Vous trouverez ci-joint des lettres de la plus grande importance, entre autres celle où il est question de l'entretien de Louis XVIII avec plusieurs de nos postes à l'armée du Rhin.
La nouvelle de ces pourparlers se répète dans toutes les lettres d'émigrés; je crois qu'il est urgent d'y mettre ordre.
Vous trouverez ci-joint l'état de ce que nous avons pris à Pavie: cela est très-considérable. Nous avons des magasins à Tortone, à Coni, à Ceva et à Mondovi.
Le duc de Parme n'ayant ni fusils, ni canons, ni places fortes, on n'a rien pu lui demander en ce genre.
Vous trouverez ci-joint une adresse à l'armée.
Vous trouverez aussi ci-joint la suspension que j'ai accordée au duc de Modène; vous y verrez que c'est 10,000,000 de plus pour la république. Comme il n'a ni forteresses, ni fusils, il n'a pas été possible de lui en demander.
BONAPARTE.
P.S. Parmi les lettres d'émigrés ci-jointes, vous en trouverez une d'un prêtre qui écrit de Paris au cardinal de Zelada: quoiqu'il ne signe pas, il sera facile de le connaître, puisqu'il dit avoir soupé avec le général Dumuy la veille du départ de celui-ci. Une fois que le ministre de la police connaîtra ce correspondant de monseigneur le cardinal, il lui sera facile, en le faisant suivre pendant plusieurs jours, de parvenir à en connaître d'autres. Vous y trouverez aussi le nom d'un négociant de Lyon, qui fait passer des fonds aux émigrés.
Au quartier-général à Milan, le 5 prairial an 4 (24 mai 1796).
Au citoyen Oriani.
Les sciences qui honorent l'esprit humain, les arts qui embellissent la vie et transmettent les grandes actions à la postérité, doivent être spécialement honorés dans les gouvernemens libres. Tous les hommes de génie, et tous ceux qui ont obtenu un rang dans la république des lettres, sont frères, quel que soit le pays qui les ait vus naître.
Les savans dans Milan n'y jouissaient pas de la considération qu'ils devaient avoir. Retirés dans le fond de leurs laboratoires, ils s'estimaient heureux que les rois et les prêtres voulussent bien ne pas leur faire de mal. Il n'en est pas ainsi aujourd'hui, la pensée est devenue libre dans l'Italie: il n'y a plus ni inquisition, ni intolérance, ni despotes. J'invite les savans à se réunir et a me proposer leurs vues sur les moyens qu'il y aurait à prendre, ou les besoins qu'ils auraient pour donner aux sciences et aux beaux-arts une nouvelle vie et une nouvelle existence. Tous ceux qui voudront aller en France seront accueillis avec distinction par le gouvernement. Le peuple français ajoute plus de prix à l'acquisition d'un savant mathématicien, d'un peintre en réputation, d'un homme distingué, quel que soit l'état qu'il professe, que de la ville la plus riche et la plus abondante.
Soyez donc, citoyen, l'organe de ces sentimens auprès des savans distingués qui se trouvent dans le Milanais.
BONAPARTE.
Brescia, le 10 prairial an 4 (29 mai 1796).
A la république de Venise.
C'est pour délivrer la plus belle contrée de l'Europe du joug de fer de l'orgueilleuse maison d'Autriche, que l'armée française a bravé les obstacles les plus difficiles à surmonter.
La victoire, d'accord avec la justice, a couronné ses efforts; les débris de l'armée ennemie se sont retirés au-delà du Mincio. L'armée française passe, pour les poursuivre, sur le territoire de la république de Venise; mais elle n'oubliera pas qu'une longue amitié unit les deux républiques.
La religion, le gouvernement, les usages seront respectés; la plus sévère discipline sera maintenue; tout ce qui sera fourni à l'armée sera exactement payé en argent.
Le général en chef engage les officiers de la république de Venise, les magistrats et les prêtres à faire connaître ses sentimens au peuple, afin que la confiance cimente l'amitié qui depuis long-temps unit les deux nations.
Fidèle dans le chemin de l'honneur comme dans celui de la victoire, le soldat français n'est terrible que pour les ennemis de la liberté et de son gouvernement.
