Histoire anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Premier. Du Casse Albert. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Du Casse Albert
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
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te ressouviendra du pauvre Ligdamon.

      Parmi les auteurs dramatiques de la même époque, nous citerons: Troterel, qui fit quelques pastorales et deux tragédies dont le succès dura peu de temps; Claude Billard, sieur de Courgenay, d'abord page de la duchesse de Retz, qui écrivit ensuite pour le théâtre et laissa les médiocres tragédies de Gaston de Foix, de Méroué, de Polixène, de Panthée, de Saül d'Alban, de Genèvre et de Henri IV. Dans cette dernière composition, le dauphin, suivi des seigneurs de la cour, se révolte de ce qu'on le trouve trop jeune pour accompagner le roi son père. Ses amis l'approuvent et le chœur des courtisans reprend:

      Je ne puis mettre dans ma tête,

      Ce malheureux latin étranger

      Qui met mes fesses en danger.

      Mainfray, auteur d'Hercule, d'Astiage, de Cyrus triomphant, de la Rhodienne, tragédie, et de la Chasse royale, comédie en quatre actes et en vers, jouée en 1625 et contenant, dit le titre, la subtilité dont usa une chasseresse envers un satyre qui la poursuivait d'amour.

      Dans une de ses tragédies, intitulée la Perfidie d'Aman mignon et favori d'Assuérus, on trouve le singulier dialogue suivant.

      Aman se plaint ainsi de Mardochée qui refuse de lui rendre hommage:

      Un certain Mardochée en tous lieux me courrouce.

      Il se moque de moi et bien loin me repousse

      Comme homme de néant Je lui ferai sentir,

      En dedans peu de jours, un triste repentir.

      Le gibet est tout prêt; il faut qu'il y demeure,

      Et qu'il y soit pendu avant qu'il y soit une heure.

      Mardochée arrive, et Aman lui dit:

      Ah! te voici, coquin! qui te fait si hardi

      D'entrer en cette place? Es-tu pas étourdi?

MARDOCHÉE

      Que veut dire aujourd'hui cet homme épouvantable?

      Qui croit m'épouvanter de sa voix effroyable?

      As-tu bu trop d'un coup? Tu es bien furieux!

      Nul homme n'ose-t-il se montrer à tes yeux?

AMAN

      Oui, mais ne sais-tu pas ce que le roi commande,

      Que le peuple m'adore, autrement qu'on le pende?

      Et encore oses-tu te montrer devant moi?

      Je t'apprendrai bientôt à mépriser le roi.

MARDOCHÉE

      O le grand personnage! Adorer un tel homme!

      J'adorerais plutôt la plus petite pomme,

      Et ne fait-il pas beau qu'un petit raboteur,

      Qu'un homme roturier reçoive un tel honneur?

      Tu devrais te cacher, etc.

      Borée composa Clorise, Achille, Bevalde, la Justice d'amour, Rhodes subjuguée, Tomyris, tragédies aussi ennuyeuses que longues, se rapprochant des temps barbares du théâtre, mais dans lesquelles on trouve cependant quelques scènes bien dialoguées.

      Pierre Mathieu, historiographe de France, donna la Guisarde, ou le triomphe de la Ligue, tragédie dans laquelle on lit ces vers:

      Je redoute mon Dieu, c'est lui seul que je crains;

      On n'est point délaissé quand on a Dieu pour père.

      Il ouvre à tous la main, il nourrit les corbeaux,

      Il donne la pâture aux jeunes passereaux, etc.

      Évidemment c'est cette pensée que Racine reproduit dans un langage plus élevé et plus noble au commencement d'Athalie.

      Nous terminerons cette étude sur les auteurs dramatiques des premières années du dix-septième siècle, par un mot sur Boissin de Gattardon, qui composa d'abord des pièces saintes, telles que le Martyre de sainte Catherine, de saint Eustache et de saint Vincent, et fit ensuite les pièces profanes de Andromède, Méléagre et les Urnes vivantes, ou les Amours de Pholimor et de Polibelle.

      Ce poëte est un des plus barbares qui ait jamais existé. On ne comprend pas même aujourd'hui qu'il se soit trouvé dans aucun temps, un public pour accepter et laisser représenter des monstruosités semblables. Les héros de la fable, dans ses tragédies ou ce qu'il décore de ce nom, citent Démosthène, Cicéron, Pline. Les martyres des saints sont des rapsodies dégoûtantes, et n'ont pas même le plaisant de la farce.

      Nous n'avons cité que les principaux auteurs du commencement du dix-septième siècle. Le nombre en est beaucoup plus considérable. Quelques-unes des pièces de ceux dont nous n'avons pas prononcé le nom, méritent encore par leur bizarrerie, d'être mentionnées dans cette étude anecdotique.

      En 1600, Despanney fit jouer une tragi-comédie intitulée Adamantine, ou le Désespoir, dans laquelle se trouve la scène suivante qui parut aux spectateurs de cette époque, la chose du monde la plus simple et la plus morale.

      Un chevalier français, épris d'une princesse étrangère, se jette à ses pieds et parvient à l'émouvoir. Elle lui dit:

      – Qui peut à vos douleurs donner de l'allégeance?

      – Je n'en puis espérer que par la jouissance.

      – Vous voulez, je le crois, de l'honneur abuser?

      – Non, mais bien, s'il vous plaît, ce soir vous épouser.

      Alors la confidente de la princesse intervient et les fait s'embrasser, puis elle leur dit:

      C'est assez, mes amis; sans plus de cavillage,

      Donnez-vous, comme époux, la foi du mariage.

      Vous êtes mariés; ne reste que la nuit

      Pour éteindre vos feux.

      Voilà certes une façon commode et des plus lestes de s'unir par les liens du mariage, c'est encore plus expéditif que d'avoir recours au fameux forgeron anglais. Au moyen de quatre vers et d'un jeu de mots, la confidente tranche toute difficulté.

      Thulin, en 1629, fit représenter une pièce en un acte sous ce singulier titre: les Amours de la Guimbarde, toute en chanson et en vers gascons. C'est à Béziers que se donna cette œuvre bizarre, l'une des treize comédies insérées dans un livre fort rare aujourd'hui et intitulé: l'Antiquité du Triomphe de Béziers un jour de l'Ascension. Voici, du reste, quelle fut l'origine de ce livre et de ces pièces. La ville de Béziers, assiégée il y a plusieurs siècles, avait été délivrée le jour de l'Ascension. En souvenir de cet heureux événement et pour en conserver la mémoire, on avait institué une fête anniversaire. Ce jour-là, les habitants des environs se rendaient à la procession, et des drames étaient représentés en l'honneur d'un certain capitaine Pépesuc, dont la statue de pierre existait alors dans la ville, et auquel on attribuait en partie la délivrance de Béziers.

      Dans Bisatic, tragédie de Magarit Pageau, jouée eu 1600, la fille du roi des Massiliens, éprise de Crassus et désolée de ne pas l'avoir suivi à Rome, s'écrie:

      Je te pouvais aider de petite servante,

      Sous ton commandement volontiers fléchissante,

      Ou bien pour tes rabats blanchement affiner,

      Ou bien, en reposant, ton lit encourtiner.

      Les autres comédies ou pastorales dont nous pourrions parler, sont en général tellement ennuyeuses ou tellement décolletées par le fond et par la forme, que nous croyons devoir borner là nos citations, d'autant que nous en avons dit assez pour faire comprendre quel était le goût des premières époques