laissait aux Dieux le soin de punir ceux qui avaient imploré leur miséricorde; tels étaient les principaux effets du droit d’asile.

      Ce droit, si puissamment protecteur de la liberté individuelle, fut d’abord fondé sur des motifs d’humanité ; dans ces âges de fer où la force physique était la principale loi, il parut équitable d’ouvrir aux accusés des ports de salut, de donner ainsi à l’innocence les moyens de se justifier, et au criminel le tems de se repentir.

      Le droit d’asile, dont l’origine est presque aussi ancienne que le monde , s’appliqua dans le principe aux homicides involontaires; il avait pour but de soustraire à la vengeance des héritiers de la victime des hommes plus malheureux que coupables; mais bientôt on en abusa. Les assassins se précipitèrent, les mains encore ensanglantées, dans les lieux de refuge, et fièrement appuyés sur les autels des Dieux qu’ils venaient d’outrager, ils bravèrent la sévérité des lois; ainsi, par l’erreur d’une religion mal entendue, le droit d’asile plaça le crime sous la protection du ciel .

      Ce droit fut établi en Egypte ; Moïse le consacra dans la Judée, mais il en réserva sagement l’usage à l’homicide par imprudence . L’infortuné, qui l’avait commis, se retirait incontinent dans une des six villes d’asile; dès qu’il avait prouvé devant les magistrats la pureté de ses intentions, il demeurait en sureté dans là cité qu’il avait choisie loin des regards des parens du défunt, et trouvait la consolation de son exil dans le bonheur d’habiter une ville nationale. S’il ne justifiait pas sa conduite, il ne jouissait point du bénéfice de la loi. Quant à l’auteur d’un crime, il ne lui était permis, dans aucun cas, de l’invoquer; vainement se serait-il caché dans le tabernacle? malgré la sainteté du lieu, la loi ordonnait de l’en expulser . Le prêtre coupable pouvait être également arrêté dans le temple. Joab, le meurtrier d’Abner, d’Absalon et d’Amasa, croit, en se sauvant dans le sanctuaire, se dérober à la justice de Salomon; il reçoit la peine de ses forfaits sur les marches mêmes de l’autel de Jéhovah .

      Le droit d’asile fut importé de la Judée dans la Phénicie, la Crète et la Grèce, mais sans les utiles tempéramens qu’avait prescrits le génie de Moïse; à Lacédémone, on vit des brigands, des concussionnaires, des condamnés à mort ravir leurs têtes au bourreau en se jetant dans le temple de Pallas .

      A Athènes, la cupidité des prêtres, qui prélevaient à leur profit une sorte d’impôt, attribua ce droit aux tombeaux des héros, aux statues d’Harmodius et d’Aristogiton, et même aux bois sacrés qui entouraient les temples . Les autels, élevés dans chaque maison aux dieux pénates, devinrent aussi un asile pour les crimes consommés dans l’enceinte domestique.

      Les lieux de refuge, quoique très nombreux sous le paganisme où tout était Dieu, furent néanmoins toujours inviolables; personne n’aurait osé attenter à la liberté de l’homme le plus méprisé qui s’y serait renfermé ; mais souvent on eut recours à l’artifice pour l’en éloigner. Tantôt un grand feu était allumé sur l’autel qu’il tenait embrassé, tantôt on murait les portes du temple où Pausanias avait cherché un dernier appui contre les éphores .

      On a déjà remarqué plus haut que Rome dut au droit d’asile une grande partie de sa population; Romulus et Remus, ses fondateurs, y créèrent un lieu de refuge qui s’appela le temple du dieu Asilæus. Dans la suite, les asiles se multiplièrent tellement en Italie que les magistrats purent difficilement exercer la police; le sénat, sous Tibère, fut obligé d’en réduire le nombre.

      A Rome, les criminels avaient encore une autre chance d’éviter leur châtiment. Lorsqu’on les menait au supplice, rencontraient-ils, par un pur effet du hasard, une vestale? ils pouvaient recourir à sa pitié et la supplier d’user à leur égard du droit de grâce, qui lui avait été accordé comme une prérogative de sa vertu .

      Plusieurs lieux d’asile étaient communs aux hommes libres et aux esclaves; mais il en existait quelques-uns particuliers à ces derniers, tels que le mausolée qui contenait à Athènes les restes de Thésée. Ici l’on s’étonne de voir les anciens, généralement si durs, si inhumains envers leurs esclaves, étendre