Parce qu'il en a peur.
Et des questions d'argent…
Parce qu'il est riche. Rassurez-vous. L'important est de savoir au juste ce que pense Édith. Envoyez-la-moi. Je vais l'interroger.
Merci. Vous me direz toute la vérité? J'ai du courage. Si elle ne m'aime pas…
Allez la chercher dans le jardin.
Tout de suite. (Il se dirige vers le perron. – S'arrêtant.) Je n'aurai pas été bien loin: la voici.
SCÈNE V
Au secours, monsieur de Montjoie, au secours!
Bon Dieu! qu'y a-t-il?
Vous n'avez pas l'air bien effrayée.
Mon père et M. Bonchamp vont se dévorer. J'ai compté sur vous pour séparer ces deux ennemis qui s'adorent.
C'est beaucoup d'honneur que vous me faites. Mais si j'échoue?
Oh! vous réussirez. Ma tante prétend que vous êtes un homme… irrésistible.
Elle me raille. (Saluant.) Mademoiselle. (A Césarine.) Je tremble comme un collégien. Je reviendrai ce soir pour connaître mon sort.
Nous comptons sur vous pour dîner.
SCÈNE VI
Et maintenant, à nous deux, ma belle… Viens t'asseoir là, sur mes genoux. Comment trouves-tu M. de Montjoie?
Je ne le trouve pas.
Tu l'as vu souvent, cependant!
Oui, mais je ne l'ai jamais regardé.
Cette petite a des réponses qui me confondent. Mais il est très bien; et puis si romanesque! Je t'ai fait lire Ipsiboë. Tu ne trouves pas qu'il ressemble à Almaric?
Ma chère tante, tu es la meilleure femme du monde, mais ton idéal n'est pas le mien. Je me suis promis de n'épouser jamais qu'un homme que j'aimerais… et je ne l'aime pas.
Ah! le pauvre homme! Et moi qui le protège!
Tu ne le protégeras plus, voilà tout.
Comme tu vas! comme tu vas! Tu changeras peut-être d'idée.
Cela m'étonnerait.
Voyons, prends-moi pour confidente. Pour ne pas aimer M. de Montjoie, il faut que tu en aimes un autre.
Oui.
Le capitaine Daniel!
Oui.
Et je ne le savais pas!
Tu ne me l'as jamais demandé.
Pouvais-je me douter d'une telle aberration! Un homme froid, hautain, qui n'a rien de romanesque? Ah! ce n'est pas celui-là qui a eu la moindre aventure!
Tant mieux, si je suis la première de sa vie.
Et puis, c'est un artilleur. Que feras-tu d'un pareil homme?
J'en ferai mon bonheur.
Compare-le seulement à son rival!
Oh! je ne compare pas Daniel… je le sépare.
Toi que j'avais si bien élevée! Je vois que je m'étais méprise sur ton caractère. Je ne te connaissais pas.
C'est bien possible, je ne me connaissais pas moi-même.
Un homme que tu as vu pour la première fois il y a deux mois!
Alors, tu ne me parleras plus de M. de Montjoie?
Soit, mais je ne m'engage pas à soutenir l'artilleur.
Je ne te demande que la neutralité.
Malheureuse enfant! (Curieusement.) T'a-t-il dit qu'il t'aimait?
Jamais!
Tu vois bien!
Mais je suis sûre qu'il m'aime.
Pourquoi?
Précisément parce qu'il ne me l'a pas dit.
Tu es folle!
Tu crois?
On ne l'a pas vu depuis huit jours.
Je sais pourquoi.
Comment le sais-tu?
Je l'ai deviné. Écoute bien. Il est allé chez sa tante, madame Dubois, qui habite le bourg de Vic-sur-Cère, dans le Cantal. Il y a passé la semaine. Tu comprends qu'il ne pouvait pas lui-même demander ma main. C'est la raison de son voyage. Il ne m'a pas écrit une seule fois, mais je suis certaine qu'il reviendra aujourd'hui ou demain avec sa tante, et aussitôt il priera mon père de lui fixer un rendez-vous.
De quelle façon t'y es-tu prise pour deviner cela?
Je me suis demandé ce que j'aurais fait, si j'avais été à sa place.
Imaginations!
Nous verrons bien!
SCÈNE VII
Tiens, laisse-moi tranquille, tu m'exaspères. (Au soldat.) C'est M. Daniel qui vous a remis cette lettre?
Oui, monsieur.
«Monsieur, je viens de passer la semaine chez ma tante, Mme Dubois, qui habite le bourg de Vic-sur-Cère, dans le Cantal. Me voici de retour avec elle. Je vous serais reconnaissant de vouloir bien m'accorder un rendez-vous…»
Me suis-je trompée de beaucoup?
Tu es sorcière.
Dites au capitaine qu'il peut venir. Je l'attends. (Le soldat sort. Il se frotte les mains.) Il sera bientôt ici, puisqu'il demeure en face.
Pourquoi te frottes-tu les mains?
Parce que je suis content.
Évidemment. Mais pourquoi es-tu content?
Parce que… (A Édith.) Mon enfant, tu devrais aller faire