BONAPARTE.
Au quartier-général de Peschiera, le 13 prairial an 4 (1er juin 1796).
Au directoire exécutif.
Citoyens directeurs,
Après la bataille de Lodi, Beaulieu passa l'Adige et le Mincio. Il appuya sa droite au lac Garda, sa gauche sur la ville de Mantoue, et plaça des batteries sur tous les points de cette ligne, afin de défendre le passage du Mincio.
Le quartier-général arriva, le 9, à Brescia; j'ordonnai au général de division Kilmaine de se rendre, avec quinze cents hommes de cavalerie et huit bataillons de grenadiers, à Dezinzano. J'ordonnai au général Rosca de se rendre, avec une demi-brigade d'infanterie légère, à Salo. Il s'agissait de faire croire au général Beaulieu que je voulais le tourner par le haut du lac, pour lui couper le chemin du Tyrol, en passant par Riva. Je tins toutes les divisions de l'armée en arrière, en sorte que la droite, par laquelle je voulais effectivement attaquer, se trouvait à une journée et demie de marche de l'ennemi. Je la plaçai derrière la rivière de Chenisa, où elle avait l'air d'être sur la défensive, tandis que le général Kilmaine allait aux portes de Peschiera, et avait tous les jours des escarmouches avec les avant-postes ennemis, dans une desquelles fut tué le général autrichien Liptay.
Le 10, la division du général Augereau remplaça à Dezinzano celle du général Kilmaine, qui rétrograda à Lonado, et arriva, la nuit, à Castiglione. Le général Masséna se trouvait à Monte-Chiaro, et le général Serrurier à Montze. A deux heures après minuit, toutes les divisions se mirent en mouvement, toutes dirigeant leur marche sur Borgetto, où j'avais résolu de passer le Mincio.
L'avant-garde ennemie, forte de trois à quatre mille hommes et de dix-huit cents chevaux, défendait l'approche de Borgetto. Notre cavalerie, flanquée par nos carabiniers et nos grenadiers, qui, rangés en bataille, la suivaient au petit trot, chargea avec beaucoup de bravoure, mit en déroute la cavalerie ennemie, et lui enleva une pièce de canon. L'ennemi s'empressa de passer le pont et d'en couper une arche: l'artillerie légère engagea aussitôt la canonnade. L'on raccommodait avec peine le pont sous le feu de l'ennemi, lorsqu'une cinquantaine de grenadiers, impatiens, se jettent à l'eau, tenant leurs fusils sur leur tête, ayant de l'eau jusqu'au menton: le général Gardanne, grenadier pour la taille et le courage, était à la tête. Les soldats ennemis croient revoir la fameuse colonne du pont de Lodi: les plus avancés lâchent pied; on raccommode alors le pont avec facilité, et nos grenadiers, en un instant, passent le Mincio, et s'emparent de Valeggio, quartier-général de Beaulieu, qui venait seulement d'en sortir.
Cependant les ennemis, en partie en déroute, étaient rangés en bataille entre Valeggio et Villa-Franca. Nous nous gardons bien de les suivre; ils paraissent se rallier et prendre confiance, et déjà leurs batteries se multiplient et se rapprochent de nous: c'était justement ce que je voulais; j'avais peine à contenir l'impatience ou, pour mieux dire, la fureur des grenadiers.
Le général Augereau passa, sur ces entrefaites, avec sa division; il avait ordre de se porter, en suivant le Mincio, droit sur Peschiera, d'envelopper cette place, et de couper les gorges du Tyrol: Beaulieu et les débris de son armée se seraient trouvés sans retraite.
Pour empêcher les ennemis de s'apercevoir du mouvement du général Augereau, je les fis vivement-canonner du village de Valeggio; mais l'ennemi, instruit par ses patrouilles de cavalerie du mouvement du général Augereau, se mit aussitôt en route pour gagner le chemin de Castel-Nuovo: un renfort de cavalerie qui leur arriva les mit à même de protéger leur retraite. Notre cavalerie, commandée par le général Murat, fit des prodiges de valeur; ce général dégagea lui-même plusieurs chasseurs que l'ennemi était sur le point de faire prisonniers. Le