La disposition des maisons communes, à dater de la fin du XIIIe siècle, paraît avoir été à peu près la même dans les villes du Nord, depuis la Picardie jusqu'à Lubeck. Un beffroi s'élevait au centre de la façade et était flanqué latéralement de deux grandes salles où pénétrait un grand logis à pignons latéraux. Le beffroi servait de prison commune, de dépôt des archives et de guette avec carillon. Devant la façade s'ouvrait, à rez-de-chaussée, un portique avec grands escaliers et loge ou bretèche pour les cris publics. La ville de Lubeck possède encore les restes d'un vaste hôtel de ville qui, au XIIIe siècle, se composait de trois grands logis accolés, avec trois pignons sur la face antérieure et trois autres sur la face postérieure. Ces pignons étaient percés de très-grandes fenêtres à meneaux qui éclairaient largement ces trois salles. Le rez-de-chaussée était occupé par des services secondaires. Il n'est pas besoin de rappeler ici que les maisons des villes du Nord du XIIIe au XVIe siècle présentaient leurs pignons sur la rue. Ce parti avait été adopté pour les hôtels de ville, et à Saint-Quentin encore la maison commune, dont la construction est du XVIe siècle, conserve le principe de cette disposition. En réunissant les documents épars que nous avons pu nous procurer sur les maisons communes de ces villes riches et commerçantes du Nord, il est possible de présenter un type de ces constructions qui, plus qu'aucune autre, ont été soumises à tant de changements et de catastrophes. Comme il serait beaucoup trop long et fastidieux de donner séparément ces renseignements épars, nous avons pensé que nos lecteurs ne nous sauraient pas mauvais gré de les réunir en un faisceau et de présenter un type complet d'un hôtel de ville de la fin du XIIIe siècle.
C'est ce que nous avons essayé de faire en traçant la fig. 5, qui donne, en A, le plan du rez de-chaussée d'un édifice municipal, et en B le plan du premier étage. Sous le portique antérieur C, à droite et à gauche, montent deux rampes qui arrivent au vestibule D, précédé de la loge E. On entre à rez-de-chaussée, sous les voûtes du vestibule, dans les prisons F du beffroi, et par les portes C dans les salles H destinées à des services journaliers. Au premier étage, du vestibule D on pénètre dans la pièce I située sous le beffroi, et de là dans une première salle K servant de vestibule aux deux grandes salles L, largement éclairées par les fenestrages M.
La fig. 6 présente l'élévation perspective de cet édifice.
Toutefois il arrivait fréquemment, avant le XVe siècle, que les beffrois étaient indépendants de l'hôtel de ville. Celui de Tournay, qui date du XIIe siècle, est isolé. Celui d'Amiens, dont la partie basse remonte au XIVe siècle, était également indépendant de la maison commune, ainsi que ceux de Commines et de Cambrai. Millin, dans le tome V de ses Antiquités nationales, donne une vue de l'hôtel de ville de Lille, démoli en 1664, et reproduite d'après un dessin de la bibliothèque de Saint-Pierre. D'après ce dessin, le bâtiment principal, sans beffroi, se compose d'un corps de logis à trois étages, avec deux grands pignons et échauguettes aux angles. La base du comble est crénelée. À la suite de ce bâtiment s'élève un logis plus bas avec crénelages surmontés de lions et de deux statues de sauvages, dont l'une porte l'étendard de la ville. Ces constructions, autant que l'imperfection du dessin permet de le reconnaître, paraissent appartenir au XIIIe siècle. Si beaucoup de beffrois très-anciens des villes du Nord étaient isolés, celui de Bergues Saint-Winox (Nord), qui datait du XIVe siècle, se trouvait autrefois disposé, relativement à la maison commune de cette ville, comme l'est celui de notre fig. 6. On observera qu'à Compiègne le beffroi est au centre du bâtiment principal et sur sa face; seulement il pénètre un gros et profond logis dont les deux pignons sont placés latéralement, de manière toutefois à présenter, au premier étage, un plan pareil à celui de la fig. 5.
HOTEL-DIEU, s. m. Maison-Dieu, maladrerie, hospice, hôpital, léproserie. Rien n'établit que les anciens eussent des maisons de refuge pour les malades où ceux-ci pouvaient recevoir les soins des médecins et attendre leur guérison. À Athènes, les soldats mutilés étaient entretenus aux frais de la république 48; mais il n'est pas dit que ce secours fût autre chose qu'une pension; d'ailleurs ce fait ne paraît pas avoir existé dans les autres villes de la Grèce. À Sparte, après la bataille perdue par les Lacédémoniens contre Antigone, les maisons des citoyens furent ouvertes pour recevoir les blessés 49. Les Romains, en campagne, avaient des espaces réservés aux hommes et aux chevaux malades; mais aucun auteur ne signale, ni à Rome ni dans les villes de l'Empire, des hôpitaux destinés soit aux soldats blessés, soit aux pauvres malades. Saint Jérôme, le premier, parle d'une certaine Fabiola, dame romaine fort riche, qui fonda, vers l'an 380, un hôpital dans lequel on recevait les malades, jusqu'alors gisant abandonnés dans les rues et sur les places publiques. Dans les premiers temps du moyen âge, en effet, dans les villes de l'Italie, de la France, de l'Allemagne, il se fait de nombreuses fondations pour soigner et loger les malades, les voyageurs, les pauvres. Dans l'origine, ces fondations consistent en l'abandon d'une maison, d'un local, avec une rente perpétuelle. Naturellement, les établissements religieux réguliers, les chapitres, les paroisses même, étaient les conservateurs de la fondation. «La plus ancienne mention, peut-être, de l'Hôtel-Dieu de Paris remonte, dit M. Guérard dans sa préface aux cartulaires de l'église Notre-Dame de Paris 50, à l'année 829.» Du Breul 51 admet que cet établissement fut fondé par saint Landry, vingt-huitième évêque de Paris, vers l'an 660. Guillaume de Nangis dit, dans la Vie du roi saint Louis, que ce prince l'augmenta considérablement en 1258. Lebeuf 52 prétend que cet hôpital portait encore le nom de Saint-Christophe dans le Xe siècle; il ne trouve point de preuves que saint Landry ait établi proche de la cathédrale une maladrerie ou un Hôtel-Dieu. «On doit distinguer, dit-il, entre un Hôpital, un Hôtel-Dieu ou une Maladrerie. J'ai beaucoup de peine à croire que les Maladreries ayent été originairement proche les cathédrales qui étoient bâties dans l'intérieur des cités. Pour ce qui est des indigens qui ne faisoient que passer, j'avoue qu'on a pu leur donner l'hospitalité dans ce quartier-là sous la seconde race de nos rois... Peut-être, ajoute-t-il, qu'avec de plus profondes recherches on trouveroit