Aventures extraordinaires d'un savant russe: Le Soleil et les petites planètes. H. de Graffigny. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: H. de Graffigny
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066084165
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murmura Gontran désappointé après avoir tendu l'oreille durant quelques secondes, ça va encore être le diable pour causer avec ces gaillards-là...

      Et il ajouta, en frisant sa moustache:

      —Il devrait en être sur les mondes planétaires comme chez nous; la langue française devrait être la seule adoptée pour les usages internationaux.

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      Néanmoins, il écoutait avec une tension d'esprit inimaginable, saisissant des lambeaux de phrases, des mots, des syllabes, et il se faisait, dans son esprit, un travail singulier.

      —Si je ne craignais de m'abuser, songea-t-il, je parierais qu'il y a, dans cette langue, des réminiscences de Burnouf... serions-nous, par hasard, en présence de compatriotes d'Épaminondas et de Thémistocle?...

      Il fut tiré de ses réflexions par l'un des Vénusiens qui s'approcha, lui toucha la main et ensuite, se prosternant à ses pieds, les lui baisa.

      Surpris tout d'abord, Gontran se baissa, releva le Vénusien et se rappelant certaines relations de voyage à travers des peuplades sauvages, embrassa, bien que cela lui répugnât fort, l'individu sur la bouche.

      Aussitôt le visage de celui-ci s'illumina, il fit un geste à ses compagnons qui, s'approchant de Fricoulet et d'Ossipoff, les déshabillèrent rapidement et les frictionnèrent avec une vigueur prodigieuse.

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      Pendant ce temps-là, le Vénusien adressait un long discours à M. de Flammermont qui, en dépit de son attention soutenue, et des efforts considérables qu'il faisait pour rappeler à lui ses souvenirs classiques, ne comprenait absolument rien.

      Désespérant d'arriver jamais à un meilleur résultat, il finit par secouer la tête en montrant ses oreilles pour indiquer au Vénusien, qu'il dépensait, en pure perte, son éloquence.

      L'indigène parut fort mortifié et témoigna son désappointement par une exclamation dont la consonnance frappa étrangement l'oreille de Gontran.

      —Au diable! grommela-t-il—mais c'est du grec ça—du reste, nous allons bien voir.

      Et gravement, lentement, détachant bien les mots, il dit:

      Μηνιν Αιδε θεα Πηλεισδεω Αχιλλεος.

       Ουλομενην η μυριαχαιο, αλγη ετεχη.

      C'étaient les deux premiers vers de l'Iliade d'Homère, les deux seuls que sa mémoire eut conservés depuis dix ans qu'il avait franchi le seuil du Lycée Henri IV...

      Le Vénusien parut surpris, il saisit brusquement la main de Gontran, appela à lui un de ses compagnons, et désignant la langue du jeune homme puis ses propres oreilles, sembla demander une seconde édition de ce qu'il venait d'entendre.

      Complaisamment, M. de Flammermont obtempéra à ce désir, et, plus lentement encore que la première fois, il recommença:

      —Μηνιν Αιδε θεα Πηλειαδεω...

      Un franc éclat de rire éclata derrière lui.

      Brusquement il s'interrompit, et, se retournant, aperçut Fricoulet qui, assis sur le bord de sa couchette, se tenait les côtes.

      —Gontran qui parle grec! s'exclama-t-il... En voilà une forte!...

      Et dressant vers le ciel ses bras, dans un geste comico-tragique:

      —Ô mânes de Burnouf!... Quelle stupéfaction doit être la vôtre!

      Puis au jeune comte:

      —Mais continue, mon cher, dit-il, je t'en prie, continue; tu paraissais tenir ces messieurs sous le charme de tes réminiscences... je m'en voudrais de rompre ce charme...

      Ossipoff, que les énergiques frictions des Vénusiens avaient rappelé lui aussi à la vie, mit un terme aux railleries de l'ingénieur:

      —En vérité, monsieur Fricoulet, déclara-t-il d'un ton sec, je ne vous comprends pas; à vous entendre, on croirait que vous ne connaissez pas votre ami!... depuis quand, M. de Flammermont a-t-il jamais dit ou fait quelque chose d'où ne soit résulté un avantage pour nous!...

      Pendant que les Terriens causaient entre eux, les Vénusiens se taisaient écoutant curieusement ce langage incompréhensible et se communiquant leurs impressions par une mimique expressive et rapide.

      —Voyons, dit Ossipoff, en s'adressant à Gontran, expliquez-moi dans quel but vous récitez à ces gens des vers d'Homère?

      —Tout simplement mon cher monsieur, répondit le jeune homme, parce que, dans le long discours qui m'a été adressé tout à l'heure, j'ai cru remarquer quelque analogie avec les vagues réminiscences que j'avais conservées de mes classiques grecs.

      Le vieillard hocha la tête.

      —Rien n'est impossible, murmura-t-il pensivement.

      L'attention des Vénusiens, abandonnant M. de Flammermont, s'était reportée tout entière sur Mickhaïl Ossipoff dont la longue barbe blanche et l'air vénérable semblaient les impressionner vivement.

      Il s'aperçut de l'effet qu'il produisait sur les indigènes et, s'adressant à celui qui paraissait être le chef, celui-là même auquel Gontran avait récité de l'Homère, il se mit à lui parler le langage du grand poète de l'antiquité.

      Le Vénusien l'écouta attentivement, parut sinon comprendre, du moins deviner ce que lui disait le vieux savant; puis, quand celui-ci eut fini, il parla à son tour.

      Ensuite, faisant un signe, il ouvrit une porte percée dans la cloison et disparut suivi de ses compagnons.

      —Eh bien! demanda Gontran, où sommes-nous?... comment nous ont-ils sauvés?... ont-ils connaissance du passage de Sharp et de Séléna?

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