"Tu es fâchée ? Tout le monde fera 'le chat'. A ton tour de de toucher quelqu'un."
Venetia boudait en secouant la tête, Cassie songea à autre chose.
"Je t'ai fait mal ? Je suis vraiment désolée. Je t'ai touchée plus fort que prévu. Tu me montres ?"
Elle prit la main de Venetia, ses ongles étaient rongés jusqu'à l'os. Elle portait un haut rose à manches longues en velours, Cassie remonta le tissu moelleux sur son bras.
"Y'a une marque. Tu as un bleu. Je suis sincèrement désolée."
Cassie contemplait fixement la petite marque violacée sur le bras de Venetia, horrifiée à l'idée qu'elle lui ait fait mal.
"Il commence à pleuvoir," dit Nina, la légère bruine virait à la douche froide.
"On va jouer à un autre jeu à l'intérieur," dit Cassie, souhaitant faire amende honorable et excuser sa maladresse. Elle n'avait pas touché Venetia fort, elle s'attendait à ce qu'elle s'échappe pour rire, elle ne voulait pas lui faire peur.
Malgré son apparence de petite fille bien éduquée, Venetia était une enfant sensible, tant physiquement que mentalement.
"Vous savez jouer à cache-cache ?" demanda-t-elle aux enfants une fois à l'abri dans le couloir, porte d'entrée fermée.
Elles secouèrent toutes deux la tête, plus enthousiastes que dubitatives.
"Je vais vous expliquer. Vous avez le droit de vous cacher n'importe où dans la maison. Où vous voulez. Je vais fermer les yeux et compter jusqu'à cinquante pendant que vous trouverez une cachette, puis je vais crier 'Cachée ou pas, j'arrive !' Si je vous trouve, le jeu est terminé, c'est alors à vous de chercher. Vous avez compris ?"
Nina hocha la tête. Venetia semblait remise de sa peur et sourit, tout excitée.
"Très bien, je ferme les yeux." Cassie mit sa main sur ses yeux pour montrer qu'ils étaient bien fermés. "Et maintenant, je compte."
Elle termina de compter et cria "Caché ou pas, j'arrive !"
Cassie parlait à haute voix en cherchant dans toute la maison "Je me demande où elles se cachent. Mon Dieu, elles sont vraiment bien cachées. Je ne les trouve nulle part. Elles sont peut-être invisibles. J'aurais déjà dû trouver Nina, elle est plus grande."
Elle vérifia sous la table de la salle à manger et entra au salon. Son regard fut immédiatement attiré par la grande ottomane en velours placée au fond. C'était une super cachette, un des enfants s'y trouvait certainement.
Cassie se dirigea lentement vers l'ottomane, accentuant le côté dramatique.
"J'abandonne. Ces filles intelligentes sont trop bien cachées. Mais voyons, il y a un dernier endroit où je n'ai pas encore regardé !"
Elle souleva le couvercle de l'ottomane.
Nina était recroquevillée à l'intérieur.
Elle jaillit en criant, toute contente, Venetia sautillait derrière un élégant rideau bleu foncé.
"On t'a trouvée ! On t'a trouvée !" criait Venetia.
Elles riaient toutes les deux. Cassie réalisa que c'était la première fois qu'elle les entendait rire.
"À ton tour, Nina. A toi de compter !"
Cassie et Venetia se précipitèrent au premier dès que Nina entama le décompte. Venetia riait à gorge déployée, bavarde comme une pie tandis qu'elle cherchait sa prochaine cachette. Cassie était ravie de les savoir heureuses.
Elle se glissa sous le lit de Nina, elle la trouverait certainement en premier, Nina finit par trouver Venetia cachée derrière la panière à linge de la salle de bain, toutes deux éclatèrent de rire.
Cassie s'arrêterait si les filles s'ennuyaient, mais pas du tout. Elles semblaient au contraire captivées par ce jeu. Des rires et des cris résonnaient dans la maison à chaque fois qu'on trouvait quelqu'un, elles jouaient à tour de rôle, Cassie était convaincue qu'elles ne s'étaient pas autant amusées depuis fort longtemps.
