Histoire abrégée de la liberté individuelle chez les principaux peuples anciens et modernes. Louis Nigon De Berty. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Louis Nigon De Berty
Издательство: Bookwire
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Жанр произведения: Документальная литература
Год издания: 0
isbn: 4064066325930
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Romains en six tribus; dans la sixième se trouvaient les affranchis auxquels on refusait l’honneur de combattre dans les armées . Les plébéiens donnaient leurs suffrages dans les assemblées, et jouissaient de tous les droits de citoyen; cependant ils furent exclus des honneurs et des dignités.

      On attribue à Romulus l’établissement du patronage ; désirant entretenir entre les diverses parties de la société cette harmonie si nécessaire à la tranquillité publique, il prescrivit à chaque plébéien de se choisir parmi les patriciens un patron. Dès ce moment, il s’établissait entr’eux deux des rapports de bienveillance et d’égards. Le patron devait veiller sur ses cliens comme un père sur ses enfans; et le client, vivant en quelque sorte sous sa dépendance, était tenu de lui prodiguer partout des marques de déférence et de respect; le tems vint étendre encore ces obligations réciproques; quiconque les violait, pouvait être tué comme sacrilège.

      Dès les premières années de la fondation de Rome, le frère de Rémus accorda le droit de vie et de mort aux pères sur leurs enfans, aux maris sur leurs femmes, aux maîtres sur leurs esclaves; cette législation barbare substitua aux douces affections de la famille des sentimens de crainte et de méfiance; elle troubla le charme des relations les plus intimes, et accoutuma les enfans à voir dans leur père un tyran plutôt qu’un ami. Ne soyons plus surpris maintenant si les moeurs des Romains ont toujours conservé quelque chose de dur et de farouche qui rappelait la rudesse de leurs ancêtres.

      La contrainte par corps fut aussi introduite à Rome dès l’origine; le créancier pouvait emmener et garotter son débiteur aussitôt que le roi le lui avait adjugé. Servius Tullius modifia une loi si contraire à la liberté individuelle; il n’accorda aux créanciers que la faculté de poursuivre sur les biens seuls le recouvrement de leurs dettes.

      Rien ne prouve que l’administration de la justice ait été soumise à des règles déterminées; la volonté des rois tenait lieu de loi; ils se réservèrent d’abord le pouvoir de juger les crimes, puis le déléguèrent en grande partie à des magistrats nommés duumvirs capitaux; on pouvait appeler de leurs décisions au peuple. Horace, dans l’enivrement de la victoire, souille ses mains du sang de sa sœur; les duumvirs le condamnent à mort; mais il défère leur sentence à l’assemblée du peuple, et les lauriers, dont sa tête est couronnée, la sauvent du dernier supplice.

      Les peines d’ailleurs, incertaines comme les autres parties du droit, étaient laissées à l’arbitrage des rois ou de leurs délégués. «Populus

      » sine lege certâ (dit la loi 2 au digeste de

       » origine juris), sine jure certo primùm agere

       » instituit, omniaque manu à regibus

      » gubernabantur.» On a remarqué la rigueur du petit nombre de lois pénales recueillies dans le code Papyrien .

      La première prison fut construite au centre de la ville par l’ordre d’Ancus Martius ; elle atteste que l’on commença sous ce prince à priver les criminels de leur liberté.

      Les rois de Rome occupèrent le trône 244 ans; si l’on jugeait leur gouvernement par la haine profonde des Romains pour la royauté depuis son abolition, on serait tenté de maudire leur tyrannie; cependant le dernier Tarquin mérita seul cette réprobation; les autres souverains, quoiqu’investis d’une autorité illimitée sur plusieurs points, ne paraissent pas avoir opprimé leurs sujets ; après l’assassinat de Romulus, les sénateurs ne parvinrent à calmer la fureur du peuple qu’en dressant des autels à leur victime. Numa, Ancus Martius, Tarquin l’Ancien, Servius Tullius consacrèrent leurs règnes à fonder d’utiles établissemens, à perfectionner les lois. L’équilibre, que la constitution tendait à maintenir entre le roi le sénat et le peuple, subsistait encore à l’avénement de Tarquin le Superbe; ce prince voulut le détruire; il fut détrôné.

