Le comte de Moret. Dumas Alexandre. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Dumas Alexandre
Издательство: Public Domain
Серия:
Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
isbn:
Скачать книгу
avait refusé.

      Le jeune homme tressaillit à ce nom, et, regardant fixement l'hôtelier.

      – Pour assassiner le comte de Moret? répéta-t-il. Etes-vous bien sûr de ce que vous dites-là, brave homme?

      – Je le tiens de sa bouche même. C'est la première chose qu'il a dite après avoir demandé à boire.

      – Le comte de Moret, répéta le jeune homme, Antoine de Bourbon?

      – Antoine de Bourbon, oui.

      – Le fils de Henri IV?

      – Et de Mme Jacqueline de Bueil, comtesse de Moret.

      – C'est étrange!

      – Si étrange que ce soit, c'est cependant ainsi!

      Alors, après un nouveau silence d'un instant, au grand étonnement de maître Soleil, et malgré ses cris: «Où allez-vous?» le jeune homme écarta les marmitons et les servantes qui encombraient la porte intérieure, entra dans la salle occupée par le capucin et par Etienne Latil seulement, s'approcha du blessé, et, jetant sur la table une bourse qu'au son qu'elle rendit, on pouvait juger honnêtement garnie:

      – Etienne Latil, lui dit-il, voilà pour vous faire soigner. Si vous en revenez, dès que vous serez transportable, faites-vous conduire à l'hôtel du duc de Montmorency, rue des Blancs-Manteaux. Si vous en mourez, mourez dans la confiance du Seigneur, les messes ne manqueront pas au salut de votre âme.

      A l'approche du jeune homme, le blessé s'était soulevé sur son coude, et, comme à la vue d'un spectre, il était resté muet, les yeux ouverts, les sourcils froncés, la bouche béante.

      Puis, lorsque le jeune homme s'éloigna:

      – Le comte de Moret! murmura le blessé, en se laissant retomber sur la table.

      Quant au capucin, dès les premiers pas que le faux Jaquelino avait faits dans la chambre, il avait vivement tiré son capuchon sur son visage, comme s'il eût craint d'être connu par lui.

      CHAPITRE VII.

      ESCALIERS ET CORRIDORS

      En sortant de l'hôtellerie de la Barbe Peinte, le comte de Moret, dont nous n'avons plus besoin de maintenir l'incognito, descendit la rue de l'Homme-Armé, tourna à droite, prit la rue des Blancs-Manteaux, et alla frapper à l'hôtel du duc de Montmorency, Henri II du nom, qui s'ouvrait par deux portes, l'une donnant dans la rue des Blancs-Manteaux, l'autre donnant sur la rue Sainte-Avoye.

      Sans doute, le fils de Henri IV avait de grandes familiarités dans la maison, car, aussitôt qu'il eut été reconnu, un jeune page d'une quinzaine d'années saisit un chandelier à quatre branches, alluma les cires et marcha devant lui.

      Le prince suivit le page.

      L'appartement du comte de Moret était au premier étage. Le page éclaira une des chambres en allumant deux autres candélabres semblables au premier, puis, s'adressant au prince:

      – Son Altesse a-t-elle quelque chose à me commander? demanda-t-il.

      – Es-tu occupé près de ton maître, ce soir, Galaor? fit le comte de Moret.

      – Non, monseigneur, j'ai congé.

      – Veux-tu venir avec moi, alors?

      – Avec grand plaisir, monseigneur.

      – En ce cas, habille-toi chaudement, prends un bon manteau, la nuit sera froide.

      – Oh! oh! dit le jeune page, habitué par son maître, grand coureur de ruelles, à de pareilles aubaines, j'aurai une garde à monter, à ce qu'il paraît?

      – Oui, et une garde d'honneur, au Louvre. Mais tu sais, Galaor, pas un mot, même à ton maître.

      – Cela suffit, monseigneur, dit l'enfant avec un sourire et en mettant un doigt sur ses lèvres.

      Puis il fit un mouvement pour sortir.

      – Attends, dit le comte de Moret, j'ai encore quelques instructions à te donner.