Elle vérifia l'heure sur son téléphone dans la poche de sa veste, elles jouaient depuis près de deux heures. L'après-midi était vite passée, elle en avait profité pour visiter la maison. Les seuls endroits épargnés étaient en toute logique le bureau et la chambre de Mme Rossi.
Cassie s'était cachée dans les chambres d'amis, dans le salon à l'étage, dans la petite cuisine annexe au rez-de-chaussée et dans la pièce télé avec ses grandes porte-fenêtres donnant sur la cour. Elle s'était même cachée dans la cave à vin au sous-sol, accessible par la salle à manger, un autre endroit qu'elle ne connaissait pas.
Cette fois-ci, elle ouvrit une porte donnant dans un couloir et sur un placard avec des étagères remplies de draps et serviettes. Il y avait suffisamment de place pour qu'elle se glisse à l'intérieur et referme porte. Elle n'était pas bien fermée mais peut-être que Nina, c'était son tour, ne le remarquerait pas.
Venetia devait être en bas. En tout cas, l'étage était très calme.
Cassie retenait son souffle, guettant les cris signalant que Venetia avait été découverte, ou le bruit des pas indiquant qu'elle ne tarderait pas à l'être.
Un bruit de pas. Elle entendit le cliquetis des chaussures sur le carrelage et essaya de rester le plus silencieuse possible, espérant que Nina ne la trouverait pas.
Elle comprit que la partie était terminée en entendant les pas s'arrêter devant le placard.
Cassie ouvrit la porte en riant.
"Bravo ! Je retenais mon souffle là-dedans, j'espérais que tu—”
Son rire et sa phrase s'interrompirent net en voyant à qui elle s'adressait.
Ce n'était pas Nina.
Mme Rossi se tenait immobile devait le placard, bras croisés sur la poitrine, sourcils froncés.
Cassie sentit un froid glacial l'envahir, une colère sourde émanait de sa personne malgré son calme apparent.
CHAPITRE DIX
"B-bonjour," bredouilla Cassie devant l'impressionnante femme d'affaires. Elle était envahie par la culpabilité, elle ne savait pas pourquoi, ce n'était qu'un simple jeu. "Je ne vous pas entendue arriver."
Mme Rossi la toisa sans mot dire un certain temps, Cassie était de plus en plus mal à l'aise. Elle aurait voulu lui expliquer qu'elles s'étaient bien amusées, que les enfants s'étaient défoulées malgré la pluie, qu'elles avaient été sages, que la maison était en ordre, rien n'avait été cassé ou déplacé.
L'expression de Mme Rossi l'avait réduite au silence, sans qu'elle ait à prononcer un mot.
Cassie baissa le nez et contempla ses pieds. Elle était honteuse, bien qu'ignorant où était le mal.
Mme Rossi dit enfin "Regagnez votre chambre. Vous y passerez la soirée, la cuisinière vous montera à dîner."
Elle s'éloigna, ses talons couleur cerise claquant sur le sol carrelé.
Cassie resta là jusqu'au départ de Mme Rossi, essayant de digérer ce qui venait de se passer.
Elle était mortifiée. Comment avait-elle pu commettre une si terrible erreur en jouant à un jeu innocent ? Pourquoi était-ce interdit ? On ne lui avait donné aucune règle interdisant de jouer dans la maison.
Elle se demandait en regagnant sa chambre si Mme Rossi invitait parfois des collègues à la maison pendant les heures de travail, elle ne voulait pas d'un environnement bruyant ou d'enfants en liberté. C'était la seule raison qui lui venait à l'esprit, elle espérait que les enfants ne seraient pas punies à cause d'elle.
Cassie retourna la question dans tous les sens avant de retrouver ses esprits et se souvenir de l'horrible nouvelle, la mort de Jacqui
Il était dix-sept heures trente. Elle n'avait aucune idée des heures d'ouverture