Ndura. Fils De La Forêt. Javier Salazar Calle. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Javier Salazar Calle
Издательство: Tektime S.r.l.s.
Серия:
Жанр произведения: Приключения: прочее
Год издания: 0
isbn: 9788835411178
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restai encore un moment sans bouger à écouter, jusqu’à être convaincu du fait que c’était bien celui-là que j’avais entendu et que le reste n’avait été que le fruit de mon imagination. Je me levai lentement en observant le sol avec attention, cherchant un autre serpent, mais celui que je voyais était le seul. Du moins le seul que je pus situer. Au début je pensais le contourner et m’éloigner, mais je me rappelai ensuite que l’on disait toujours que la chair de serpent avait le goût du poulet, qu’elle était très bonne. C’est du moins ce que disaient les anciens, quand ils racontaient leurs histoires sur la Guerre Civile et la faim dont ils avaient souffert. Cela me sembla une bonne occasion d’obtenir de la nourriture et, si en plus c’était bon, c’était encore mieux. Je cherchai un long bâton avec un bout en ‘V’ pour essayer de maintenir sa tête. Je sortis également le couteau de ma poche, l’ouvris et le mis à la ceinture de mon bermuda. Je trouvai une branche qui était tombée, parfaitement adéquate, et lui donnai la forme que je voulais, taillant une des extrémités en V, sans jamais quitter des yeux le serpent. Le processus de préparation me parut interminable et me fatigua terriblement, bien qu’en réalité cela ne demande aucun effort physique considérable.

      Lorsque je fus prêt, je m’approchai discrètement du serpent. Il ne parut pas s’en rendre compte ou m’ignora, il ne me prêta aucune attention. Quand j’étais à moins d’un mètre, je levai le bâton et le frappai à la tête de toutes mes forces. Il resta à moitié suspendu après le premier coup et je lui en donnai deux autres jusqu’à ce qu’il tombe au sol. Je lui attrapai la tête avec la fourche du bâton et appuyai très fort contre le sol. Le serpent bougeait convulsivement, sifflant sans arrêt, ce qui me terrifiait. Si je le lâchais pour le frapper à distance il pourrait m’attaquer, l’autre option était de m’approcher davantage et de lui planter le couteau. Rassemblant tout mon courage, je me rapprochai et écrasai fortement la queue, la pressant contre le sol pour essayer de l’immobiliser. Je m’accroupis et plantai le couteau juste en dessous de la tête de l’ophidien, plaquée au bâton, la laissant plantée dans le sol. Il n’arrêtait pas, malgré cela, d’essayer de bouger. J’ôtai donc le couteau et lui sciai le cou jusqu’à séparer la tête du corps. Je fis ensuite un bond en arrière, craignant dans mon ignorance qu’il soit encore capable d’attaquer. La queue continuait à battre sans arrêt, du sang jaillissait de là où se trouvait la tête auparavant. Je lui donnai plusieurs coups de bâton, rien à faire, je décidai donc de le laisser un moment. En moins d’une minute, il arrêta de bouger progressivement jusqu’à rester parfaitement immobile. Je le touchai une ou deux fois à l’aide du bâton mais il ne bougeait pas. Il était mort pour de bon. Je pus enfin respirer tranquille.

      Ma première victoire dans la forêt. L’homme avait dominé la bête. J’étais totalement euphorique, tous mes problèmes s’étaient dissous l’espace d’un instant, comme le sucre dans un verre de lait chaud. J’étais maintenant sûr que j’allais survivre et que j’arriverais à sortir de là. J’étais un authentique aventurier, un survivant-né. Rien ne pouvait plus m’empêcher de trouver la sortie de ce labyrinthe de verdure et de rentrer chez moi, à la maison. J’avais été mis à l’épreuve par mère Nature et avais démontré ma valeur, ma capacité d’adaptation et de survie. J’en étais certain à présent, j’étais le gagnant de ce combat inégal contre moi-même et contre les éléments adverses.

