Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires. Galopin Arnould. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Galopin Arnould
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066083403
Скачать книгу
possible!

      —Oh! ce n'est pas fameux, je vous préviens, mais enfin, faute de grives...

      —Oui... oui... exposez votre idée.

       Table des matières

      OU JE REPRENDS ENFIN L'AVANTAGE

      Je rapprochai du divan la chaise sur laquelle j'étais assis à califourchon, et dis à Manzana qui s'était soulevé sur son coude et me regardait anxieux:

      —Pour entreprendre le voyage en Hollande dont je vous ai parlé, il nous fallait environ deux mille francs, mais puisque nous avons décidé de passer en Angleterre, nous pouvons nous contenter d'une somme plus modeste... Nous verrons là-bas, à nous arranger... J'ai d'ailleurs quelques amis à Londres, et ils ne demanderont certes pas mieux que de m'obliger... Pour le moment, il nous faudrait au minimum trois cents francs...

      —Vous croyez?

      —Oui...

      —Mais au point où nous en sommes, mon cher Pipe, trois cents francs sont aussi difficiles à trouver que deux mille...

      —Ce n'est pas mon avis...

      —Vous verriez donc une combinaison?

      —Oui...

      —Mon cher Pipe, vous êtes vraiment un homme de ressource...

      —Trêve de compliments, vous n'en pensez pas un mot...

      —Je vous assure...

      —Allons droit au but... Tout à l'heure, vous parliez de vendre les meubles de cet appartement, mais je vous ai fait comprendre que cela était impossible... Cependant, si vous ne pouvez faire argent des gros meubles, vous pouvez assez facilement vendre cette pendule, ces candélabres, cette statuette et les différents bibelots qui garnissent le salon. Si l'on ne peut emporter une commode ou un buffet, il est facile de sortir d'ici, en les dissimulant sous son pardessus, des objets moins encombrants... Le concierge n'y verra que du bleu.

      —Oui... oui... en somme, vous en revenez à ma première idée.

      —Pas précisément, puisque la vôtre était impraticable... Allons, ne perdons pas un instant, enveloppons tout de suite ce que nous voulons vendre...

      —C'est cela... cependant, êtes-vous sûr de trouver un acquéreur?

      —Oui...

      —Mais il exigera peut-être des renseignements... il ne consentira à payer qu'à domicile.

      —Ne vous inquiétez pas de cela... j'ai tout prévu...

      Manzana ne me demanda pas d'explications.

      Il était d'ailleurs dans un tel état d'avachissement que je faisais de lui tout ce que je voulais. Il tressaillait au moindre bruit, allait à chaque instant soulever le rideau de la fenêtre pour regarder dans la rue et s'il apercevait quelqu'un immobile, sur le trottoir d'en face, il s'imaginait aussitôt que la maison était surveillée, que des agents de la Sûreté l'épiaient et qu'il allait être arrêté.

      Au lieu de le rassurer, je prenais un malin plaisir à tout exagérer, tactique assez habile, qui mettait mon ennemi à mon entière discrétion.

      Je feignais d'être aussi inquiet que lui et lui rappelais continuellement, par quelque allusion naïve, la dame au manteau de loutre qui l'avait si vertement apostrophé en pleine rue.

      C'est dans les circonstances critiques que l'on peut vraiment juger un homme. Manzana, que j'avais pris tout d'abord pour un fieffé coquin à qui on n'en remontrait pas, n'était au fond qu'un être pusillanime, manquant totalement de sang-froid, en présence du danger. C'était une brute capable d'un crime, un impulsif, un de ces malfaiteurs vulgaires qui crânent, le revolver à la main, mais qui sont incapables de réagir lorsqu'il s'agit de dépister la justice.

      Je me promettais bien d'exploiter à mon profit le manque d'énergie de mon associé, mais, pour le moment, il n'y avait qu'à attendre.

      Pendant que nous emballions dans de vieux journaux les objets que nous avions résolu de vendre, un coup de sonnette retentit à la porte d'entrée...

      —Ça y est!... murmura Manzana qui était devenu blême.

      Et il restait là, planté devant moi, incapable d'une résolution quelconque.

      —Remettez-vous, lui dis-je, je vais ouvrir... Cachez-vous!... tenez, dans ce placard... non... il est trop en vue!... Passez plutôt dans votre chambre, et enfermez-vous à clef... Je vais parlementer avec le visiteur... fiez-vous à moi, je ferai tout pour vous sauver...

      Il y eut un nouveau coup de sonnette plus violent que le premier...

      —Vite!... vite... dis-je à Manzana... disparaissez...

      Il s'enfuit dans le salon, atteignit la porte de la chambre et s'enferma à double tour.

      Alors, très calme, j'allai ouvrir et me trouvai en présence d'un facteur.

      —M. Manzana?

      —C'est moi.

      —Voici une lettre recommandée, monsieur... Voulez-vous signer?

      Je fis entrer le facteur et apposai sur le livre qu'il me tendait un paraphe quelconque.

      Cela fait, je lui remis vingt sous de pourboire et l'homme sortit, se confondant en remerciements. J'appelai Manzana, mais il ne répondit point. J'allai à la porte de sa chambre et fus obligé de parlementer avec lui pendant près de cinq minutes, avant qu'il se décidât à ouvrir.

      Enfin, il se laissa convaincre et sortit, pâle comme un linge.

      —Ce n'était que le facteur, lui dis-je.

      Mais comme il se méfiait encore, je lui tendis le pli que je tenais à la main.

      Nous revînmes dans le bureau, il jeta un rapide coup d'œil autour de lui, puis enfin tranquillisé, se décida à ouvrir la lettre.

      —C'est la propriétaire qui m'écrit, dit-il... Elle m'annonce qu'elle revient de Nice le 5 janvier, et me rappelle qu'à cette date j'aurai mille francs à lui verser...

      —Cela ne nous intéresse pas... continuons notre travail... Voyons... voici une statuette qui vaut environ cent francs!... cette coupe qui est en argent en vaut bien autant... quant à ce vase bleu qui est là, sous vitrine, et à ce drageoir émaillé, nous nous en déferons facilement.

      Nous fîmes des paquets que nous plaçâmes sur la table du salon...

      Aux candélabres, nous ajoutâmes un sucrier en argent, une pendulette, une cafetière en vermeil, deux ou trois bibelots qui me parurent avoir quelque prix, puis nous nous concertâmes.

      —Je crois, dis-je à Manzana, qu'il est inutile d'attendre la nuit... nous pouvons partir maintenant...

      —Oui... en effet... mais ne pourriez-vous pas vous charger seul de la vente de ces objets?

      —Et vous?

      —Moi, je resterais ici.

      —Vous en avez de bonnes, vous... C'est cela, je vais vous laisser seul et, quand je serai parti, vous filerez avec mon diamant... Non, mon cher, je ne puis accepter cet arrangement-là... vous viendrez avec moi ou il n'y a rien de fait.

      —Mais vous savez que l'on est à ma recherche... si on m'arrête, vous reviendrez dans cet appartement, forcerez mon coffre-fort et reprendrez le Régent.

      —Avec des suppositions pareilles, nous irions loin... Etes-vous, oui ou non, disposé à passer en Angleterre?

      —Certes...

      —Eh