Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6 - (G - H - I - J - K - L - M - N - O). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
Издательство: Public Domain
Серия:
Жанр произведения: Техническая литература
Год издания: 0
isbn:
Скачать книгу
porte au milieu de la nuit.

       HÔPITAL. (Voy. HÔTEL-DIEU.)

       HORLOGE, s. f. Reloige, reloge, orloge. Dès le XIe siècle, il y avait des horloges dans les églises et dans les châteaux. Ces horloges étaient habituellement placées à l'intérieur comme de grands meubles. Cet usage se perpétua jusqu'au XVIe siècle. Toutefois des sonneries annonçaient l'heure à l'extérieur.

      «Quant il ont le convers oï

      Durement furent esbahi

      Qu'il n'orent oï soner cloche

      Ne champenelle, ne reloge 33

      Guillaume Durand, au XIIIe siècle, dans le chapitre Ier de son oeuvre 34, considère l'horloge comme une des parties essentielles de l'Église. «L'horloge, dit-il, sur laquelle on lit et on compte les heures, signifie l'empressement et le soin que les prêtres doivent avoir à dire les Heures canoniques au temps voulu, selon cette parole: Sept fois par jour je te louai, Seigneur.»

      L'abbé Pierre de Chastelux donna, vers 1340, à l'abbaye de Cluny, une horloge remarquable en ce que son mécanisme présentait un calendrier perpétuel qui marquait l'année, le mois, la semaine, le jour, l'heure et les minutes, et un calendrier ecclésiastique qui désignait les fêtes et les offices de chaque jour. Cette horloge indiquait encore les phases de la lune, les mouvements du soleil, puis quantité de petites figurines mobiles représentant le mystère de la Résurrection, la Mort, saint Hugues et saint Odilon, abbés de Cluny, la sainte Vierge, la passion, etc. Les heures étaient annoncées par un coq qui battait des ailes et chantait à deux reprises; en même temps un ange ouvrait une porte et saluait la sainte Vierge; le Saint-Esprit descendait sur sa tête sous la forme d'une colombe, le Père Éternel la bénissait; un carillon harmonique de petites clochettes jouait un air; des animaux fantastiques agitaient leurs ailes, faisaient mouvoir leurs yeux; l'heure sonnait, et toutes les figurines rentraient dans l'intérieur de l'horloge 35.

      Ces horloges compliquées étaient fort en vogue pendant les XIVe, XVe et XVIe siècles. À l'extérieur même, les sonneries des horloges étaient presque toujours accompagnées de Jacquemars, qui frappaient sur les timbres avec des marteaux. Quelques beffrois de nos villes du Nord, notamment celui de Compiègne, ont conservé ces jacquemars qui jouissent d'une grande popularité. Tout le monde a vu ou entendu parler des horloges célèbres des cathédrales de Lyon et de Strasbourg. La première horloge intérieure de Strasbourg fut commencée en 1352 et achevée en 1354, sous l'épiscopat de Jean de Lichtenberg; elle se composait d'un coffre de menuiserie, avec un grand disque en bois, représentant en peinture les indications relatives aux principales fêtes mobiles. Dans la partie du milieu se trouvait un cadran dont les aiguilles marquaient les mouvements du soleil et de la lune, les heures et leurs subdivisions. Le couronnement était orné d'une statuette de la Vierge, devant laquelle on voyait, à l'heure de midi, s'incliner trois mages; un coq chantait au même instant en battant des ailes. Un petit carillon jouait des airs à certaines heures. Cette horloge fut remplacée en 1547, puis refaite en 1838; c'est celle que nous voyons aujourd'hui sur la paroi du transsept méridional, en face de l'emplacement réservé à l'ancienne horloge 36.

      On voit encore dans les cathédrales de Beauvais et de Reims des horloges dont les coffres datent du XIVe siècle. Elles sont toutes deux fort bien gravées dans le recueil publié par M. Gailhabaud 37.

      Sur les tours d'églises du XIIe au XIVe siècle, aucun espace n'est disposé pour le placement de cadrans pouvant être aperçus de loin; ce qui fait supposer qu'avant le XVe siècle, si des sonneries indiquaient les heures aux habitants des villes, il n'y avait point de cadrans extérieurs. On ne voit apparaître ceux-ci que vers la fin du XVe siècle. Ils sont alors couverts par de petits auvents, et façonnés soit en bois, soit en plomb, et revêtus de peintures.

       HÔTEL, s. m. On donnait le nom d'hôtel aux habitations qui, dans les villes, appartenaient à des seigneurs ou à de riches particuliers, mais qui n'avaient point le caractère d'un château, c'est-à-dire qui ne possédaient point de droits féodaux.