      Si, durant cette première période, les Romains ne connurent pas le bonheur matériel, ce fut plutôt la faute des grands que celle des rois. Les patriciens abusèrent de l’influence que leur assurait leur fortune; et le peuple, accablé d’impôts, gémit en proie aux odieuses exactions des usuriers .

      Des Romains sous les consuls.

      La révolution, qui éleva deux consuls à la place d’un roi, ne changea pas la condition des plébéiens; elle ne fit que développer en eux le sentiment de leur force et proclamer le principe de la souveraineté du peuple. Les consuls héritèrent du pouvoir et de la plupart des honneurs de la royauté. Seize ans après l’expulsion de Tarquin, les plébéiens résolurent de s’opposer à l’ambition toujours croissante des patriciens; ils quittèrent en masse la ville, et se retirèrent sur une montagne désignée depuis sous le nom de Mont-Sacré. Le motif apparent de cette insurrection fut l’insatiable avidité des créanciers; le peuple demanda énergiquement la remise des dettes, et des magistrats préposés à la défense de ses droits. Tout lui fut concédé ; il rentra triomphant dans Rome, précédé de ses tribuns; de cette époque date véritablement la liberté politique dont les Romains jouirent sous la république.

      Le sénat délibéra, le peuple décida, et les consuls exécutèrent. Les attributions des consuls, fort étendues en tems de paix, l’étaient plus encore durant la guerre; ils commandaient à la tête des armées comme des maîtres absolus. mais leurs fonctions électives restèrent toujours annuelles. En les quittant, ils rendaient compte de leurs actes au peuple et rencontraient souvent en lui un juge sévère.

      Plusieurs magistrats furent successivement créés, ou parvinrent à relever l’importance de leurs charges, tels que les questeurs, les édiles, les préteurs, les censeurs. Institués d’abord pour faire le cens ou le dénombrement des citoyens, ces derniers s’arrogèrent peu à peu l’inspection des mœurs et de la conduite privée. A l’époque du cens, qui avait lieu tous les cinq ans, ils rayaient, à leur volonté, de la liste des sénateurs le patricien qui s’était rendu indigne de son rang, fesaient descendre dans une classe inférieure le citoyen signalé par quelque action répréhensible, et pouvaient infliger une note au dissipateur, au négligent administrateur de ses biens, au célibataire sans motif légitime, à tout homme enfin qui étalait un luxe immodéré : cette note n’avait rien d’infamant; c’était une simple censure; mais pour obtenir quelque dignité, il fallait mériter par une conduite plus régulière qu’elle eût été effacée par les censeurs qui leur succédaient.

      Ces diverses magistratures se croisaient, se limitaient mutuellement; la surveillance, qu’elles exerçaient l’une sur l’autre, tournait en réalité au profit du citoyen. Bientôt les censeurs furent très redoutés; chargés de l’exécution des lois somptuaires, leurs regards scrutateurs pénétraient dans l’intérieur des familles; ils ont long-tems contribué à maintenir la pureté des moeurs; sous ce rapport, leur influence sur la prospérité de Rome est incontestable; en suspendant les ravages de la corruption, ils arrêtèrent l’impétuosité du torrent qui devait renverser leur patrie.

      Les tribuns n’avaient reçu d’abord que la mission de défendre les intérêts du peuple. Peu à peu, on les vit présider ses assemblées, les convoquer à leur gré, citer devant elles presque tous les fonctionnaires, s’opposer aux décrets du sénat, les casser, publier des réglemens et des lois, quelquefois même faire emprisonner les consuls et condamner les dictateurs à l’amende.

      Jamais les tribuns n’eurent le droit d’appeler un citoyen et de le forcer à comparaitre devant leur tribunal, ce qu’on appelait à Rome jus vocandi; mais, par une étrange bizarrerie, ils possédaient celui de le faire saisir et amener devant eux, ce qu’on nommait le jus prehendendi. Un agent, nommé viator, qui les précédait toujours en public, mettait leurs ordres à exécution. On avait déclaré leurs personnes sacrées, on leur donnait même le titre de sacro-sancti (religieusement saints), de sorte que la religion les couvrait encore de sa puissante égide.

      L’infatigable ambition des tribuns troubla souvent la sécurité de la république romaine; Tiberius et Caius Gracchus, les plus illustres d’entr’eux, périrent l’un et l’autre assassinés dans une émeute . Le sénat, de son côté, exploita