      Le page s'inclina.

      – Tu selleras toi-même un cheval, et tu mettras des pistolets chargés dans les fontes.

      – Un seul cheval?

      – Oui, un seul. Tu monteras en croupe derrière moi, un second cheval attirerait l'attention.

      – Monseigneur sera obéi de point en point.

      Dix heures sonnèrent, le comte écouta, en les comptant, les battements du bronze.

      – Dix heures, répéta-t-il; c'est bien, va, que dans un quart d'heure tout soit prêt.

      Le page s'inclina et sortit, tout fier de la marque de confiance que lui donnait le comte.

      Quant à celui-ci, il choisit dans sa garde-robe un vêtement de cavalier, simple mais élégant, avec le pourpoint de velours grenat et les chausses de velours bleu; de magnifiques dentelles de Bruxelles formaient le col et les manchettes de sa fine chemise de batiste s'échappant par les crevés des bras et par l'intervalle laissé à la ceinture, entre le pourpoint et les chausses. Il passa de longues bottes de buffle montant jusqu'au-dessus du genou, et se coiffa d'un feutre gris, orné de deux plumes assorties aux couleurs de son vêtement, c'est-à-dire bleue et grenat, retenues par une ganse de diamants; puis, sur le tout, il passa un riche baudrier, soutenant une épée à la poignée de vermeil, mais à la lame d'acier, arme tout à la fois de luxe et de défense.

      Puis, avec la coquetterie naturelle aux jeunes gens, il donna quelques minutes au soin de son visage, veilla à ce que ses cheveux bouclés naturellement, tombassent de chaque côté de son visage d'une façon régulière, tressa la cadenette que l'on portait à la tempe gauche et qui descendait jusqu'à la ceinture, donna le tour à ses moustaches, tira sa royale qui refusait de s'allonger aussi rapidement qu'il l'eût désiré, prit dans un tiroir une bourse destinée à remplacer celle qu'il avait donnée à Latil, puis, comme si cette bourse lui avait tout à coup rappelé un souvenir oublié:

      – Mais qui diable, murmura-t-il, a donc intérêt à me faire tuer?

      Et, comme son esprit ne lui fournissait aucune réponse satisfaisante à la question qu'il venait de se faire à lui-même, il réfléchit un instant, écarta ce souvenir avec l'insouciance de la jeunesse, se tâta pour s'assurer qu'il n'oubliait rien, jeta un regard de côté sur sa glace, et descendit l'escalier, chantant le dernier couplet de cette chanson de Ronsard, dont nous lui avons entendu fredonner le premier à l'hôtellerie de la Barbe Peinte.

      Chanson, va-t'en où je t'adresse,

      Dans la chambre de ma maîtresse;

      Et dis, baisant sa blanche main,

      Que, pour en santé me remettre,

      Il ne lui faut rien moins promettre

      Que de te cacher dans son sein.

      A la porte de la rue, le comte trouva le cheval et le page qui l'attendaient. Il se mit en selle avec la légèreté et l'élégance d'un écuyer consommé. Sans invitation, Galaor sauta en croupe derrière lui. Le comte, après s'être assuré que le page était bien assis, mit son cheval au trot; il descendit la rue Maubuée, puis la rue Trousse-vache, gagna la rue Saint-Honoré, et remonta la rue des Poulies.

      Au coin de la rue des Poulies et de la rue des Fossés-Saint-Germain, au-dessous d'une madone éclairée par une lampe, était assis sur une borne un jeune garçon qui, voyant un cavalier avec un jeune page en croupe, pensa que c'était probablement à ce cavalier qu'il avait affaire, et ouvrit le manteau dans lequel il était enveloppé.

      Ce manteau couvrait un habit chamois et bleu, c'est-à-dire la livrée de Mme la princesse.

      Le comte reconnut le page qui lui avait été annoncé, fit descendre Galaor, et mettant pied à terre à son tour, s'approcha du jeune garçon.

      Celui-ci descendit de sa borne et se tint dans une attente respectueuse.

      – Cazal! dit le