      Je pris le serpent et l’ouvrit en deux à l’aide du couteau, lui sortant les entrailles du mieux que je pus, ce qui me dégoûta passablement. Pour cela je le pris par un bout et tournai sur moi-même à toute vitesse. Le serpent tournoyait rapidement et ses entrailles furent projetées dans toutes les directions. Je pensai ensuite que cela allait à l’encontre de mon plan d’être discret et ne pas attirer l’attention, mais il y avait déjà des restes de serpent partout et je n’avais aucune envie de les ramasser. Je terminai de nettoyer ce qui restait avec le couteau, j’eus plusieurs haut-le-cœur, c’était dégoûtant. Ensuite je le pelai. Quand il fut prêt je me rendis compte d’un problème. Je ne pouvais pas faire de feu pour le faire cuire car je trahirais ma présence et ma position, je devrais donc le manger cru. Je regardai la chair sanglante avec appréhension. Je coupai un gros morceau et le portai à ma bouche. Si les animaux mangeaient cru moi aussi je pouvais. Je mastiquai plusieurs fois et recrachai tout. Dégoûtant! Il avait la consistance du plastique, c’était comme si j’essayais de manger une des poupées de mes sœurs ou un cartilage à-moitié défait. J’ai toujours aimé la viande bien cuite, je n’ai jamais pu la manger saignante, alors complètement crue, encore moins. Les aliments de la consistance de cette chair m’ont toujours rebuté: la peau de poulet pas très cuite, le lard, les tripes…

      Complètement désabusé, je pris les restes du serpent ainsi que ceux de mon repas et les enterrai. Je jetai quelques feuilles dessus pour mieux les cacher. A quoi bon arriver à trouver de la nourriture si l’on ne peut pas la manger? Risquer qu’un serpent me morde et me tue. A quoi bon? De plus, il y avait le problème de l’eau. Je devais trouver quelque chose parce que j’avais une soif terrible et qu’il ne me restait que deux cannettes. Je me laissai tomber, transpirant à grosses goutes suite à l’effort fourni pour capturer le serpent. A bout de forces, je bus une des deux boissons et jetai la canette. Qu’ils me découvrent, en fin de compte il vaut mieux mourir fusillé que de faim, ça dure moins longtemps. De plus, j’avais semé des entrailles de serpent dans un périmètre de deux mètres à la ronde. Adieu au vainqueur, adieu au survivant-né, bonjour au raté qui allait mourir dans un jardin sauvage. Je le méritais, je ne pouvais donc pas me plaindre. J’avais tué mes deux meilleurs amis. De toute façon je me rappelais avoir vu quelque chose à la télévision sur l’eau dans la jungle. Je me rappelais qu’ils avaient dit qu’on pouvait facilement en trouver quelque part, précisément, mais je ne savais plus où.

      Je restai là pendant un moment, je ne saurai dire combien de temps, assis par terre, les bras appuyés sur les genoux et la tête baissée, ne pensant à rien, me laissant porter. Résignation, conformisme, abandon, refus de vivre. L’accident d’avion et la mort d’Alex, voir Juan se faire tirer dessus, l’euphorie du serpent et la déception qui s’en suivit, la fatigue, le sommeil… trop de choses en seulement vingt-quatre heures, trop d’émotions fortes. Pourquoi Juan avait-il été aussi stupide et s’était mis à courir de la sorte? Pourquoi m’avait-il laissé tout seul? On serait au moins tous les deux et les choses seraient différentes, mais non, il a fallu qu’il essaie de fuir de cette façon si… si… Je voulais rentrer chez moi, fermer les yeux et que quand je les rouvre je me trouve dans mon lit et que tout n’eut été qu’un cauchemar plus réaliste que d’habitude, un mauvais rêve comme tant d’autres, une anecdote à raconter l’après-midi, en retrouvant la petite amie ou les amis. Je pleurai, mais presque aucune larme ne sortait de mes yeux.

      Perdu, démotivé, désabusé et mort de fatigue et de sommeil. Je ne savais pas quoi faire. Finalement, par simple automatisme, j’enterrai la canette que j’avais jeté et me levai pour continuer à marcher, bien qu’à un rythme beaucoup plus lent à présent, me laissant porter, traînant presque les pieds. Je marchai et m’arrêtai, faisant des pauses, jusqu’à huit heures du soir. Les pauses étaient chaque fois plus longues, les périodes de marche chaque fois plus courtes. J’utilisais le bâton qui m’avait servi pour le serpent comme une canne pour m’appuyer, j’ôtais ainsi un peu de pression sur le genou blessé, bien qu’à ce moment-là je ne sente même plus mes jambes. Marcher pour marcher, sans même essayer de suivre la route que je m’étais fixée. En fin de compte, je n’étais pas certain de savoir comment faire et je pourrais presque affirmer que ça m’était égal. Pourquoi les ai-je convaincu de venir ici, pourquoi? Je n’écoutais jamais personne, n’en faisant toujours qu’à ma tête. Regardez où m’avait conduit mon envie de tout contrôler, de tout diriger. Juan, espèce d’idiot, pourquoi t’es-tu mis à courir de cette façon pour te suicider? C’était de ta faute, je n’avais rien à voir là-dedans. C’était de ta faute. A toi.

      Lorsque je n’en puis plus, je mangeai une boîte entière de pâte de coings et bus la canette qui restait, cachant tous les restes, y compris une des