      La résidence des souverains dans Paris s'appelait le palais. Le Louvre, bâti hors les murs, était un château. On désignait les autres résidences souveraines établies dans Paris, mais qui n'avaient point un caractère féodal, non plus sous le nom de palais, mais sous celui d'hôtel. On disait l'hôtel Saint-Pol, l'hôtel des Tournelles. On disait aussi l'hôtel de Cluny, l'hôtel de Sens, l'hôtel de Bourbon, l'hôtel de Nevers, l'hôtel de la Trémoille. À Bourges, l'habitation de Jacques Coeur est un véritable hôtel. Toutefois, pour ne pas mettre de la confusion dans l'esprit de nos lecteurs, nous avons rangé les hôtels dans l'article MAISON, la différence entre l'hôtel et la maison étant souvent difficile à établir.

       HÔTEL DE VILLE, s. m. Maison commune. Le mouvement politique qui se manifesta, dès le XIe siècle, dans un certain nombre de villes, et qui eut pour résultat l'affranchissement de la commune, chercha naturellement à centraliser la conjuration en élevant un édifice propre à contenir les jurés. Toutes fois qu'une charte de commune était octroyée, le droit d'ériger une maison commune et un beffroi s'y trouvait compris. Mais, jusqu'au XIVe siècle, les communes ont à subir des vicissitudes si diverses, aujourd'hui octroyées, demain abolies, qu'il nous reste bien peu de maisons de ville antérieures à cette époque, le premier acte de l'autorité qui abolissait la commune étant d'exiger la démolition de l'hôtel et du beffroi. «Les maisons communes, dit M. Champollion-Figeac 38, appartenaient quelquefois au roi ou aux seigneurs suzerains qui en permettaient l'usage à de certaines conditions. En 1271, celle de Carcassonne provint d'un don royal, et le sénéchal y exerçait la police au nom du monarque 39... Celle de la ville de Limoges appartenait, en 1275, au vicomte de ce nom, qui permettait aux consuls de s'y assembler avec le prévôt pour discuter les affaires municipales, et elle portait le nom de Consulat. Elle avait cependant été construite par la commune; mais il fut reconnu que c'était sur un emplacement appartenant au vicomte, ce qui fut cause que la propriété lui fut adjugée sur sa réclamation.»

      L'état précaire des communes, le peu de ressources dont elles disposaient pour subvenir à toutes les charges qui leur étaient imposées, devaient les arrêter souvent dans leurs projets de constructions de maisons de ville. Cependant certaines grandes cités, comme Bordeaux, par exemple, possédaient des édifices bâtis pour servir de maisons de ville, vers la fin du XIIe siècle 40. Il est certain que les villes de la Gaule situées au midi de la Loire avaient conservé, beaucoup mieux que celles du nord, les traditions municipales des derniers temps de l'Empire romain. «C'est là seulement, dit M. Aug. Thierry 41, que les cités affranchies atteignirent à la plénitude de cette existence républicaine, qui était en quelque sorte l'idéal auquel aspiraient toutes les communes.» Aussi ces villes possédaient-elles des édifices auxquels on peut donner le nom de maison commune, à une époque où, dans le Nord, on n'avait eu ni le loisir ni les moyens matériels nécessaires à leur érection. Certaines parties du Capitole de Toulouse indiquent une date fort ancienne, et cet hôtel municipal était une véritable forteresse dès le XIIe siècle.

      Dans la petite ville de Saint-Antonin, située dans le département de Tarn-et-Garonne, cité autrefois importante et riche, il existe encore un hôtel de ville du milieu du XIIe siècle, qui est certainement l'un des plus curieux édifices civils de la France. Il servait de halle à rez-de-chaussée.

      Le premier et le second étage contenaient chacun une salle et un cabinet. Une tour servant


<p>33</p>

Rutebeuf, Du segrestain et de la famme au chevalier (XIIIe siècle).

<p>34</p>

Cap. I, § XXXV.

<p>35</p>

Hist. de l'abbaye de Cluny, par M. P. Lorain, p. 203.

<p>36</p>

Voy. Descript. abrégée de l'horloge astron. de la cathéd. de Strasbourg, 1847.

<p>37</p>

L'Architecture du Ve au XVIIe siècle, t. IV.

<p>38</p>

Droits et usages concernant les travaux de construction, etc., sous la troisième race des rois de France. Paris, 1860.

<p>39</p>

On observera que les Carcassonnais, chassés de l'ancienne ville après le siége mis par Trincavel, obtinrent du roi saint Louis de rebâtir une ville de l'autre côté de l'Aude (voy. ARCHITECTURE MILITAIRE).

<p>40</p>

Voy. le Bulletin des comités historiques, février 1854; Notice sur l'hôtel de ville de Bordeaux, par M. Lamothe.

<p>41</p>

Lettres sur l'histoire de France (XIIIe siècle).